Carnets de notes - Documents

Traité d'Utrecht (1713)

Cession des Pays-méridionaux et du duché de Luxembourg à la maison d’Autriche.

Traité

Préambule

« Louis par la grâce de dieu, roi de France et de Navarre : À tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Comme nous très-cher et bien aimé cousin le marquis d’Huxelles, maréchal de France, chevalier de nos ordres et notre lieutenant général au gouvernement de Bourgogne ; Et notre cher et bien aimé le sieur Mesnager, chevalier de notre ordre de Saint Michel, nos ambassadeurs extraordinaire et plénipotentiaires, en vertu des pleins pouvoirs que nous leur en avions donné, auraient conclu, arrêté et signé le 11e du présent mois d’avril à Utrecht, avec les sieurs Jacques de Randwyck, seigneur de Rossem, etc. Burggarve de l’Empire, et juge de la ville de Nimègue ; Guillaume Buys, conseiller-pensionnaire de la ville d’Amsterdam ; Bruno Vander-Dussen, ancien bourgmestre, sénateur et conseiller-pensionnaire de la ville de Goude, asseusseur au conseil des Heemrades, de Schieland, Dyckgrave de Crimpenvaad ; Corneille Vangheel, seigneur de Spambroch et Bulkestein, grand bailly du Franc et de la ville de l’Ecluse, surintendant des fiefs relevants du bourg de Bruges, du ressort de l’état ; Frédéric Adrien, baron de Rheede, seigneur de Renswoude, Imminkhuysen et Mourkerkein, président de la noblesse de la province d’Utrecht ; Sicco de Goslinga, Grietman de Francqueradeel, curateur de l’université de Francquer ; et Charles Ferdinand, comte de Inhuysen et de Kniphuisen, seigneur de Vredewold, etc. Députez dans leur assemblée de la part des états de Gueldres, de Hollande et de Westfrise, de Zelande, d’Utrecht, de Frise et de la ville de Groningue et Ommelandes, en qualité d’ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de nos très-chers et grands amis les États Généraux des Provinces Unies des Pays-Bas, pareillement munis de pleins pouvoirs, le Traité de Paix, dont la teneur s’ensuit. 

AU NOM DE LA TRÈS-SAINTE TRINITÉ

À tous présents et à venir. Soit notoire, que pendant le cours de la plus sanglante guerre dont l’Europe ait été affligée depuis longtemps, il a plu à la divine providence de préparer à la chrétienté, la fin de ses maux, en conservant un ardent désir de la paix dans le cœur de très-haut, très-excellent et très-puissant prince Louis XIV par le grâce de dieu roi très-chrétien de France et de Navarre, sa majesté très-chrétienne n’ayant d’ailleurs en vue, que de la rendre solide et perpétuelle par l’équité de ses conditions ; Et les seigneurs États Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas, souhaitant de concourir de bonne foi, et autant qu’il est en eux au rétablissement de la tranquillité publique que, et de rentrer dans l’ancienne amitié et affection de sa majesté très-chrétienne, ont consenti que la ville d’Utrecht fut choisie, pour y traiter de paix, et que pour y parvenir sa majesté très-chrétienne aurait nommé pour ses ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires le sieur Nicolas marquis d’Huxelles, maréchal de France, chevalier de ses ordres, et son lieutenant général au gouvernement de Bourgogne, et le sieur Nicolas Mesnager chevalier de l’ordre de Saint Michel ; Et les seigneurs États Généraux, les sieurs Jacques de Randwyck seigneur de Rossem, etc. Bourggraaf de l’Empire et juge de la ville de Nimègue ; Guillaume Buys conseiller pensionnaire de la ville d’Amsterdam ; bruno Vander Dussen, ancien bourgmestre, sénateur et conseiller pensionnaire de la ville de Gouda, assesseur au conseil des Heemrades de Schieland, et Dyck-graaf de Crimpenrewaard ; Corneil Van Geel seigneur de Spanbrouck, etc. Bulkesheim, grand bailly du France et de la ville de l’Ecluse, surintendant des fiefs relevants du bourg de Bruges du ressort des fiefs relevant du bourg de Bruges du ressort de l’état ; Frederick Adriaan Baron de Reede, seigneur de Renswoude, Emminckuisen et Mourkerken, président de la noblesse d’Utrecht ; Sicco de Goslinga Grietman de Francqueradeel, curateur de l’université à Francquer, et Charles Ferdinant comte de Inhuisen, et de Kniphuisen, seigneur de Vredewoltt, députés dans leur assemblée de la part des états de Gueldres, de Hollande et Westfrise, de Zélande, d’Utrecht, de Frise, et de Groningue et Ommelanden. Lesquels après le cours d’une longue négociation dans laquelle les ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de la très-haute, très-puissant et très-excellente princesse la reine de la Grande Bretagne, n’ont point cessé d’employer leurs soins infatigable pour l’amener au point d’une conclusion de la paix générale, suivant le désir que cette princesse a toujours eut de procurer le rétablissement de la tranquillité de l’Europe, sont enfin parvenus à convertir des conditions dont la teneur s’ensuit ; ce qu’ils ont fait après avoir imploré l’assistance divine, et s’être communiqué respectivement leurs pleins-pouvoirs, dont les copies seront insérées de mot à mot à la fin du présent traité, et en avoir dûment fait l’échange. » 

