Carnets de notes - Un monde de paysans

XVII. Maréchal-ferrant et forgeron

Livre : Un monde de paysans. La basse vallée du Ton entre Vire et Chiers : Description d’un paysage et d’une société rurale.
Remarque : Les superficies sont exprimées en mètre carré ou centiare.

« Artisan qui ferre les chevaux, et qui les traite quand ils sont malades.[i] » (Littré, 1874)

« L’art de travailler [le fer] dans un but de fournir aux besoins agricoles en général, ou à la ferrure des grands animaux domestiques en particulier, est la maréchalerie ; et, de toutes les professions dont l’agriculture dépend, c’est elle qui passe pour être la première ; aussi celui l’exerce, possédant les capacités nécessaires, a-t-il un mérite qui le place, dans l’opinion publique, au-dessus de l’artisan vulgaire ; d’ailleurs il est reconnu que le maréchal bien famé est considéré partout, à la campagne, comme occupant le même rang que le fermier. » (Manuel du maréchal-ferrant, 1850)[ii]

Dans les villages de la vallée du Ton, un unique propriétaire qualifié de forgeron réside à Dampicourt. En revanche, les maréchaux-ferrants bien représentés possèdent des forges qui peuvent éventuellement être utilisées pour un autre usage que le façonnage des fers à cheval ou qui peuvent être mises à la disposition du charron. Malheureusement, ce sujet n’est pas bien documenté dans la littérature régionale.

Dans la mort de la forge de village, Marthe Chollot-Varagnac écrit que le forgeron-maréchal « était le seul dispensateur du métal dans le village, jouissait d’une autorité correspondant à sa force physique, à son adresse, à son esprit d’ingéniosité multiforme. [iii]» À ses yeux, les deux professions n’en forment qu’une.

Le maréchal-ferrant était indispensable à la vie économique des villages agricoles. Il ferrait les pieds des chevaux. Sans ses soins, ils ne pourraient pas remplir leur mission.

Le forgeron qualifié par Madame Chollot-Varagnac « [d’]athlète, associant deux bras noueux à un torse massif, au dos prodigieusement musclé [iv]» était un artisan polyvalent. Il fabriquait les objets usuels, les outils, les éléments de construction en métal comme les grilles, les rampes d’escalier. Il forgeait les bandes de cerclages des roues pour le charron et fabriquait les charrues. Il jouissait d’une autorité respectée.

« La forge était ainsi le lieu de rassemblement des hommes, tandis que l’église était celui des femmes. [v]» (Chollot-Varagnac)

Biens immobiliers des maréchaux-ferrants

Nature Nombre de parcelles cadastrales % Superficie (m²) %
Terre labourable 172 66,93 % 316.779 75,44 %
Prairie 48 18,68 % 92.222 21,96 %
Jardin 15 5,84 % 6.568 1,56 %
Maison 14 5,45 % 2.204 0,52 %
Verger 2 0,78 % 1.640 0,39 %
Bâtiment 6 2,33 % 510 0,12 %
Total général 257 100,00 % 419.923 100,00 %

Biens immobiliers du forgeron

Nature Nombre de parcelles cadastrales Superficie (m²)
Prairie 2 3.260

Productions

Le fer à cheval est « un appareil composé d’une bande de fer aplatie, courbée sur champ, ayant les bouts séparés ou réunis, et destiné soit à protéger le sabot contre l’usure, soit à le rétablir ou au moins à améliorer son état, lorsqu’il est défectueux. [vi]»

Chaque animal (cheval, âne, mulet, bœuf) a ses propres fers ordinaires qui se distinguent « en fers de devant ou antérieurs, et de derrière ou postérieurs. [vii]» Pour corriger les défauts de pied ou des membres, le maréchal produit des fers correcteurs.

Fer correcteur [viii] :

La forge

La forge à proprement parler est un foyer où brûle le charbon compris entre deux rebords en équerre, reposant sur un âtre surmonté d’une cheminée. Elle peut contenir une petite auge contenant de l’eau.

Le feu est animé au moyen d’un ou de deux soufflets, appelés « la vache », actionné par le maréchal grâce à une chaîne et un contrepoids relié à une gaule suspendue au plafond.

Pour remuer le charbon, l’artisan utilise une chambrière (crochet en fer) ; pour l’asperger d’eau, il se sert d’une escouvette.

Lorsque le fer est rouge, le maréchal le travaille sur une enclume se terminant sur un ou deux côtés en pointes rondes appelées bicornes. « Le Maréchal tient de la main droite un marteau, qui s’appelle le ferretier, et un garçon se met en vis-à-vis avec un marteau long, qu’on appelle le marteau à frapper devant ; ils frappent tous deux sur le fer successivement, et enfin ils le forgent, c’est-à-dire, lui donne la forme d’un fer à cheval ; le Maréchal seul lui donne la dernière main avec ses tenailles, et son ferretier sur la bigorne et sur l’enclume, prenant bien garde de manquer à abattre le rebord qui se fait en dedans du fer quand il l’arrondit sur la bigorne […] [ix]» La dernière façon est l’estampage du fer : l’artisan y perce huit trous (quatre de chaque côté) pour pouvoir le clouer au sabot de l’animal.

