Carnets de notes - Documents

Décret du 14 décembre 1789

Décret de l’Assemblé Nationale Constituante sur la constitution des municipalités
Suppression des anciennes juridictions et communautés locales.

Art. 1er. Les municipalités actuellement subsistant en chaque ville, bourg, paroisse ou communauté, sous le titre d’hôtels-de-ville, échevinats, consulats, et généralement sous quelque titre et qualification que ce soit, sont supprimées et abolies ; et cependant les officiers municipaux actuellement en exercice continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés.

2. Les officiers et membres des municipalités actuelles seront remplacés par voie d’élection.

3. Les droits de présentation, nomination ou confirmation, et les droits de présidence ou de présence aux assemblées municipales, prétendus ou exercés comme attachés à la possession de certaines terres, aux fonctions de commandant de province ou de ville, aux évêchés ou archevêchés, et généralement à quelque autre titre que ce puisse être, sont abolis.

4. Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire.

5. Tous les citoyens actifs de chaque ville, bourg, paroisse ou communauté, pourront concourir à l'élection des membres du corps municipal.

6. Les citoyens actifs se réuniront en une seule assemblée, dans les communautés où il y a moins de quatre mille habitants ; en deux assemblées, dans les communautés de quatre mille à huit mille habitants ; en trois assemblées, dans les communautés de huit mille à douze mille habitants, et ainsi de suite.

7. Les assemblées ne pourront se former par métiers, professions ou corporations, mais par quartiers ou arrondissements.

8. Les assemblées de citoyens actifs seront convoquées par le corps municipal, huit jours avant celui où elles devront avoir lieu. La séance sera ouverte en présence d'un citoyen chargé par le corps municipal d'expliquer l'objet de la convocation.

9. Toutes les assemblées particulières dans la même ville ou communauté seront indiquées pour le même jour et à la même heure.

10. Chaque assemblée procédera, dès qu'elle sera formée, à la nomination d'un président et d'un secrétaire ; il ne faudra, pour cette nomination, que la simple pluralité relative des suffrages, en un seul scrutin recueilli et dépouillé par les trois plus anciens d'âge.

11. Chaque assemblée nommera ensuite, à la pluralité relative des suffrages, trois scrutateurs qui seront chargés d’ouvrir les scrutins subséquents, de les dépouiller, de compter les voix et de proclamer les résultats. Ces trois scrutateurs seront nommés par un seul scrutin recueilli et dépouillé, comme le précédent, par les trois plus anciens d'âge.

12. Les conditions de l'éligibilité pour les administrations municipales seront les mêmes que pour les administrations de département et de district ; néanmoins les parents et alliés aux degrés de père et de fils, de beau-père et de gendre, de frère et de beau-frère, d'oncle et de neveu, ne pourront être en même temps membres du même corps municipal.

13. Les officiers municipaux et les notables dont il sera parlé ci-après ne pourront être nommés que parmi les citoyens éligibles de la commune.

14. Les citoyens qui occupent des places de judicature ne peuvent être en même temps membres des corps municipaux.

15. Ceux qui sont chargés de la perception des impôts indirects, tant que ces impôts subsisteront, ne peuvent être admis en même temps aux fonctions municipales.

16. Les maires seront toujours élus à la pluralité absolue des voix. Si le premier scrutin ne donne cette pluralité, il sera procédé à un second, si celui-ci ne donne point encore, il sera procédé, dans lequel le choix ne pourra plus se faire qu’entre les deux citoyens qui auront réuni le plus de voix au scrutin précédent. Enfin, s’il y avait égalité de suffrage entre eux à ce troisième scrutin, le plus âgé serait préféré.

17. La nomination des autres membres du corps municipal sera faite au scrutin de liste double.

18. Dans les villes ou communauté où il y aura plusieurs assemblées particulières des citoyens actifs, ces assemblées ne seront regardées que comme des sections de l’assemblées générale de ville ou communauté.

19. En conséquence, chaque section de l’assemblée générale des citoyens actifs fera parvenir à la maison commune ou maison de ville le recensement de son scrutin particulier, contenant la mention du nombre de suffrages que chaque citoyen nommé aura réunis en sa faveur ; et le résultat général de tous ces recensements sera formé dans la maison commune.

20. Chaque section particulière de l’assemblée générale des citoyens actifs pourra envoyer à la maison commune un commissaire pour assister au recensement du scrutin.

