Carnets de notes - Documents

Traité de Liverdun (1632)

Traité conclu le 26 juin 1632 à Liverdun entre Louis XIII roi de France et Charles IV duc de Lorraine imposant à ce dernier un « démembrement formel du patrimoine ducal » : « les villes, châteaux et citadelles de Stenay, et Jametz, demeurent en dépôts entre les mains de sa Majesté [Louis XIII] pour quatre ans, et le Comté de Clermont en Argonne en pleine propriété et souveraineté. » [i]

Traité

« Sa majesté retirera ses armes des états dudit sieur duc de Lorraine où elle avait été contrainte de les porter pour tirer raison de son procédé, les faisant à son grand regret revenir d'Allemagne où elle les avait avancées pour le secours de ses alliés catholiques.

Elle remettra audit sieur duc la ville et château de Bar, la ville et château de saint Miel, le Pont à Mousson, et généralement tout ce qu'elle a conquis dans ses états depuis qu'elle y est entrée avec ses armes.

Moyennant quoi ledit sieur duc déposera dans neuf jours les villes, châteaux, et citadelles de Stenai et Jametz entre les mains de sa majesté ; savoir est Stenai dans six jours, et Jametz trois jours après, le tout avec les vivres, armes et munitions qui sont dedans, et ce pour quatre ans.

À condition que ce temps expiré lesdites places lui seront rendues de bonne foi au même état qu'il les aura déposées. A raison de quoi en sera fait bon procès-verbal, comme aussi des munitions de guerre qui seront pareillement rendues en même état.

Pour ce qui est des grains, sa majesté en retiendra ce que bon lui semblera au prix courant, faisant dés-à-présent rendre le surplus aux commissaires députés à cette fin par ledit sieur duc.

Pendant ledit temps du dépôt, il sera loisible à sa majesté de mettre tel nombre de gens de guerre qu'il lui plaira dans lesdites places pour la garde d'icelles ; et les habitants prêteront le serment de fidélité au roi, s'obligeants à ne rien entreprendre au préjudice du service de sa majesté contre lesdites places pendant ledit dépôt, lequel n'empêchera pas que son altesse ne jouisse de tous et chacun ses revenus et droits, comme elle fait à présent, les officiers dudit sieur duc exerçants leurs charges sous son autorité ainsi qu'ils font.

Ledit Sieur Duc déposera aussi entre les mains de sa majesté la ville et forteresse de Clermont dans trois jours avec cette différence, que parce que sa majesté prétend que le comté dudit Clermont lui appartient et relève de sa couronne, dont il y a procès pendant en la cour de Parlement de Paris, au lieu que les deux autres places doivent être restituées audit sieur duc. Dès à cette heure il est convenu entre sa majesté et lui par le présent traité que ladite ville, forteresse et comté de Clermont, et tout ce qui en dépend demeureront en pleine propriété et souveraineté au roi, comme sa majesté le désire, moyennant le prix qui en sera payé par sa majesté audit sieur duc, à raison du denier cinquante sur le pied du revenu de ladite terre, dont estimation en sera faite par commissaires qui seront députés de part et d'autres dans six mois, eu égard à ce que la terre a valu durant les neuf années dernières dont il en sera faite une commune : cependant et jusques à ce que le prix dudit comté ait été payé par sa majesté, ledit sieur duc en jouira comme des autres lieux ci-dessus.

Et si dans le temps de quatre ans spécifié ci-dessus pour le dépôt, sa majesté n'avait pas payé le prix dudit comté, ainsi qu'il est porté dans cet article, ladite ville et château de Clermont seront restitués audit sieur duc au même état que sa Majesté les a reçus.

Il a été aussi arrêté qu'il sera fait estimation et inventaire des pièces d'artillerie et munitions de guerre qui se trouveront dans ladite place pour être payées par sa majesté audit sieur duc.

De plus qu'entre ci et un an ledit sieur duc rendra la foi et hommage qu'il doit à sa majesté pour raison du Barrois mouvant de la Couronne ainsi qu'il le doit.

Et pour le regard des différents meus et à mouvoir entre sa majesté et ledit sieur duc pour raison des Évêchés de Metz, Toul et Verdun et autres lieux quels qu'ils puissent être, seront nommés de Commissaires de part et d'autre, qui seront tenus de s'assembler quand il plaira à sa majesté en la ville de Paris pour terminer et régler le tout à l'amiable, afin qu'à l'avenir rien ne puisse troubler la bonne intelligence d'entre sa majesté et ledit sieur duc.

Ledit sieur duc observera religieusement à l'avenir les cinq premiers articles du traité de Vic, qui reprennent nouvelle force en vertu du présent, sans plus s'en départir en façon quelconque, et ne laissera passer dans ses états aucunes troupes de gens de guerre qui aient dessein contre le roi ou ses états.