Le nouveau parfait maréchal, planche XVIII.

Légende :

Partie supérieure
À gauche
g : Tablier du maréchal-ferrant

À droite (de haut en bas)
c : Tenailles
a : Ferretier (marteau)
m : Repoussoir
e : Estampe (pour trouer le fer)
d : Tranche (pour couper le fer)
b : Marteau à frapper devant (long marteau)

Registre inférieur
h : Boutoir
i : Brochoir
l : Tricoise
o : Râpe
n : Rogne-pied

Partie inférieure (la forge)
La forge
A : Forge (cheminée)
C : Auge
D : Rebord en équerre

Au pied de l’âtre :
M : Escouvette
N : Pelle à charbon
L : Crochet en fer pour remuer le charbon (chambrière)

À côté de la forge :
E : Auge

De part et d’autre de la forge :
B : Soufflets
F : Poids
G : Branloires suspendu aux plafonds
H : Chaînes

L’enclume
P : Enclume
Q : Billot
R : Bigorne
O : Fer

Le ferrage

Le nouveau parfait maréchal, planche XXI.

Pour pouvoir ferrer un animal, ce dernier doit être maintenu et son pied fixé. Avec ou sans l’aide d’un assistant, le maréchal lève sa jambe. Cette position est inconfortable pour le cheval qui peut ressentir de la douleur lorsqu’il garde trop longtemps levé leur pied ou qu’ils souffrent des genoux. Les maréchaux-ferrants les mieux équipés utiliseront un travail pour le soutenir.[x]

Le maréchal commence par examiner l’état du sabot. Il le déferre, le nettoie avec un rogne-pied et abat le plus gros de l’excédent de la corne (blanchir le pied à l’aide du boutoir). Si le fer est en bon état, il le replace. Sinon, il en forge un nouveau.[xi]

Avant d’être posé, le fer est légèrement chauffé pour griller la corne. Bien paré, le maréchal broche deux clous (un de chaque côté), pose le pied de l’animal au sol et vérifie « si le fer est bien en sa place.[xii] » Chose faite, il achève de brocher le fer.[xiii]

Petits outillages utilisés[xiv] :

Annexe

Archives consultées

Archives de l’État à Arlon (Belgique)

  1. Archives des Institutions de droit public (époque contemporaine), Cadastre du Royaume des Pays-Bas, Grand-Duché de Luxembourg, Bulletins des propriétés — 1822 : Dampicourt ; Montquintin et Couvreux ; Saint-Mard et Vieux-Virton.
  2. Archives des Institutions de droit public (époque contemporaine), Administration du cadastre, Royaume de Belgique, Bulletins des propriétés — 1844 : Commune de Lamorteau (Lamorteau, Harnoncourt, Rouvroy et Torgny).

Bibliographie

  1. BROGNIEZ, M. (Médecin vétérinaire). Manuel du maréchal ferrant, 1re série, no 10, Bibliothèque agricole. G. Staplhaux — Imprimeur-Éditeur, 1850. [pp. 1, 11-12, 19-21, 47-50]
  2. CHOLLOT-VARAGNAC, Marthe. La mort de la forge de village. In : Annales. Économies, sociétés, civilisations. 24ᵉ année, N. 2, 1969. pp. 391-402 ; doi : https://doi.org/10.3406/ahess.1969.422063 ; https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1969_num_24_2_422063
  3. GARSAULT (de), François Alexandre Pierre (Capitaine) ; Le nouveau parfait maréchal, ou la connaissance générale et universelle du cheval, divisé en sept traités : 1° De sa construction, 2° Du haras, 3°. De l’écuyer et du harnais, 4° Du médecin, ou traité des maladies des chevaux, 5° Du chirurgien et des opérations, 6° Du maréchal ferrant, 7° De l’apothicaire, ou des remèdes, avec un dictionnaire des termes de cavalerie, cinquième édition. Paris – Niort, L. Bouchard-Huzard – Robin et Cie Libraires, 1843. [pp. 334-336]
  4. LITTRÉ, Émile. Dictionnaire de la langue française, tome troisième, I-P. Librairie Hachette, Paris, 1874 ; https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5460034d

Références

[i] Littré, 1874, t3, p. 445

[ii] Brogniez, 1850, p. 1

[iii] Chollot-Varagnac, 1969, p.395

[iv] Chollot-Varagnac, 1969, p.394

[v] Chollot-Varagnac, 1969, p.395

[vi] Brogniez, 1850, p. 11

[vii] Brogniez, 1850, p. 12

[viii] Brogniez, 1850, pp. 20-21

[ix] Garsault, 1843, p. 335

[x] Brogniez, 1850, p. 47

[xi] Brogniez, 1850, p. 49

[xii] Garsault, 1843, p. 336

[xiii] Brogniez, 1850, pp. 49-50 ; Garsault, 1843, p. 336

[xiv] Brogniez, 1850, p. 50 ; Garsault, 1843, pp. 335-336