21. Ceux qui, dès le premier scrutin, réuniront la pluralité absolue, c’est-à-dire la moitié des suffrages et un en sus, seront définitivement élus. – Si au premier tour du scrutin, il n’y a pas un nombre suffisant de citoyens élus à la pluralité absolue des voix, on procédera à un second scrutin ; ceux qui obtiendront une seconde fois la pluralité absolue seront de mêmes élus définitivement. – Enfin, si le nombre nécessaire n’est pas rempli par les deux premiers scrutins, il en sera fait un troisième et dernier ; et à celui-ci il suffira, pour être élu, d’obtenir la pluralité relative des suffrages.

22. Les citoyens qui, par l’événement du scrutin, auront été nommé membres du corps municipal, seront proclamés par les officiers municipaux en exercice.

23. Dans les villes où l’assemblée générale des citoyens sera divisée en plusieurs sections, les scrutins de ces diverses sections seront recensés à la maison commune, le plus promptement qu’il sera possible, en sorte que les scrutins ultérieurs, s’ils se trouvent nécessaires, puissent se faire dès le même jour et au plus tard le lendemain

24. Après les élections, les citoyens actifs de la communauté ne pourront ni rester assembler, ni s’assembler de nouveau en corps de commune, sans une convocation expresse ordonnée par le conseil général de la commune dont il va être parlé ci-après. Ce conseil ne pourra la refuser, si elle est requise par le sixième des citoyens actifs dans les communautés au-dessous de 4.00 âmes, et de 150 citoyens actifs dans toutes les autres communautés.

25. Les membres des corps municipaux des villes, bourgs, paroisses, communautés, seront au nombre de trois, y compris le maire, lorsque la population sera au-dessous de 500 âmes ; – De six, y compris le maire, depuis 500 âmes jusqu'à 3.000 ; – De neuf, depuis 3.000 âmes jusqu'à 10.000 ; – De douze, depuis 10.000 âmes jusqu'à 25.000 ; – De quinze, depuis 25.000 âmes jusqu'à 50.000 ; – De dix-huit, depuis 50.000 âmes jusqu'à 100.000 ; – De vingt-un, au-dessus de 100.000 âmes. – Quant à la ville de Paris, attendu son immense population, elle sera gouvernée par un règlement particulier, qui sera donné par l’Assemblée nationale, sur les mêmes bases et d'après les mêmes principes que le règlement général de toutes les municipalités du royaume.

26, Il y aura dans chaque municipalité un procureur de la commune, sans voix délibérative ; il sera chargé de défendre les intérêts et de poursuivre les affaires de la communauté.

27. Dans les villes au-dessus de 10.000 âmes, il y aura en outre un substitut du procureur de la commune, lequel, à défaut de celui-ci, exercera ses fonctions.

28. Le procureur de la commune sera nommé par les citoyens actifs, au scrutin et à la pluralité absolue des suffrages, dans la forme et selon les règles prescrites par l'art. 15 ci-dessus, pour l'élection du maire.

29. Le substitut du procureur de la commune, lorsqu'il y aura lieu d'en nommer un, sera élu de la même manière.

30. Les citoyens actifs de chaque communauté nommeront par un seul scrutin de liste et à la pluralité relative des suffrages, un nombre de notables double de celui des membres du corps municipal.

31 Ces notables formeront avec les membres du corps municipal le conseil général de la commune, et ne seront appelés que pour les affaires importantes, ainsi qu'il sera dit ci-après.

32. Il y aura en chaque municipalité un secrétaire-greffier nommé par le conseil général de la commune. Il prêtera serment de remplir fidèlement ses fonctions, et pourra être changé lorsque le conseil général, convoqué à cet effet, l'aura jugé convenable, à la majorité des voix.

33. Le conseil général de la commune pourra aussi, suivant les circonstances, nommer un trésorier, en prenant les précautions nécessaires pour la sûreté des fonds de la communauté. Ce trésorier pourra être changé comme le secrétaire-greffier.

34. Chaque corps municipal composé de plus de trois membres, sera divisé en conseil et en bureau.

35. Le bureau sera composé du tiers des officiers municipaux, y compris le maire, qui en fera toujours partie ; les deux autres tiers formeront le conseil.

36. Les membres du bureau seront choisis par le corps municipal tous les ans, et pourront être réélus pour une seconde année.

37. Le bureau sera chargé de tous les soins de l'exécution, et borné à la simple régie. Dans les municipalités réduites à trois membres, l'exécution sera confiée au maire seul.

