Carnets de notes - Chroniques et récits

Mélanie Ernestine : Otage des travers des adultes

Récits St Mard : du côté d’Hubert St Mard (vers 1666-1706) et sa descendance.

Informations généalogiques :

Henry Joseph SAINT MARD, père légal de Mélanie Ernestine SAINTMARD, voit le jour le mardi 20 avril 1847 à Chenois.
Il est le fils d’Henry SAINT MARD, maçon, et de Marguerite RIBONNET.
Le mercredi 13 octobre 1880, il épouse Marie HABRAN, la fille d’Henri HABRAN et d’Anne-Marie JACQUEMIN.
Henry J. SAINT MARD est décédé le dimanche 27 janvier 1889, à l’âge de 41 ans.

Mélanie Ernestine à la mort de son père légale devient l’otage des travers des adultes.

Le 8 mai 1889 [1], un conseil de famille est réuni pour nommer un subrogé tuteur pour les enfants mineurs issus du mariage Marie Habran et de feu Henri Joseph Saint Mard à savoir Joanita Saint Mard, et Mélanie Ernestine Saintmard née à Rethel [2], France, le cinq décembre mille huit cent quatre-vingt-quatre.


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« Les parents du côté paternel déclarent ignorer l’existence de cette deuxième enfant, et se proposent d’en poursuivre le désaveu, ce dont nous leur donnons acte.

Le Juge de paix expose qu’il a été porté à sa connaissance que l’épouse Saintmard, à la suite de contestations graves avec son mari, a quittée le domicile conjugal, en dix-huit cent quatre-vingt-trois, dans les conditions qui ont fait naître les soupçons les plus graves ; qu’après avoir habité un certain temps chez ses parents, elle est allée en France où elle a habité successivement Rethel et Paris ; que son mari l’accusait formellement d’inconduite ; comme conclusion, le Juge de paix conclut à l’application de l’article 444 paragraphe premier du Code civil et demande la destitution de la tutelle de la mère St Mard.

La tutrice entendue conformément à l’article 447 du Code civil déclare que son mari ayant quitté le domicile conjugal en dix-huit cent quatre-vingt-trois, elle a cessé d’habiter avec lui et a vécu à Chenois, puis en France ; elle n’indique pas les motifs de cette rupture et affirme avoir toujours eu la conduite la plus correcte et la plus régulière.

Les membres du Conseil appartenant à la famille Saintmard ayant affirmé que leur frère avait, à plusieurs reprises, dit que sa femme avait une conduite scandaleuse, la question de (récusation) de la tutrice est mise aux voix et est adoptée à la majorité de quatre voix contre trois.

La veuve Saintmard a déclaré ne pas adhérer à cette décision. »

Orphelines de père, Joanita et Mélanie Ernestine se voient privées de mère.

Le 14 juin 1889 [3], lors d’une déposition au greffe de la justice de paix de Virton, Henri Saintmard, sans profession demeurant à Chenois, agissant en qualité de tuteur des enfants mineures issues du mariage qui a existé entre Henri Joseph Saint-Mard décédé à Virton, le vingt-sept janvier dernier et vivante Marie Habran, expose :

« 1° que les motifs qui ont déterminé le Conseil de famille des dites mineures, à destituer la mère de la tutelle sont de telle nature que l’on doit la considérer comme ne remplissant pas les conditions requises pour pouvoir donner à ses enfants l’éducation convenable ; que dès lors l’intérêt de celle-ci exige que la garde et l’éducation des enfants soient confiées au tuteur datif ;

2° que le second enfant né de l’épouse Saintmard a été conçu à une époque où les époux vivaient séparés ; que la mère s’est accouchée à l’étranger et que le père en a toujours été ignoré l’existence ; que dès lors on se trouve dans les conditions de droit et de fait requises pour intenter l’action en désaveu ; »

Il convoque le conseil de famille à l’effet « de décider que la mineure Joanita Saintmard lui sera remise et confiée à ses soins jusqu’à l’époque de sa majorité. »

Le 21 juin 1889 [4], le conseil se réunit et décide :

« 1° nomme en qualité de tuteur ad hoc, à la mineure Mélanie-Ernestine Saintmard le dit Louis Jacquemin, ouvrier de forges à Latour, son grand-oncle, lequel déclare accepter ces fonctions et promet de fidèlement les remplir,

2° à la majorité des voix, le Conseil décide qu’en présence des motifs exposés par le tuteur, il y a lieu de confier à celui-ci la garde et l’éducation de la mineure Joanita Saintmard, et de la retirer à la mère. »

Louis Jacquemin, nommé tuteur en 1889, est qualifié de subrogé tuteur en 1891. À la fin du mois de janvier [5], « Louis Jacquemin ouvrier de forges, demeurant à Latour, agissant en qualité de subrogé tuteur de Joanita et Mélanie Ernestine les Saintmard, enfants mineurs issus du mariage qui a existé entre défunt Henri Joseph Saintmard, décédé à Virton le vingt-sept janvier dix-huit cent quatre-vingt-neuf, et vivant Marie Habran, demeurant actuellement à Paris », convoque un conseil de famille en vue de remplacer Henri Saintmard mort à Chenois le quatorze janvier courant.

Le conseil réuni « nomme en qualité de tuteur aux dites mineures, ledit Jean Baptiste Saintmard, leur oncle, lequel déclare accepter ces fonctions et promet de bien fidèlement les remplir. »

Si sa maman a déserté le domicile conjugal en 1883, Mélanie Ernestine n’est probablement pas la fille de son père déclaré. Pour naître en décembre 1884, elle doit avoir été conçue neuf mois plus tôt. Dans les registres de la population de la commune de Latour, section de Chenois, j’ai trouvé trace de la contestation en paternité. Cependant, l’action en désaveu n’a visiblement pas abouti. En juillet 1902, Mélanie Ernestine et sa mère sont domiciliées à Paris III, rue Notre Dame de Nazareth no 55. Le 17 dudit mois, Mélanie, demoiselle de magasin, épouse Alfred Ernest Vantrimpont, garçon boucher, domicilié rue du faubourg Saint-Denis no 76.

Dans l’acte de mariage, Mélanie Ernestine est une Saintmard.

Sans porter de jugement, un enfant a dû souffrir des errements des adultes.



Notes

[1] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 121, minute no 106.

[2] Rethel, France, département des Ardennes (08) à 196 km de Paris et 37 km de Reims. « Rethel se répand gracieusement du haut d’une colline jusque sur la rivière d’Aisne... » Victor Hugo (Le Rhin. 1836).

[3] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 121, minute no 155.

[4] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 121, minute no 161.

[5] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 123, minute no 170.