Il demeurera aussi inviolablement uni et attaché aux intérêts de sa majesté, joindra ses armes aux siennes, et l'assistera de toutes ses forces en quelque guerre que sa majesté puisse entreprendre, donnera passage libre dans tous ses états à ses armées, et leur fournira les vivres dont elles auront besoin en les payant au prix courant, étant préalablement averti du temps du passage des troupes, et de la quantité des vivres qu'il faudra pour être fournis par les commissaires dudit sieur duc à ceux de sa majesté, laquelle protègera aussi et défendra la personne dudit sieur duc, et tous ses états contre qui que ce puisse être sans exception quelconque.

Fait à Liverdun ce 26. Juin 1632.

Pour être ratifiée au premier jour par sa majesté et ledit sieur duc. Ce que lesdits commissaires députés ont respectivement promis es dits noms.

Signés, Le Cardinal De Richelieu.

J. C. Henry de Livron Ville. Janin.

NOUS Charles duc de Lorraine, Bar, etc., ayant vu les articles du présent traité, avons icelui ratifié et promettons l'accomplir ainsi qu'il a été convenu par nos commissaires ci-dessus dénommés. 

En foi de quoi nous l'avons signé et fait contresigner par nôtre secrétaire d'état et commandement souscrit. Fait en nôtre ville de Nancy le 27. Juin 1632. Signé, C. de Lorraine. Et plus bas, C. Voillot.

Registré ouï le procureur général du roi à Paris en Parlement le 20. Décembre 1633. Signé, Du Tillet. »

Article secret séparé du traité

« Ensuite du traité fait et passé ce jourd'hui entre monsieur le cardinal de Richelieu pour le roi et les sieurs de Ville et Janin pour monsieur le duc de Lorraine.

Par lequel il a été accordé que les villes et citadelles de Stenai, Jametz et Clermont seront déposées entre les mains du roi dedans certain temps.

Il a été convenu que monsieur le cardinal de Lorraine viendra dans demain trouver le roi, et demeurera pour otage en tel lieu qu'il lui plaira jusques à ce que lesdites places soient remises entre les mains de sa majesté. Laquelle moyennant ledit otage promet de ne rien entreprendre contre ledit sieur duc pendant ledit temps. Fait à Liverdun le 26 jour de Juin 1632. Signé, Henry de Livron Ville. Janin.

Registré ouï le procureur général du roi à Paris en Parlement le 20. Décembre 1633. Signé, Du Tillet. »

Les cinq premiers articles du traité de Vic

« Traité entre le roi de France et le duc de Lorraine.

Fait à Vic en janvier 1631.

Le roi étant à Vic, accorda au duc de Lorraine la protection qu’il désirait, moyennant les conditions portées par le traité suivant, qui fut conclu et arrêté tant d’une part que d’autre. »

Article I

« Le roi ayant sincèrement témoigné à monsieur le duc de Lorraine les mécontentements qu’il avait de lui sur le sujet de diverses occasions qui se sont présentées depuis quatre ans : après que ledit sieur duc a fait connaître à sa majesté avec tout respect l’extrême déplaisir qu’il avait de lui donner aucun mécontentement, et le désir et la passion qu’il a de lui plaire à l’avenir en toutes choses ; il a été accordé ce qui s’ensuit. »

Article II

« Que le sieur duc se départ dès-à-présent de toutes intelligences, ligues, associations, qu’il aurait et pourrait avoir avec quelques prince ou état que ce peut être au préjudice du roi, de ses états, pays de son obéissance et protection. Comme aussi au préjudice du traité d’alliance et confédération faite entre le roi et le roi de Suède, et entre sa majesté et le duc de Bavière, pour la conservation de la liberté d’Allemagne, de la Ligue Catholique, défense et protection des princes, amis et alliés de la France. »

Article III

« Qu’à l’avenir ledit sieur duc ne traitera ni fera aucune alliance avec quelque prince ou état que ce puisse être, sans le sceau et consentement du roi. »

Article IV

« Qu’il fera retirer de ses états tous les ennemis du roi, et tous ses sujets qui sont hors du royaume contre son gré, et ne leur donnera ci-après passage ou sûreté dedans iceux. »

Article V

« Ne permettra aussi qu’il se fasse aucune levée ni amas de gens de guerre dedans ses états contre le service de sa majesté, ni qu’aucun de ses sujets serve ou assiste ses ennemis ; ains (sic) fera retirer tous ceux qui pourraient être engagés au service de quelque prince que ce peut être contre ledit seigneur roi. »

[…]


Bibliographie

  1. Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine, volume 12, Nancy, Chez Lucien Wiener – Libraire, 1866, pp.3-4 (traité de Vic) et pp.22-26 (traité de Liverdun)

Références

[i] Recueil, 1866, p. 22