Carnets de notes - Archives

13 janvier 1882 : Alphonse Saint-Mard contre François Nicolas Henrion

Belgique : Archives de l’État à Arlon

Justice de paix du canton de Virton

Date : 13 janvier 1882

N° 21

Audience publique du treize janvier mil huit cent quatre-vingt-deux.

Entre Alphonse Saintmard, cultivateur domicilié à Dampicourt demandeur d'une part.

Et François Nicolas Henrion, trafiquant demeurant à Meix-devant-Virton, défendeur d'autre part.

Faits. Le demandeur fit inviter le défendeur à comparaître devant ce tribunal pour s'entendre condamner à lui payer 1° la somme de cent francs pour la valeur du cheval lui appartenant qui a été tué par la faute dudit défendeur le quinze octobre dernier et qu'il s'était engagé à remplacer par un autre cheval dans la huitaine sans faute; 2° deux cents francs de dommages intérêts c'est-à-dire deux francs par jour depuis le vingt-trois octobre dernier pour ne pas avoir fourni au demandeur le cheval qu'il s'était engagé à lui donner en remplacement du sien; se voir en outre condamner aux intérêts et dépens.

À l'audience du trente décembre dernier le défendeur reconnut avoir tué le cheval du demandeur, qu'il s'était engagé à lui envoyer un autre cheval dans la huitaine ; que quinze jours après il lui a envoyé un cheval mais que le demandeur l'a refusé.

Le demandeur soutient que le cheval lui offert par le défendeur ne valait rien.

Le défendeur offrit de rapporter la preuve que le cheval offert valait celui qui a été tué.

Ensuite la cause fut continuée à l'audience de ce jour où il est statué.

En droit y-a-t-il lieu d'admettre le défendeur à la preuve offerte ?

Attendu que le défendeur reconnaît l'engagement contracté par lui de remplacer par un cheval de même valeur, celui du demandeur qu'il a tué par accident, mais soutient que si cet engagement n'a été respecté jusqu'à ce jour, il n'y a nullement de sa faute, le demandeur ayant refusé d'accepter le cheval qu'il lui a envoyé et, qui réunissait toute les conditions de la convention, ce que du reste il offre de prouver;

Attendu que le demandeur conteste formellement que le cheval âgé de vingt-cinq ans, qu'a voulu lui fournir le défendeur réunit les conditions du marché ;

Attendu en conséquence qu'il y a désaccord entre parties sur un point qui de sa nature peut être prouvé par témoins ainsi qu'offre de le faire le défendeur ;

Par ces motifs, le tribunal jugeant en premier ressort, et avant de faire droit, admet le défendeur à rapporter par témoins la preuve que le cheval qu'il a fait offrir au demandeur avait une valeur égale à celle de celui qu'il devait être remplacé par lui; admet le demandeur à la preuve contraire; fixe jour pour les enquêtes à son audience de vingt-huit janvier courant à dix heures du matin.

Ainsi jugé et prononcé en la salle ordinaire des audiences de la justice de paix à Virton, siégeant Messieurs Philippe André Adolphe Rousseau Juge de paix et Joseph Nefontaine greffier.


Date : 28 janvier 1882

N° 46

L'an mil huit cent quatre-vingt-deux le vingt-huit janvier.

Devant nous Philippe André Adolphe Rousseau, Juge de paix du canton de Virton, assisté de Joseph Nefontaine notre greffier.

Est comparu en la salle ordinaire de nos audiences à Virton en audience publique.

Le sieur François Nicolas Henrion, trafiquant demeurant à Meix-devant-Virton.

Lequel expose qu'en exécution de notre jugement interlocutoire rendu le treize janvier, courant entre lui défendeur et Alphonse Saintmard, cultivateur demeurant à Dampicourt demandeur, fait inviter quatre témoins dont deux présents ci-après nommés, requérant, qu'ils soient entendus, tant en absence qu'en présence du demandeur.

S'est aussi présenté le demandeur, lequel présente de son côté, trois témoins ci-après nommés pour la contre-enquête lui réservée, requérant qu'ils soient entendus.