Article premier

« Il y aura à l’avenir entre sa majesté très-chrétienne et ses successeurs rois de France et de Navarre, et ses royaumes d’une part, et les seigneurs des États Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas d’autre, une paix bonne, ferme, fidèle et inviolable, et cesseront ensuite et seront délaissés tous actes d’hostilité de quelque façon qu’ils soient, entre ledit seigneur roi, et lesdits seigneurs États Généraux, tant par mer et autres eaux, que par terre, en tous leurs royaumes, pays, terres, provinces et seigneuries, et pour tous leurs sujets et habitants, de quelques qualité ou condition qu’ils soient, sans exception de lieux ou de personnes. »

[…]

Article IV

« Il y aura de plus, entre ledit seigneur roi, et lesdits seigneurs États Généraux, leurs sujets et habitants réciproquement, une sincère, ferme et perpétuelle amitié et bonne correspondance, tant par mer que par terre, en tout et par tout, tant dedans que dehors de l’Europe, sans se ressentir des offenses ou dommages qu’ils ont reçus, tant par le passé, que par l’occasion desdites guerres. »

[…]

Article VII

« En contemplation de cette paix, sa majesté très-chrétienne remettra et fera remettre aux seigneurs États Généraux, en faveur de la maison d'Autriche, tout ce que sa majesté très-chrétienne, ou le prince, ou les princes ses alliés possèdent encore des Pays-Bas, communément appelés Espagnols, tels que feu le roi catholique Charles II les a possédés ou dû posséder conformément au traité de Ryswick, sans que sa majesté très-chrétienne, ni le prince ou les princes ses alliés s'en réservent aucuns droits ou prétentions, directement ni indirectement, mais que la maison d'Autriche entrera en la possession desdits Pays-Bas Espagnols, pour en jouir désormais et à toujours pleinement et paisiblement selon l'ordre de succession de ladite maison, aussitôt que les seigneurs États en seront convenus avec elle, de manière dont lesdits Pays-Bas Espagnols leur serviront de barrière et de sûreté.

Bien entendu que du haut quartier de Guedres, le seigneur roi de Prusse retiendra tout ce qu’il y possède et occupe actuellement ; savoir la ville de Gueldres, la préfecture, le bailliage et le bas bailliage de Gueldres, avec tout ce qui y appartient et en dépend, comme aussi spécialement les villes, bailliages et seigneuries de Strahlen, Wachtendonck, Middelaar, Walbeck, Aertzen, Afferden et de Weel, de même que Racy et Kleinkeuelaar avec toutes leurs appartenances et dépendances. De plus il sera remis à sa majesté de roi de Prusse, l’Ammanie de Kriekenbeck avec tout ce qui y appartient et en dépend, et le sPays de Kessel. Pareillement, avec toutes ses appartenances et dépendances, et généralement tout ce que contient ladite Ammanie, et ledit district, sans en rien excepter, si ce n’est Erklens avec ses appartenances et dépendances, pour le tout appartenir à sa majesté prussienne, et aux princes ou princesse ses héritiers et successeurs, avec tous les droits, prérogatives, revenus et avantages de quelque nom qu’ils puissent être appelé, en la même qualité et de la même manière que la maison d’Autriche, et particulièrement le feu roi d’Espagne les a possédés, toutefois avec les charges et hypothèques ; Et en conséquence les États Généraux retireront leurs troupes des endroits ci-dessus nommés, où i y en pourrait avoir, et déchargeront du serment de fidélité les officiers tant civils que des comptoirs, des péages et autres, au moment de l’évacuation qui se fera aussi tôt après la ratification du présente traité.