38. Le conseil municipal s'assemblera au moins une fois par mois ; il commencera par arrêter les comptes du bureau, lorsqu'il y aura lieu ; et après cette opération faite, les membres du bureau auront séance et voix délibérative avec ceux du conseil.

39. Toutes les délibérations nécessaires à l'exercice des fonctions du corps municipal seront prises dans l'assemblée des membres du conseil et du bureau réunis, à l’exception des délibérations relatives à l’arrêté des comptes, qui comme il vient d’être dit, seront prises par le conseil seul.

40. La présence des deux tiers au moins des membres du conseil sera nécessaire pour recevoir les comptes du bureau ; et celle de la moitié, plus un, des membres du corps municipal, pour prendre les autres délibérations.

41. Dans les villes au-dessus de 25.000 âmes, l’administration municipale pourra se diviser en section, à raison de la diversité des matières.

42. Les officiers municipaux et les notables seront élus pour deux ans, et renouvelés par moitié chaque année. Le sort déterminera ceux qui devront sortir à l’époque de l’élection qui suivra la première. Quand le nombre sera impair, il sortira alternativement un membre de plus ou un de moins.

43. Le maire restera en exercice pendant deux ans ; il pourra être réélu pour deux autres années ; mais ensuite il ne sera permis de l’élire de nouveau qu’après un intervalle de deux ans.

44. Le procureur de la commune et son substitut conserveront leurs places pendant deux ans, et pourront également être réélus pour deux autres années ; néanmoins, à la suite de la première élection, le substitut du procureur de la commune n’exercera ses fonctions qu’une année ; et dans toutes les élections suivantes, le procureur de la commune et son substitut seront remplacés ou réélus alternativement chaque année.

45. Les assemblées d’élection pour les renouvellements annuels se tiendront dans tout le royaume, le dimanche de la Saint-Martin, sur la convocation des officiers municipaux.

46. Si la place de maire ou de procureur de la commune ou de son substitut devient vacante par mort, démission ou autrement, il sera convoqué une assemblée extraordinaire des citoyens actifs, pour procéder à une nouvelle élection.

47. Lorsqu’un membre du conseil municipal viendra à mourir ou donner sa démission, ou sera destitués, ou suspendu de sa place, ou passera dans le bureau municipal, il sera remplacé de droit, pour le temps qui lui restait à remplir, par celui des notables qui aura réuni le plus de suffrages.

48. Avant d’entre en exercice, le maire et les autres membres du corps municipal, le procureur de la commune et son substitut, s’il y en a un, prêteront le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de bien remplir leurs fonctions. Ce serment sera prêté à la prochaine élection devant la commune, et devant le corps municipal aux élections suivantes.

49. Les corps municipaux auront deux espèces de fonctions à remplir ; les unes, propres au pouvoir municipal ; les autres, propres à l’administration générale de l’état, et délégué par elle aux municipalités.

50. Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance de l’inspection des assemblées administratives, sont : – De régir les biens et les revenus communs des villes, bourgs, paroisses et communautés ; – De régler et d’acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs ; – De diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté ; – D’administrer les établissement s qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l'usage des citoyens dont elle est composée ; – De faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics [1].

51. Les fonctions propres à l'administration générale, qui peuvent être déléguées aux corps municipaux pour les exercer sous l'autorité des assemblées administratives, sont : – La répartition des contributions directes entre les citoyens dont la communauté est composée ; – La perception de ces contributions ; – Le versement de ces contributions dans les caisses du district ou du département ; – La direction immédiate des travaux publics dans le ressort de la municipalité ; – La régie immédiate des établissements publics destinés à l'utilité générale ; – La surveillance et l'agence nécessaires à la conservation des propriétés publiques ; – L'inspection directe des travaux de réparation ou de reconstruction des églises, presbytères et autres objets relatifs au service du culte religieux.

52. Pour l'exercice des fonctions propres ou déléguées aux corps municipaux, ils auront le droit de requérir les secours nécessaires des gardes nationales et autres forces publiques, ainsi qu'il sera plus amplement expliqué.

53. Le maire et les autres membres du conseil municipal, le procureur de la commune et son substitut, ne pourront exercer en même temps les fonctions municipales et celles de la garde nationale.