Les témoins produits prêtent serment de dire vérité, en ajoutant : Je le jure ainsi Dieu me soit en aide, et en présence des parties et se [...] l'un et l'autre, ils déposent comme suit :

Enquête

Premier témoin,

Louis Ferot âgé de vingt-cinq ans, cultivateur, demeurant à Meix-devant-Virton, ne suis ni parent, ni allié, ni au service des parties.

Le cheval que le défendeur a offert au demandeur en remplacement de celui qui avait été tué par sa faute, a été acheté par lui à mes parents. Ce cheval était bien, fort, mais il avait vingt-quatre ans accomplis. Je ne connais pas le cheval qui a été tué, je ne puis donc dire si celui présenté par Nicolas avait une valeur égale.

Sur interpellation du demandeur, le témoin déclare que le cheval dont s'agit a été acheté à son père pour trente francs mais à la condition qu'il ne serait pas tué.

Lecture faite au témoin de sa déposition, il déclare y persister, requérir taxe allouée sur deux francs et a signé.

Signé : Ferot Louy

Deuxième témoin,

Joseph Gardien âgé de trente-trois ans, cultivateur demeurant à Meix-devant-Virton ; ne suis ni parents ni allié, ni au service des parties.

C'est moi qui a été chargé par le défendeur de conduire au demandeur le cheval qu'il lui offrait en remplacement du sien. Quand je suis arrivé chez Saintmard, celui-ci a dit qu'il était trop tard, cependant il a visité le cheval. Je ne me rappelle pas s'il a dit que l'animal était trop vieux pour remplacer convenablement le sien. Le cheval dont il s'agit était encore fort mais je sais qu'il était très vieux.

Lecture faite au témoin de sa déposition il déclare y persister, requérir taxe allouée sur deux francs et a signé.

Signé : Gardien Joseph

Contre-enquête

Premier témoin,

Jean Baptiste Themelin, âgé de cinquante-quatre ans, receveur communal demeurant à Dampicourt ; ne suis ni parent, ni allié, ni au service des parties.

Je connaissais fort bien le cheval de Saintmard, qui a été tué par la faute du défendeur. Le cheval avait quinze ans et il était bon. J'ai vu aussi celui que Nicolas a fait présenter pour remplacer cet original. Je le connaissais également car il provient des écuries du père de Saintmard, et il a au moins vingt-quatre à vingt-cinq ans. Aussi était-il loin d'avoir la valeur du cheval tué, quoique ayant encore certaine force. À l'époque actuelle ou plutôt à la sortie de l'hiver, le cheval de Saintmard aurait pu valoir deux cent cinquante francs.

Lecture faite au témoin de sa déposition il déclare y persister, requérir taxe allouée sur deux francs et a signé.

Signé : Themelin

Deuxième témoin,

Jean-Nicolas Evrard, âgé de cinquante-six ans, trafiquant demeurant à Dampicourt ; ne suis ni parent, ni allié, ni au service des parties.

Quelques temps avant que le cheval de Saintmard ait été tué, celui-ci a fait pour moi plusieurs transports de houilles et à cette occasion, j'ai pu remarquer qu'il avait trois bon chevaux, après que celui dont s'agit a été tué, il n'a plus pu continuer à faire mes transports. J'ai dit que les trois chevaux étaient bons, parce qu'il fallait qu'ils le fussent réellement pour exécuter les transports dont je chargeais Saintmard, celui-ci l'éconduisait de la station en deux fois dix mille kilos de houille.

Lecture faite au témoin de sa déposition il déclare y persister, requérir taxe allouée sur deux francs et a signé.

Signé : Evrard.

Troisième témoin,

Jacques Hubert âgé de cinquante-cinq ans, marchand demeurant à Dampicourt ; ne suis ni parent, ni allié, ni au service des parties.

Je connaissais très bien le cheval qui a été tué par le défendeur, car Saintmard faisait pour moi des travaux de culture aussi souvent même j'ai conduis ce cheval moi-même. Il avait quinze ans, je n'ai pas vu le cheval offert par Nicolas en remplacement. Depuis que le demandeur a perdu son cheval il est obligé pour faire mes travaux de culture d'en emprunter un autre.

