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Traité de Campo-Formio (1797)

Traité de paix conclu à Campo-Formio le 17 octobre 1797 (26 vendémiaire an VI), entre la République française et l'Empereur roi de Hongrie et de Bohême. (Ratifications échangées à Rastadt, le 30 novembre 1797.)

Remarque : « Dans le traité de Campo-Formio comme dans celui de Lunéville, le duché de Luxembourg est compris sous la dénomination de Pays-Bas autrichiens ou de provinces Belgiques. [i]»

Traité

Préambule

« Sa majesté l'Empereur des Romains, roi de Hongrie et de Bohème, et la République française, voulant consolider la paix dont les bases ont été posées par les préliminaires signés au château d'Ekenwald, près de Leoben en Styrie, le 18 avril 1797 (29 germinal an V, de la République française, une et indivisible), ont nommé pour leurs Plénipotentiaires, savoir :

Sa majesté l'Empereur et roi, le sieur D. Martius-Mastrilli, noble patricien napolitain, marquis de Gallo, chevalier de l'ordre royal de Saint-Janvier, gentilhomme de la chambre de sa majesté le roi des Deux-Siciles et son ambassadeur extraordinaire à la cour de Vienne ; le sieur Louis, comte du Saint - Empire Romain, de Cobenzl, grand-croix de l'ordre royal de Saint-Étienne, chambellan, conseiller d'état intime actuel de sa dite majesté Impériale et royale apostolique, et son ambassadeur extraordinaire près de sa majesté impériale de toutes les Russies ; le sieur Maximilien, Comte de Meerveldt, chevalier de l'ordre Teutonique et de l'ordre militaire de Marie-Thérèse, chambellan et général-major de cavalerie dans les armées de sa dite majesté l'Empereur et roi ; et le sieur Ignace, baron de Degelmann, ministre plénipotentiaire de sa dite majesté près la République helvétique ;

Et la République française, Bonaparte, général en chef de l'armée française en Italie ;

Lesquels, après l'échange de leurs pleins-pouvoirs respectifs, ont arrêté les articles suivants : »

Article 1er

« Il y aura à l'avenir, et pour toujours, une paix solide et inviolable entre sa majesté l'Empereur des Romains, roi de Hongrie et de Bohème, ses héritiers et successeurs, et la République française. Les parties contractantes apporteront la plus grande attention à maintenir entre elles et leurs états une parfaite intelligence, sans permettre dorénavant que, de part ni d'autre, on commette aucune sorte d'hostilités pas terre ou par mer, pour quelque cause ou sous quelque prétexte que ce puisse être ; et on évitera soigneusement tout ce qui pourrait altérer à l'avenir l'union heureusement établie. Il ne sera donné aucun secours ou protection, soit directement soit indirectement, à ceux qui voudraient porter quelque préjudice à l'une ou à l'autre des parties contractantes. »

Article 2

«  Aussitôt après l'échange des ratifications du présent traité, les parties contractantes feront lever tout séquestre mis sur les biens, droits et revenus des particuliers résidants sur les territoires respectifs et les pays qui y sont réunis, ainsi que des établissements publics qui y sont situés ; elles s'obligent à acquitter tout ce qu'elles peuvent devoir pour fonds à elles prêtés par lesdits particuliers et établissements publics, et à payer ou rembourser toutes rentes constituées à leur profit sur chacune d'elles. Le présent article est déclaré commun à la République Cisalpine. »

Article 3

« Sa majesté l'Empereur, roi de Hongrie et de Bohème, renonce pour elle et ses successeurs, en faveur de la République française, à tous ses droits et titres sur les ci-devant provinces Belgiques, connues sous le nom de Pays-Bas Autrichiens. La République français possédera ces pays à perpétuité, en toute souveraineté et propriété, et avec tous les biens territoriaux qui en dépendent. »

Article 4

« Toutes les dettes hypothéquées, avant la guerre, sur le sol des pays énoncés dans les articles précédents, et dont les contrats seront revêtus des formalités d'usage, seront à la charge de la République française. Les plénipotentiaires de sa majesté l'Empereur, roi de Hongrie et de Bohème, en remettront l'état, le plutôt possible, au plénipotentiaire de la République française, et avant l'échange des ratifications, afin que, lors de l'échange, les plénipotentiaires des deux puissances puissent convenir de tous les articles explicatifs ou additionnels au présent article, et les signer. »

Article 5

« Sa majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, consent à ce que la République Française possède en toute souveraineté les îles ci-devant vénitiennes du Levant, savoir : Corfou, Zante, Céphalonie, Sainte-Maure, Cérigo, et autres îles en dépendantes, ainsi que Butrinto, Larta, Vonizza, et en général tous les établissements ci-devant vénitiens en Albanie, qui sont situés plus bas que le golfe de Lodrino. »