Il a été encore convenu qu'il sera réservé dans le duché de Luxembourg, ou dans celui de Limbourg une terre de la valeur de trente mille écus de revenu par an, qui sera érigée en principauté en faveur de la princesse des Ursins et de ses héritiers. »

Article VIII

« En conséquence de cela, sa majesté très chrétienne remettra et fera remettre aux seigneurs États Généraux, en faveur comme ci-dessus, immédiatement après la paix, et au plus tard en quinze jours après l'échange des ratifications, le duché, ville et forteresse de Luxembourg avec le comté de Chiny ; le comté ville et château de Namur, comme aussi les villes de Charleroy et Nieuport avec toutes leurs appartenances, dépendances, annexes et enclavements, et tout ce qui outre cela pourrait encore appartenir auxdits Pays-Bas Espagnols ; définis comme ci-dessus, en l'état auquel le tout se trouve à présent avec les fortifications, sans en rien changer, qui s'y trouvent actuellement et avec tous les papiers, lettres, documents et archives, qui concernent lesdits Pays-Bas, ou quelque partie d'iceux. »

Article IX

« Et comme sa majesté catholique a cédé et transporté en pleine souveraineté et propriété, sans aucune réserve ni retour à son altesse électorale de Bavière, lesdits Pays-Bas Espagnols, sa majesté très-chrétienne promet et s'engage de faire donner un acte de sa dite altesse électorale, dans la meilleure forme, par lequel elle, tant pour elle-même, que pour les princes ses hoirs et successeurs nés et à naître, cède et transporte aux seigneurs États Généraux en faveur de la maison d'Autriche, tout le droit que son altesse électorale peut avoir ou prétendre sur lesdits Pays-Bas Espagnols, soit en tout ou en partie, tant en vertu de la cession de sa majesté catholique, qu'en vertu de quelqu'autre acte, titre ou prétention que ce puisse être ; et par lequel acte sa dite altesse électorale, reconnaisse la maison d'Autriche pour légitimes et souverains princes desdits Pays-Bas, sans aucune restriction ou réserve, et décharge et dispense absolument tous et un chacun des sujets desdits Pays-Bas qui lui ont prêté serment de fidélité, ou fait hommage ; lequel acte de cession de son altesse électorale sera remis comme l'on en est convenu à la reine de la Grande Bretagne, le même jour que les ratifications du présent traité doivent être échangées.

Bien entendu que l'électeur de Bavière retiendra la souveraineté et les revenus du duché et ville de Luxembourg, de la ville et comté de Namur, de la ville de Charleroy et de leurs dépendances, appartenances, annexes ou enclavements, (sauf le payement des rentes constituées et hypothéquées sur les dits revenus,) jusqu'à ce que son altesse électorale ait été rétablie dans tous les étals qu'elle possédait dans l'Empire, avant la guerre présente, à l'exception du Haut-Palatinat, et qu'elle aura été mise dans le rang de neuvième électeur, et en possession du royaume de Sardaigne et du titre de roi ; Comme aussi son altesse électorale, pendant le temps qu'elle gardera la souveraineté des susdits pays, pourra tenir ses troupes dans les dépendances du duché de Luxembourg, lesquelles troupes n'excéderont pas le nombre de sept mille hommes, et qu'aucunes troupes des seigneurs États Généraux ou de leurs alliés, excepté celles que lesdits États Généraux, enverront pour les garnisons des places de Luxembourg, Namur et Charleroy, ne pourront passer, loger, ni séjourner dans les dépendances des pays, dont son altesse électorale doit garder la souveraineté, comme il est dit ci-dessus. Il sera cependant permis aux États Généraux de faire voiturer sans aucun empêchement ni opposition quelconque, toutes sortes de munitions de bouche et de guerre dans la ville de Luxembourg, qu'ils trouveront nécessaires. On est aussi convenu que l'électeur de Bavière conservera la souveraineté et les revenus de la ville et duché de Luxembourg, et de leurs dépendances, appartenances, annexes, et enclavements, jusqu'à ce qu'il ait été dédommagé de ses prétentions à l'égard du traité d'Ilmerscheim ; Et l’on est convenu que ce dédommagement sera réglé par les arbitres dont en conviendra, et du nombre desquels la reine de la Grande Bretagne a consenti d'être. Et ce règlement se fera par lesdits arbitres le plus tôt qu'il sera possible. Sa majesté très-chrétienne, fera sortir l'acte de cession de son altesse électorale, son plein et entier effet ; Et pour encore plus de sûreté, sa majesté très-chrétienne promet de faire en sorte que sa majesté catholique approuvera autant que de besoin, ladite cession de son altesse électorale dans son traité, tant avec sa majesté britannique, qu'avec les seigneurs États Généraux. »

