Carnets de notes - Archives

22, 25 et 30 juin 1894, et 21 juillet 1894 : Jean-Baptiste Noël contre Auguste Saint-Mard et consorts

Belgique : Archives de l’État à Arlon

Justice de paix du canton de Virton

Date : 22 et 25 juin 1894

À Monsieur le Juge de paix du canton de Virton.

Monsieur le Juge,

Le soussigné Jean-Baptiste Noël, journalier, demeurant à Dampicourt, a l'honneur de vous exposer très respectueusement qu'il se propose d'introduire devant vous une action en dommages intérêts contre :

  1. Auguste Themelin, employé au chemin de fer ;
  2. Camille Ricaille, journalier ;
  3. Mathieu Renson, maçon, comme civilement responsable de son fils Louis Renson, sans profession ;
  4. Alphonse Saint-Mard, cultivateur, comme civilement responsable de son fils mineur Julien Saint-Mard, cultivateur,

Tous demeurant à Dampicourt,

  1. Joseph Berque, cultivateur, comme civilement responsable de son fils Eugène Berque, sans profession, demeurant les deux à Couvreux.

À l'effet de s'entendre condamner à lui payer chacun une somme de trois cents francs à titre de dommages – intérêts, pour s'être permis d'exercer des violences sur sa personne et de lui lacérer ses vêtements, ainsi qu'il est constaté par un jugement du tribunal de police de Virton, en date du vingt-quatre février dernier, violences qui, outre les souffrances qu'elles ont occasionnées, ont produit une incapacité de travail de plusieurs semaines à l'exposant; que toutes les démarches tentées jusqu'ici pour obtenir un règlement amiable sont demeurées vaines ;

Vu ces causes et son état d'indigences dûment constaté par l'extrait de rôle des contributions délivré par le receveur des contributions de Virton, et par le certificat de déclaration d'indigence affirmé devant Monsieur le Bourgmestre de la commune de Dampicourt, pièces ci-annexées, l'exposant nous prie de lui accorder le bénéfice du pro Deo, aux fins ci-dessus indiquées et de lui désigner un huissier pour prêtre gratuitement son ministère et fixer jour et heure pour la comparution des parties devant vous pour voir et entendre statuer sur la demande de pro Deo.

Dampicourt, le 22 juin 1894.

Signature frustre : Noël Jbte.

Vu la requête qui précède e les pièces y jointes conformément à l'article trois de la loi du trente juillet mil huit cent quatre-vingt-neuf ;

Vu l'article cinq de la dite loi ;

Nous Juge de paix du canton de Virton,

Disons que le trente juin courant, à dix heures du matin, en la salle ordinaire des audiences de la justice de paix à Virton, les parties seront tenues de comparaître pour s'expliquer sur la demande en pro Deo présenté par le sieur Jean-Baptiste Noël, journalier, demeurant à Dampicourt, aux fins reprises en la dite requête.

Virton le 25 juin 1894.

Suivant la déclaration d'indigence du 7 juin 1894, Jean Baptiste Noël est :

né le 23 avril 1836
de nationalité Belge
sans profession
domicilié à Virton mais résident à Dampicourt
n'a pas d'enfant et n'habite pas avec son épouse
n'a que les aumônes qu'on lui fait

La déclaration est signée par le Bourgmestre de Dampicourt, Jean-Baptiste Saint-Mard.


Date : 30 juin 1894

N° 120

L'an mil huit cent nonante-quatre, le samedi trente juin,

Nous Juge de paix du canton de Virton, assisté de François Frognet, notre greffier.

Vu la requête présenté par Jean-Baptiste Noël, journalier, demeurant à Dampicourt ;

Revu notre ordonnance en date du vingt-cinq juin courant ;

Ouï les parties en leurs moyens et observations ;

Attendu que l'indigence est établie et que la prétention n'est pas évidemment mal fondée ;

Vu les dispositions de la loi du trente juillet mil huit cent quatre-vingt-neuf ;

Admettons le dit Jean-Baptiste Noël au bénéfice de la procédure gratuite aux fins reprises en sa requête susvisée ; commettons l'huissier Bouvy de résidence à Virton, pour prêter gratuitement son ministère ; déclarons le présent jugement exécutoire sur minute.