Article 6

« La République Française consent à ce que sa majesté l’Empereur et roi possède en toutes souveraineté et propriété les pays ci-dessous désignés, savoir : l’Istrie, la Dalmatie, les îles ci-devant vénitiennes de l’Adriatique, les bouches du Cattaro, la ville de Venise, les lagunes et les pays compris entre les états héréditaires de sa majesté l’Empereur et roi, la mer Adriatique, et une ligne qui partira du Tyrol, suivra le torrent en avant de Gardola, traversera le lac de Garda jusqu’à la Cise ; de là une ligne militaire jusqu’à San-Giacomo, offrant un avantage égal aux deux parties, laquelle sera désignée par des officiers du génie nommés de part et d’autre avant l’échange des ratifications du présent traité. La ligne de limite passera ensuite de l’Adige à San-Giacomo, suivra la rive gauche de cette rivière jusqu’à l’embouchure du canal Blanc, y compris la partie de Porto-Legnago, qui se trouve sur la rive droite de l’Adige, avec l’arrondissement d’un rayon de trois mille toises. La ligne se continuera par la rive gauche du canal Blanc, la rive gauche du Tararo, la rive gauche du canal dit la Polisella jusqu’à son embouchure dans le Pô, et la rive gauche du grand Pô jusqu’à la mer. »

Article 7

« Sa majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, renonce à perpétuité, pour elle, ses successeurs et ayant-cause, en faveur de la république Cisalpine, à tous les droits et titres provenant de ces droits, que sa dite majesté pourrait prétendre sur les pays qu’elle possédait avant la guerre, et qui font maintenant partie de la République Cisalpine, laquelle les possédera en toute souveraineté et propriété, avec tous les biens territoriaux qui en dépendent. »

Article 8

« Sa majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, reconnait la République Cisalpine comme puissance indépendante. Cette république comprend la ci-devant Lombardie Autrichienne, le Bergamasque, le Bressan, le Cremasque, la ville et forteresse de Mantoue, le Mantouan, Peschiera, la partie des états ci-devant Vénitiens à l’ouest et au sud de la ligne désignée dans l’article 6 pour la frontière des états de sa majesté l’Empereur en Italie ; le Modénois, la Principauté de Massa et Carrara, et les trois Légations de Bologne, Ferrare et la Romagne. »

Article 9

« Dans tous les pays cédés, acquis ou échangées par le présent traité, il sera accordé à tous les habitants et propriétaires quelconques, mainlevée du séquestre mis sur leurs biens, effets et revenus, à cause de la guerre qui a eu lieu entre sa majesté impériale et royale et la République Française, sans qu’à cette égard ils puissent être inquiétés dans leurs biens ou personnes. Ceux qui, à l’avenir, voudront cesser d’habiter lesdits pays, seront tenus d’en faire la déclarations trois mois après la publication du traité de paix définitif : ils auront le terme de trois ans pour vendre leurs meubles et immeubles, ou en disposer à leur volonté. »

Article 10

« Les pays cédés, acquis ou échangés par le présent traité, porteront à ceux auxquels ils demeureront les dettes hypothéquées sur leur sol. »

Article 11

« La navigation de la partie des rivières et canaux servant de limites entre les possessions de sa majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, et celle de la République Cisalpine, sera libre, sans que l’une ni l’autre puissance puisse y établir aucun péage, ni y tenir aucun bâtiment armé en guerre ; ce qui n’exclut pas les précautions nécessaires à la sûreté de la forteresse de Porto-Legnago. »

Article 12

« Toutes ventes ou aliénations faites, tous engagements contractés, soit par les villes ou par le gouvernement ou autorités civiles et administratives des pays ci-devant Vénitiens, pour l’entretien des armées allemandes et françaises, jusqu’à la date de la signature du présent traité, seront confirmés et regardés comme valides. »

Article 13

« Les titres domaniaux et archives des différents pays cédés ou échangés par le présent traité, seront remis, dans l’espace de trois mois à dater de l’échange des ratifications, aux puissances qui en auront acquis la propriété. Les plans et cartes des forteresses, villes et pays que les puissances contractantes acquièrent par le présent traité, leur seront fidèlement remis. Les papiers militaires et registres pris dans la guerre actuelle aux états-majors des armées respectives, seront pareillement rendus. »

Article 14

« Les deux parties contractantes, également animées du désir d’écarter tout ce qui pourrait nuire à la bonne intelligence heureusement établie entr’elles, s’engagent, de la manière la plus solennelle, à contribuer de tout leur pouvoir au maintien de la tranquillité intérieure de leurs états respectifs. »