Lecture faite au témoin de sa déposition il a déclaré y persister, requérir taxe allouée sur deux francs. Il ajoute qu'il était présent lorsqu'après l'accident Nicolas s'est engagé vis à vis de Saintmard à lui payer une somme de cent francs ou à lui procurer dans la huitaine un cheval de même valeur que le sien c'est-à-dire bon et capable de travailler. Ces pour parlés entre les deux parties ont eu lieu sur la place même ou le cheval a été tué.

Et relecture faite, il a signé.

Signé : Hubert Jacques

Les témoins produits ayant été entendus, et le défendeur devant à faire citer les témoins non comparu sur [...] la cause à cet effet est continuée à notre audience du onze février prochain à dix heures du matin.

Dont acte que nous avons signé avec notre greffier lecture faite.


Date : 11 février 1882

N° 61

Enregistré à Virton, le 15 février 1882 (vol 37, folio 53 verso, case 5)

L'an mil huit cent quatre-vingt-deux le onze février.

Devant nous Philippe André Adolphe Rousseau Juge de paix du canton de Virton, assisté de Joseph Nefontaine notre greffier.

Est comparu en la salle ordinaire de nos audiences à Virton en audience publique le sieur François Nicolas ci-dessous qualifié.

Lequel expose qu'en exécution de votre dit jugement interlocutoire en date du treize janvier dernier et de l'assignation à ces jours, lieu et heure prise pour la clôture de la vacature qui précède il produit pour l'enquête ordonnée deux témoins ci-après nommés et requiert leur audition.

S'est aussi présenté le demandeur ledit Alphonse Saintmard, lequel consent à l'audition demandée sous toute réserve de droit.

Les témoins produits prêtent serment de dire toute la vérité et rien que la vérité, en ajoutant individuellement Je le jure ainsi Dieu me soit en aide, et en présence des parties séparément l'un de l'autre, ils déposèrent comme suit.

Considération de l'enquête.

Troisième témoin.

Jean Baptiste Henrion âgé de soixante-quatre ans, cultivateur demeurant à Villers-la-Loue ; ne suis ni parent, ni allié, ni au service des parties.

J'étais présent quant à une foire à Neufchâteau qui a eu lieu il y a treize ans, le demandeur a acheté le cheval dont s'agit au procès ; il l'a payé trois cents francs. Il avait à ce moment quatre ans, sans être boiteux, il avait une certaine raideur dans une cuisse, ce qui lui enlevait de sa valeur ; sans cette infirmité il aurait valu plus que le prix que je viens d'indiquer. Le cheval du reste était de grande taille, assez fort mais mou, et l'espèce d'infirmité que j'ai signalée plus haut ne lui permettait pas de travailler comme un cheval de cette force aurait dû le faire. Je connais également le cheval qui a été offert par Nicolas ; je sais qu'il avait vingt-quatre à vingt-cinq ans, mais il était encore bon, je n'aurais donné environ trente ou quarante francs, si j'avais eu le soin.

Le cheval de Saint Mard n'avait même pas autant de valeur selon moi.

Lecture faite au témoin de sa déposition, il déclare y persister, requérir taxe allouée [...] deux francs et a signé.

Signé : Henrion

Quatrième témoin,

Jules Genin âgé de vingt-trois ans, cultivateur à Dampicourt ; ne suis ni parent, ni allié, ni au service des parties.

Je connaissais le cheval qui a été tué ; c'était une forte bête, elle était de grande taille mais mou, pour le conduire il fallait de la patience, attelé seul à un [tourbeneon], il pouvait conduire de fortes charges ; je ne puis indiquer son âge mais je pense qu'il était déjà vieux. Plusieurs fois, j'ai vu passer le cheval offert en échange par le défendeur, il n'était pas d'aussi forte taille que le premier, mais il marchait biens. Je ne connais pas son âge.

[...] du demandeur, le témoin déclare que le dernier cheval [...] c'est-à-dire celui offert en échange, est un cheval hongre [...] et [...] en tête d'une tâche blanche. Il n'était pas présent lorsque le cheval a été offert à Saint Mard par le défendeur ; mais quelques temps après ce dernier lui a dit que c'était le cheval qu'il avait offert en échange.

Lecture faite au témoin de sa déposition, il déclare y persister, requérir taxe allouée [...] deux francs et a signé.

Signé : Jules Genin

Les témoins produits ayant été entendus, la cause après avoir ouï de nouveau les parties en leurs dire et conclusions, est continuée pour y être fait droit à notre audience du dix-sept février courant, à dix heures du matin.

