Carnets de notes - Un monde de paysans

XVIII. Les chamoiseurs

Livre : Un monde de paysans. La basse vallée du Ton entre Vire et Chiers : Description d’un paysage et d’une société rurale.
Remarque : Les superficies sont exprimées en mètre carré ou centiare.

« Ouvrier qui prépare les peaux de chamois.  [i] » (Littré, 1873)

Chamoiser : « Préparer une peau à la façon de la peau de chamois. [ii] » (Littré, 1873)

Le chamoiseur adoucit, assouplit, colore les peaux pour les rendre propres à tous les usages.

Biens immobiliers des chamoiseurs

Nature Nombre de parcelles cadastrales % Superficie (m²) %
Terre labourable 10 47,62 % 28.932 56,46 %
Prairie 2 9,52 % 14.600 28,49 %
Bâtiment 4 19,05 % 5.655 11,04 %
Jardin 4 19,05 % 1.933 3,77 %
Maison 1 4,76 % 126 0,25 %
Total général 21 100,00 % 51.246 100,00 %

Traitement des peaux

Avant d’être travaillées par le chamoiseur, les peaux ont été tannées par le mégissier (tanneurs de peaux d’ovins, caprins et vachettes).

  1. Pour les ramollir, les peaux sont trempées dans un cuvier plein d’eau durant deux à trois jours.
  2. Égouttées, les peaux sont étendues sur un chevalet (rétaler) et nettoyées de leur impureté en les frottant avec un couteau concave.
  3. Nettoyées, elles sont mises deux jours dans l’eau.
  4. Biens ramollis et « redevenus dans leur état naturel », les peaux sont immergées dans un plein mort, bain de chaux vive usagé. En fonction des conditions climatiques, elles y restent entre 8 à 15 jours jusqu’au moment où elles peuvent s’épiler aisément.
  5. Placées sur un chevalet, les peaux sont épilées, pelées à l’aide d’un couteau ordinaire qui coupe peu et ne fait qu’enlever le poil.
  6. Pelées, les peaux sont mises dans un plein neuf, bain de chaux vive pour s’y dégraisser et attendrir. Les peaux sont trempées 24 à 48 heures, relevées et mises en retraite jusqu’à 8 heures, puis à nouveau trempées. L’opération se renouvelle trois à quatre fois pour qu’elles soient suffisamment plamées [1].
  7. Plamées, les peaux sont effleurées. Le chamoiseur coupe et arrache la partie dure de la fleur (épiderme). C’est un travail délicat. Mal fait, les peaux peuvent se trouer
  8. Effleurées, les peaux sont trempées durant une nuit dans la rivière.
  9. Retirées de l’eau, mises sur un chevalet, elles sont écharnées au moyen d’un couteau qui ne coupe pas pour les débarrasser des dernières impuretés.
  10. Pour les dégorger et évacuer les restes de chaux, les peaux sont remises à la rivière une ou deux heures.
  11. Retirées de l’eau, elles sont tordues plusieurs fois pour en extraire l’eau.
  12. Lorsqu’elles sont suffisamment égouttées, les peaux sont huilées.
  13. L’étape suivante, le foulage, est la plus importante. Pour donner aux peaux leur souplesse et moelleux, elles sont foulées dans un moulin.
  14. Suffisamment foulées, elles sont étendues au grand air par exemple dans un pré durant quinze à trente minutes.
  15. Pour dilater les pores de la peau et permettre à l’huile de pénétrer en profondeur, elles sont mises en chaleurs c’est-à-dire qu’elles sont mises en pile dans une petite chambre fermée. La chaleur provient de leur fermentation, mais même si cela n’est pas recommandé, certains chamoiseurs chauffent la pièce au moyen d’un foyer.
  16. Sur un chevalet à l’aide d’un fer ou d’un couteau à écharner, l’artisan enlève l’arrière-fleur, opération délicate consistant à enlever le reste de fleur ou d’épiderme.
  17. Pour la dernière fois, les peaux sont trempées quatre à cinq fois dans une lessive pour retirer l’huile en trop (dégraisser). La lessive utilisée peut être ordinaire à base de cendre et d’eau, mais aussi à base de potasse ou de soude. Les cendres gravelées, tirées de la lie de vin brûlée, sont aussi utilisées.
  18. Dégraissées, les peaux sont étendues et séchées pendant une à vingt journées suivant la saison.
  19. Pour terminer, l’artisan redresse le chamois et efface les plis.

Annexe

Archives consultées

Archives de l’État à Arlon (Belgique)

  1. Archives des Institutions de droit public (époque contemporaine), Cadastre du Royaume des Pays-Bas, Grand-Duché de Luxembourg, Bulletins des propriétés — 1822 : Saint-Mard et Vieux-Virton.

Bibliographie

  1. JULIA de FONTENELLE, Jean Sébastien Eugène. Nouveau manuel complet du chamoiseur, pelletier-fourreur, maroquinier, mégissier, et parcheminier ou L’art de préparer, suivant les procédés les plus nouveaux, les peaux qui sont du ressort de ces arts, ainsi que celles de chagrin, Manuels-Roret. Paris, À la Librairie encyclopédique de Roret, 1841. [pp. 59, 61-64, 68, 70, 79-81, 83-89]
  2. LA LANDE (de), Jérôme. Art du chamoiseur, 1763.
  3. LITTRÉ, Émile. Dictionnaire de la langue française, tome premier, A-C. Librairie Hachette, Paris, 1873 ; https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5406710m

Notes

[1] Plamer = Amollir et dégraisser les peaux à l’aide de la chaux.


Références

[i] Littré, 1873, t1, p. 544

[ii] Littré, 1873, t1, p. 544