Article 15

« Il sera conclu incessamment un traité de commerce établi sur des bases équitables et telles qu’elles assurent à sa majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, et à la République Française, des avantages égaux à ceux dont jouissent dans les états respectifs les nations les plus favorisées. En attendant, toutes les communications et relations commerciales seront rétablies dans l’état où elles étaient avant la guerre. »

Article 16

« Aucun habitant de tous les pays occupés par les armées autrichiennes ou française, ne pourra être poursuivi ni recherché, soit dans sa personne, soit dans ses propriétés, à raison de ses opinions politiques, ou actions civiles, militaires et commerciales, pendant la guerre qui a eu lieu entre les deux puissances. »

Article 17

« Sa majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, ne pourra , conformément aux principes de la neutralité, recevoir dans chacun de ses ports, pendant le cours de la présente guerre, plus de six bâtiments armés en guerre appartenant à chacune des puissances belligérantes. »

Article 18

« Sa majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, s’oblige à céder au duc de Modène, en indemnité des pays que ce prince et ses héritiers avaient en Inde, le Brisgaw, qu’il possèdera aux mêmes conditions que celles en vertu desquelles il possédait le Modénois. »

Article 19

« Les biens fonciers et personnels non aliénés de leurs altesses royales l’archiduc Charles et l’archiduchesse Christine, qui sont situés dans les pays cédés à la République Française, leur seront restitués, à la charge de les vendre dans l’espace de trois ans. Il en sera de même des biens fonciers et personnels de son altesse royale l’archiduc Ferdinand dans le territoire de la République Cisalpine. »

Article 20

« Il sera tenu à Rastadt un congrès uniquement composé des plénipotentiaires de l’Empire Germanique et de ceux de la République Française, pour la pacification entre ces deux puissances. Ce congrès sera ouvert un mois après la signature du présent traité, ou plutôt s’il est possible. »

Article 21

« Tous les prisonniers de guerre faits de part et d’autre, et les otages enlevés ou donnés pendant la guerre, qui n’auraient pas encore été restitués, le seront dans quarante jours, à dater de celui de la signature du présent traité. »

Article 22

« Les contributions, livraisons, fournitures et prestations quelconques de guerre, qui ont eu lieu dans les états respectifs des puissances contractantes, cesseront à dater du jour de l’échange des ratifications du présent traité.

Article 23

« Sa majesté l’Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, et la République Française, conserveront entre elles le même cérémonial, quant au rang et aux autres étiquettes, que ce qui a été constamment observé avant la guerre. Sa dite majesté et la République Cisalpine auront entre elles le même cérémonial d’étiquette que celui qui était d’usage entre sa dite majesté et la République de Venise. »

Article 24

« Le présent traité de paix est déclaré commun à la République Batave. »

Article 25

« Le présent traité sera ratifié par sa majesté l'Empereur, roi de Hongrie et de Bohême, et la République française, dans l'espace de trente jours, à dater d'aujourd'hui, ou plus tôt si faire se peut ; et les actes de ratification, en due forme, seront échangés à Rastadt. »

« Fait et signé à Campo-Formio, près d'Udine, le 17 octobre 1797 (26 Vendémiaire an VI). »

Bonaparte

Le marquis de Gallo ; Lois, comte de Cobenzl ; le comte de Meerveldt, général-major ; le baron de Degelmann

« Le Directoire Exécutif arrête et signe le présent traité de paix avec sa majesté l’Empereur et roi de Hongrie et de Bohême, négocié au nom de la République par le citoyen Bonaparte, général en chef de l’armée d’Italie, fondé des pouvoirs du Directoire Exécutif et chargé de ses instructions à cet effet.

Fait ay Palais national du Directoire Exécutif, le 5 Brumaire an VI (26 octobre 1797) de la République Française, une et indivisible. »

François de Neuchateau ; Reubell ; Merlein ; Revellière-Lepeaux

Onze articles secrets sont ajoutés audit traité.


Bibliographie

  1. DE CLERCQ M., Recueil des traités de la France, tome premier, 1713-1802, Paris, Amyot – Éditeur des archives diplomatiques, 1864, pp. 335-339
  2. De CLERCQ, Recueil des traités de la France, tome premier, 1718-1802, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel – Éditeurs, 1880, pp. 335-339
  3. VANDERMAELEN Philippe, MEISSER François Joseph (Dr.), Dictionnaire géographique du Luxembourg, Bruxelles, À l’établissement Géographique, 1838, p. 236

Références

[i] Vandermaelen/Meisser, 1838, page 236