Carnets de notes - Archives

25 janvier 1878 : Jean-Baptiste Saintmard contre Auguste Lambert Baillieux

Belgique : Archives de l’État à Arlon

Justice de paix du canton de Virton

Date : 25 janvier 1878

N° 29

Audience publique du vingt-cinq janvier mil huit cent septante huit ;

Entre Jean Baptiste Saintmard tailleur de pierres domicilié à Chenois demandeur d'une part.

Et Auguste Lambert Baillieux, tisserand demeurant au même lieu défendeur d'une part.

Faits. Le demandeur fit inviter le défendeur à comparaître devant ce tribunal pour ;

Attendu que le demandeur est en paisible possession depuis plus d'un an et un jour, avant le trouble, ci-après relaté, d'une place sise au village de Chenois, entre le défendeur et Depiesse lui servant de chantier, et sur laquelle il déposait les pierres de taille nécessaires à sa profession ;

Attendu que dans le courant du mois de novembre dernier, pendant une absence du demandeur, le défendeur s'est permit de déposséder violemment ce dernier, en enlevant les pierres qu'il avait en dépôt sur la place dont s'agit et les rejetant sur la voie publique ; que plusieurs de ces pierres ais été même fortement endommagées ;

Attendu que par ces faits le défendeur a troublé le demandeur dans sa possession de la place pré rappelée, et lui a causé un dommage qu'il doit réparer ;

Par ces motifs, doit maintenir le demandeur dans sa paisible possession annale de la place pré désignée, avec défense de l'y troubler à l'avenir; s'entendre condamner à remettre les pierres qu'il a enlevées sur la place qu'elles occupaient avant le trouble et ce dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement à intervenir sous peine de trois francs de dommages intérêts par chaque jour de retard ; se voir en outre condamner à payer au demandeur la somme de cent cinquante francs à titre d'intérêts pour réparation du dommage qu'il lui a causé pour le bris de plusieurs pierres dont s'agit, et enfin aux dépens. Le demandeur déclare évaluer le litige à cent dix francs pour satisfaire à la loi sur la compétence.

À l'audience du vingt-huit décembre dernier, le défendeur dénia au demandeur la possession invoquée, prétendant que la place dont s'agit faisait partie de la voie publique et lui servait d'accès à son jardin.

Le demandeur reconnut que la place dont s'agit faisait partie de la voie publique.

Ensuite la cause fut continuée à l'audience du onze janvier courant puis à celle de ce jour où il est statué :

Attendu que le terrain que le demandeur prétend posséder depuis plus d'an et jour, fait partie d'une parcelle étroite s'étendant sur la route provinciale de Saintmard à Aubange et la ligne de maisons qui la bordent à gauche, dans la traversée du village de Chenois ;

Attendu que semblable terrain est présumé dépendre de la rue même et que dès lors il est imprescriptible et comme tel, non susceptible d'une possession utile ;

Attendu en conséquence que l'action du demandeur doit être à cet égard déclarée non fondée, quel que soit la durée de la prétendue profession, qu'il pourrait invoquer ;

Attendu d'autre part que le défendeur est propriétaire de la maison et du jardin dépendant qui bordent la rue qu'en cet endroit et qu'à ce titre il est en droit de prendre accès par le terrain en question et d'empêcher par conséquence qu'ils soient obstrués ;

Attendu toutefois que l'exercice de ce droit ne va pas jusqu'à l'autoriser à se faire justice à lui-même en détruisant ou détériorant seulement une partie des objets constituant les obstacles dont il a à se plaindre ;

Attendu qu'il a reconnu par lui-même que quelques une des pierres qu'il a déplacées ont été plus ou moins endommagées ; que de ce chef par conséquence il doit une indemnité au demandeur, laquelle indemnité ne peut être fixée d'une manière équitable que par une expertise ;

Par ces motifs, le tribunal jugeant en premier ressort déclare le demandeur non fondé en son action, en tant qu'actions possessive; dit toutefois que le défendeur devra lui payer à titre d'indemnité pour le dommage occasionné aux pierres déplacées la somme qui sera fixée par une expertise ; nomme à cet effet les sieurs Haquet maçon à Virton, désigné par le demandeur et le sieur Senvon, maçon à Latour désigné par le défendeur ; condamnons le défendeur de ce dernier chef à payer le coût de l'avertissement et les frais d'expertise.

Ainsi jugé et prononcé en la salle ordinaire des audiences de la justice de paix à Virton, siégeant Messieurs Philippe André Adolphe Rousseau, Juge de paix et Joseph Nefontaine greffier.