Article X

« Cependant quoique l’électeur de Bavière demeure en possession de la souveraineté et des revenus de la ville et duché de Luxembourg, de la ville et comté de Namur, de la ville de Charleroy, et de leurs dépendances, comme il est dit ci-dessus, on est convenu que sa majesté très-chrétienne retirera toutes ses troupes de la ville et duché de Luxembourg, de la ville et comté de Namur, de la ville de Charleroy, et de toutes leurs dépendances immédiatement après la paix, et au plus tard en quinze jours après l’échange des ratifications du présent traité, et qu’elle fera en sorte que sa dite altesse électorale en retirera aussi en même-temps toutes les siennes (excepté des dépendances du duché de Luxembourg,) et celles qu’il pourrait y avoir de l’électeur de Cologne son frère, sans aucune exception, et que la ville et forteresse de Luxembourg, la ville et château de Namur, comme aussi la ville de Charleroy seront cependant gardés par les troupes des seigneurs de États Généraux ; lesquelles y entreront immédiatement après la paix, et au plus tard en quinze jours après l’échange des ratifications. On est convenu aussi que les troupes desdits seigneurs états, y seront logés et traités conformément au règlement fait sur ce sujet, après la paix de Riswick avec son altesse électoral, alors gouverneur général desdits Pays-Bas ; comme aussi que la ville et duché de Luxembourg, la ville et comté de Namur, et la ville de Charleroy, et leurs dépendances contribueront leur quote-part d’un million de florins monnaie d’Hollande, qui doit être assigné par an audits seigneurs États Généraux, sur les meilleurs et les plus clairs revenus desdits Pays-Bas Espagnol, pour l’entretien de leurs troupes et des fortifications des villes et place de leur barrière. Les États Généraux de leur côté s’engagent et promettent que leur troupes n’en troubleront en aucune manière l’électeur de Bavière dans la possession de la souveraineté, et des revenus desdites villes et pays, pour tout le temps qu’il en doit jouir. »

[…]

Article XIV

« On est aussi convenu qu’aucune province, ville, forts ou places desdits Pays-Bas Espagnol, ni de ceux qui sont cédés par sa majesté très-chrétienne, soit jamais cédée, transportée ni donnée, ni puisse échoir à la couronne de France, ni à aucun prince ou princesse de la maison ou ligne de France, soit en vertu de quelque don, vente, échange, convention matrimoniale, succession par testament, ou ab intestat, ou sous quelques autre titre que ce puisse être, ni être mise de quelque manière que ce soit au pouvoir, ni sous l’autorité du roi très-chrétien, ni de quelque prince ou princesse de la maison ou ligne de France. »

[…]

Article XXXIX

« Le présent traité sera ratifié et approuvé par le seigneur roi et les seigneurs État Généraux, et les lettres de ratification seront délivrées dans le terme de trois semaines ou plus tôt si faire se peut, à compter du jour de la signature.

En foi de quoi, nous ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de sa dite majesté et des seigneurs États Généraux, en vertu de nos pouvoirs respectifs, avons ésdits nom signé ces présentes de nos seings ordinaires, et à icelles fait apposer les cachets de armes. À Utrecht le onzième avril mil sept cent treize. »


Bibliographie

  1. Traitez de paix et de commerce, navigation et marine entre la France et les États Généraux des Provinces Unies des Pays-Bas, conclu à Utrecht le 11 avril 1713, Paris, Cher François Fournier – Librairie, 1713, pp. 3-18 et p. 33
  2. VANDERMAELEN Philippe, MEISSER François Joseph (Dr.), Dictionnaire géographique du Luxembourg, Bruxelles, À l’établissement Géographique, 1838, pp. 227-228