Dont acte que nous avons signé avec notre greffier lecture faite.


Date : 17 février 1882

N° 74

Audience publique du dix-sept janvier mil huit cent quatre-vingt-deux.

Entre Alphonse Saintmard, cultivateur domicilié à Dampicourt demandeur d'une part.

Et François Nicolas Henrion, trafiquant demeurant à Meix-devant-Virton, défendeur d'autre part.

Faits. Le demandeur fit inviter le défendeur à comparaître devant ce tribunal pour s'entendre condamner à lui payer 1° la somme de cent francs pour la valeur du cheval lui appartenant qui a été tué par le fait dudit défendeur, le quinze octobre dernier, et qu'il s'était engagé à remplacer par un autre cheval dans la huitaine sans faute ; 2° deux cents francs de dommages intérêts, c'est-à-dire deux francs par jour depuis le vingt-trois octobre dernier, pour ne pas avoir donné au demandeur le cheval qu'il s'était engagé à lui donner en remplacement du sien ; se voir en outre condamner aux intérêts et aux dépens.

À l'audience du trente décembre dernier, le défendeur reconnut avoir tué le cheval du demandeur ; qu'il s'était engagé à lui envoyer un autre cheval dans la huitaine ; que quinze jours après il lui a envoyé un cheval mais que le demandeur l'a refusé.

Le demandeur soutient que le cheval lui offert par le défendeur ne valait rien.

Le défendeur offrit de rapporter la preuve que le cheval offert valait celui qui a été tué.

Par jugement du treize janvier dernier, le tribunal avant faire droit admit le défendeur à rapporter la preuve même par témoins que le cheval qu'il a fait offrir au demandeur avait une valeur égale à celle de celui qu'il devait être remplacer par lui; admit le demandeur à la preuve contraire et fixa jour, pour les enquêtes à son audience du vingt-huit janvier dernier à dix heures du matin.

Ainsi qu'il résulte d'un procès-verbal en date des vingt-huit janvier dernier et onze février courant enregistré, il faut procéder aux enquêtes ordonnées, et parties ouïes la cause avant y être fait droit fut continuée à l'audience de ce jour où il est statué.

En droit : y-a-t-il lieu d'adjuger au demandeur ses conclusions ?

Attendu que le défendeur n'a pas rapporté la preuve à laquelle il était été admis et consistant à établir que le cheval qu'il a fait présenter au demandeur en remplacement de celui qu'il avait tué eut une valeur égale à celle de ce dernier ;

Attendu en effet qu'il résulte positivement des enquêtes auxquelles les parties ont fait procéder que le cheval tué, sans être d'une grande valeur, n'était âgé que de quinze ans, était fort et que le demandeur pouvait exécuter avec lui non seulement tous les travaux de culture, mais encore des transports très pondèrent, tandis que l'animal offert pour le remplacer, tous en étant fort encore, avait vingt-quatre ou vingt-cinq ans;

Attendu en conséquence que le défendeur a non seulement effectué tardivement la promesse par lui faite, de remplacer dans la huitaine le cheval tué ; mais a fait offrir un cheval ne réunissant pas les conditions de sa promesse ;

Attendu d'autre part que le défendeur a reconnu lui-même que le cheval du demandeur avait une valeur de cent francs, puis qu'il prenait immédiatement après l'accident, l'engagement de payer à ce dernier pareil somme ou à lui procurer un animal de même valeur;

Attendu que par suite de la présentation de son cheval, le demandeur a évidemment subi un préjudice dont le défendeur doit lui bien comptes.

Par ces motifs, nous Juge de paix déclarons le demandeur bien fondé en son action; condamnons le défendeur à lui payer la somme de cent francs représentant la valeur du cheval tué, 2° la somme de cinquante francs à titre d'indemnité; le condamnons en outre dépens liquidés à quarante francs cinquante centimes desquels, quinze francs quarante centimes reviennent au demandeur qui en a fait l'avance.

Ainsi jugé et prononcé en la salle ordinaire des audiences de la justice de paix à Virton, siégeant Messieurs Philippe André Adolphe Rousseau, Juge de paix et Joseph Nefontaine greffier.