Ainsi jugé et prononcé en la salle ordinaire des audiences de la justice de paix à Virton, en audience publique, les jour, mois et an que dessus.


Date : 21 juillet 1894

N° 139

Audience publique du vingt un juillet mil huit cent nonante-quatre.

Entre Jean-Baptiste Noël, journalier, demeurant à Dampicourt, admis à la procédure gratuite par jugement de ce tribunal en date du trente juin dernier, enregistré, demandeur d'une part ;

Et :

  1. Auguste Themelin, employé au chemin de fer, demeurant à Dampicourt ;
  2. Camille Ricaille, journalier, demeurant audit Dampicourt ;
  3. Mathieu Renson, maçon, demeurant au même lieu, comme civilement responsable de son fils mineur Louis Renson, sans profession, demeurant chez son père ;
  4. Alphonse Saint-Mard, cultivateur, demeurant aussi à Dampicourt, comme civilement responsable de son fils mineur Julien Saint-Mard, sans état, demeurant chez son père ;
  5. Joseph Berque, cultivateur, demeurant à Couvreux, comme civilement responsable de son fils Eugène, sans profession, demeurant aussi chez son père,

Tous défendeurs, d'autre part ;

Faits. Suivant exploit de l'huissier Bouvy de Virton, en date du deux juillet courant, enregistré, le demandeur fit citer les défendeurs à comparaître devant ce tribunal, à l'audience du sept juillet suivant, pour s'entendre condamner à payer chacun au demandeur, une somme de trois cents francs à titre de dommages intérêts; aux intérêts judiciaires et aux dépens.

Demande fondée sur ce que les défendeurs repris sous le numéro un et deux, et les mineurs Louis Renson, Julien Saint-Mard et Eugène Berque ont exercés des violences sur la personne du demandeur et lui ont lacéré ses vêtements, ainsi que cela est constaté par un jugement du tribunal de simple police du canton de Virton, en date du vingt-quatre février aussi dernier, violences qui, outre les souffrances qu'elles ont occasionnées, ont produit une incapacité de travail de plusieurs semaines chez le demandeur.

La cause appelée, les défendeurs prétendirent ne pas avoir exercé de violences sur la personne du dit Noël et ne pas lui avoir déchiré ses vêtements ;

Le demandeur offrit de rapporter la preuve du bien-fondé de son action.

L'affaire fut ensuite remise à l'audience de ce jour, où il a été statué comme suit :

Attendu que le demandeur réclame à chaque des défendeurs la somme de trois cents francs à titre de dommages intérêts ;

Attendu que le défendeur Renson quoique légalement cité n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter ;

Attendu qu'il résulte d'un jugement rendu par le tribunal de simple police de ce siège du vingt-quatre février dernier que Themelin Auguste, Camille Ricaille, Louis Renson et Julien Saint Mard, ainsi que Eugène Berque se sont rendus coupables de violences légères sur la personne du demandeur; qu'ils sont tenus d'indemniser celui-ci, mais seulement dans la mesure du dommage causé;

Attendu que Noël base en outre sa demande sur ce qu'à la suite des violences dont il a été victime, il s'est trouvé pendant plusieurs semaines dans l'impossibilité de travail ;

Attendu que la jurisprudence pénale a écarté la circonstance aggravante d'incapacité de travail, qu'en vertu de l'adage : « le criminel emporte le civil » la preuve offerte par le demandeur n'est pas recevable ; que décider le contraire se serait s'exposer à faire intervenir des décisions judiciaires contradictoires ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le demandeur sera suffisamment indemnisé par l'allocation d'une somme de dix francs, que chacun des défendeurs sera tenu de lui payer;

Par ces motifs.

Nous Juges de paix, jugeant contradictoirement et en premier ressort, donnons défaut contre le défendeur Mathieu Renson, le condamnons ainsi que les défendeurs : a) Themelin, b) Ricaille, c) Alphonse Saint-Mard et Joseph Berque, ces deux derniers comme civilement responsables de leurs fils mineurs, à payer chacun au demandeur la somme de dix francs à titre de dommages – intérêts, les condamnons en outre aux intérêts judiciaires et aux dépens liquidés.

Ainsi jugé et prononcé en la salle ordinaire des audiences de la justice de paix du canton de Virton, en audience publique, siégeant messieurs Albert Louche, Juge de paix et François Frognet, greffier.