54. Le conseil général de la commune, composé tant des membres du corps municipal que des notables, sera convoqué toutes les fois que l'administration municipale le jugera convenable. Elle ne pourra se dispenser de le convoquer lorsqu'il s'agira de délibérer : – Sur des acquisitions ou aliénations d'immeubles ; – Sur des impositions extraordinaires pour dépenses locales ; – Sur des emprunts ; – Sur des travaux à entreprendre ; – Sur l'emploi du prix des ventes, des remboursements ou recouvrements ; – Sur les procès à intenter ; – Même sur les procès à soutenir, dans le cas où le fond du droit sera contesté.

55. Les corps municipaux seront entièrement subordonnés aux administrations de département et de district, pour tout ce qui concernera les fonctions qu'ils auront à exercer par délégation de l'administration générale.

56. Quant à l'exercice des fonctions propres au pouvoir municipal, toutes les délibérations pour lesquelles la convocation du conseil général de la commune est nécessaire, suivant l'art. 54 ci-dessus, ne pourront être exécutées qu'avec l'approbation de l'administration ou du directoire de département, qui sera donnée, s'il y a lieu, sur l'avis de l'administration ou du directoire de district.

57. Tous les comptes de la régie des bureaux municipaux, après qu'ils auront été reçus par le conseil municipal, seront vérifiés par l'administration ou le directoire de district, et arrêtés définitivement par l'administration ou le directoire de département, sur l'avis de celle de district ou de son directoire.

58. Dans toutes les villes au-dessous de quatre mille âmes, les comptes à l'administration municipale, en recette et en dépense, seront imprimés chaque année.

59. Dans toutes les communautés sans distinction, les citoyens actifs pourront prendre au greffe de la municipalité, sans déplacer et sans frais, communication des comptes, des pièces justificatives et des délibérations du corps municipal, toutes les fois qu'ils le requerront.

60. Si un citoyen croit être personnellement lésé par quelque acte di1 corps municipal ; il pourra exposer ses sujets de plainte à l'administration ou au directoire de département, qui y fera droit sur l'avis de l'administration de district, qui sera chargée de vérifier les faits.

61. Tout citoyen actif pourra signer et présenter contre les officiers municipaux la dénonciation des délits d'administration dont il prétendra qu'ils se seraient rendus coupables ; mais avant de porter cette dénonciation devant les tribunaux, il sera tenu de la soumettre à l'administration ou an directoire de département, qui, après avoir pris l'avis de l'administration de district ou de son directoire, renverra la dénonciation, s'il y a lieu, devant les juges qui en devront connaître.

62. Les citoyens actifs ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes en assemblées particulières, pour rédiger des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département et de district, soit au corps législatif, soit au roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux du temps et du lieu de ces assemblées, et de ne pouvoir députer que dix citoyens pour apporter et présenter ces adresses et pétitions.


Bibliographie

  1. Recueil général annoté des lois, décrets, ordonnances, etc. depuis le mois de juin 1789 jusqu’au mois d’août 1830 ; avec les notices par MM. Odilon Barrot, Vatimesnil, Ymbert, publié par les Rédacteurs du Journal des notaires et des avocats, tome premier. [en ligne] Paris, Journal des Notaires et des avocats, 1834, pp. 24-30. Disponible sur : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k426347w

Notes

[1] Les maires ont le droit de faire des règlements pour assurer la fidélité du débit des boulangers […] ; pour commissionner un vidangeur privilégié […] ; pour défendre des dépôts de fumier dans les rues […] ; pour établir des droits de place sur le marché et dans un pont, par voie de police […] ; pour faire des règlements sur le balayage des rues et ruisseaux […] ; pour l’étalage et vente de la morue et du poisson, même dans des boutiques […] ; d’ordonner la démolition des édifices menaçant ruine […] ; d’empêcher des dépôts de fumier, même sur des terrains privés […] ; de prescrire aux bouchers de faire leurs tueries chez eux, portes fermées […] ; de défendre la chasse sur les finages des mieux à vendanger […] ; les maires ont le droits de faire des arrêtés sur la police des destinateurs, et d’empêcher le versement des eaux insalubres […] ; de faire des règlements sur la police des bains en rivière, dans l’intérêts des mœurs […] ; des règlements de voirie pour les constructions et alignements, sur les hauteurs des maisons […] ; de faire des injonctions individuelles d’enlever des fumiers déposés dans une rue de ville […] ; de prohiber le versement des lieux d’aisance dans un canal […] ; de faire des règlements pour l’usage des biens communaux […] ; de prescrire aux logeurs de tenir des registres […] ; de prendre des arrêtés d’alignement, même dans les villes […]