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Traité de Courtrai (1820)

Traité de limites entre les royaumes de France et des Pays-Bas conclu et signé à Courtrai le 28 mars 1820.

Traité

Préambule

« Sa majesté le roi des Pays-Bas, prince d’Orange-Nassau, grand-duc de Luxembourg et sa majesté le roi de France et de Navarre, voulant régler tout ce qui a rapport à la délimitation de leur états respectifs d’après ce qui est stipulé dans le traité de Paris du trente mai dix-huit cent quatorze et du vingt novembre dix-huit cent quinze et conformément au paragraphe six de l’article premier du dernier traité, ont à cet effet nommé des commissaires, savoir :

Sa majesté le roi des Pays-Bas, le sieur Victor, baron de Constant Rebecque, lieutenant-général et quartier-maître général de l’armée des Pays-Bas, commandeur de l’Ordre Militaire de Guillaume, chevalier de l’Aigle-Rouge de Prusse, second classe, et chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis.

Et, sa majesté très-chrétienne, le sieur Jean-Etienne-Casimir Poitevin, baron de Maureillan, lieutenant-général, inspecteur-général des fortifications, chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis, commandeur de l’Ordre Royal de la Légion d’Honneur, chevalier de l’ordre de la Couronne de Fer.

Lesquels après avoir échangé leurs pleins pouvoirs trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants : »

Article 1er

« Afin de déterminer d'une manière précise et invariable la ligne de limite entre les deux états, il a été dressé des procès-verbaux descriptifs du cours de cette limite, lesquels ont été formées d’après le levé exact de toute la frontière fait contradictoirement par les ingénieurs et géomètres nommés de part et d’autre et sous la direction du sieur Jean Egbert van Gorkum, lieutenant-colonel de l’état-major du quartier-maître général, chevalier de l’ordre Militaire de Guillaume, pour les Pays-Bas, et du sieur Étienne Nicolas Rousseau, lieutenant-colonel eu corps royal des ingénieurs-géographes, chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis et de l’Ordre Royal de la Légion d’Honneur, pour la France, et tous deux membres de la commission de délimitation. Lesdits procès-verbaux se trouvent de plus accompagnés de croquis visuel ou plans figuratifs dressés sur une grande échelle, pour servir à leur explication en cas de besoin et des états des bornes à planter.

Cette limite, qui s'étend depuis la mer du Nord jusqu'à la Moselle, a été divisée en six sections ; les procès-verbaux, ainsi que les feuilles de levés de chaque section, ont été arrêtés et signés par les commissaires, savoir :

1° La première section, comprenant la limite située entre la mer et la Lys, le 18 mars 1820.

2° La deuxième section, comprenant la limite située entre la Lys et l'Escaut, le 23 décembre 1818.

3° La troisième section comprenant la limite entre l'Escaut et la Sambre, le 23 décembre 1818.

4° La quatrième section comprenant la limite située entre la Sambre et la Meuse, le 18 juin 1817.

5° La cinquième section comprenant la limite située entre la Meuse et le grand-duché de Luxembourg, le 28 mars 1820.

6° La sixième section, comprenant la limite du grand-duché de Luxembourg, le 28 mars 1820

Tous ces procès-verbaux descriptifs du cours de la limite ainsi que les feuilles du levé, qui les accompagnent, demeureront annexés au présent traité, et auront la même force et valeur que s'ils y étaient insérés mot à mot. »

Article 2

« Les échanges, cessions et rectifications consentis et arrêtés entre les deux royaumes et insérés dans les procès-verbaux descriptifs de la limite des six sections, seront répétés dans les articles suivants du présent traité avec indication des articles des procès-verbaux auxquels ils correspondent. »

[…]

Article 41

« L'article 30 du traité du 18 novembre 1779 conclu entre l'impératrice reine de Hongrie et de Bohème et le roi très-chrétien, concernant les limites de leurs états respectifs aux Pays-Bas et d'autres objets relatifs aux frontières, devant recevoir son exécution, et étant conçu en ces termes : « Pour faciliter aux sujets de l'impératrice reine, la communication par la Semoy avec la Meuse, le roi très chrétien consent de faire lever les obstacles, que les fermiers des pêcheries domaniales, ou ses autres sujets, peuvent avoir mis au libre usage de ladite rivière de la Semoy. Les commissaires pour l'exécution de la présente convention seront chargés d'arrêter, de concert, les mesures nécessaires pour faire cesser ces empêchements. Les procès-verbaux qu'ils auront tenus pour cet effet seront censés faire partie de cette convention. »

Il est convenu que pour faire cesser dorénavant et pour toujours, les empêchements qui peuvent exister actuellement et mettent de nouveau des entraves au libre cours et usage de la rivière de la Semoy, les administrateurs des eaux et forêts des deux états, dans le ressort desquels se trouve la rivière de la Semoy, seront chargés de procéder de concert, d'abord après la ratification du présent traité de limites à l'enlèvement des différents barrages et autres travaux qui pourraient exister et mettre empêchement au libre cours de la dite rivière de la Semoy et de le régler de manière qu'au milieu du courant du gros volume d'eau ou du Thalweg, il soit établi dans la largeur normale du courant une ouverture de huit mètres ; que le bras navigable à l'embouchure de la rivière sera rétabli, comme il se trouvait et devait se trouver conformément au procès-verbal du 29 mars 1780, et qu'il ne sera permis à l'avenir d'exécuter aucune jetée ou autre ouvrage de quelque nature que ce soit, qui pourrait rétrécir le passage ou entraver le libre usage de la Semoy, et la largeur du courant établie à huit mètres, ainsi que cela a été indiqué plus haut. Qu'en conséquence, les administrations seront chargées d'entretenir lesdites ouvertures et la conservation de l'état de choses rétabli, et enfin que les agents principaux desdites administrations seront tenus de faire rapport une fois par an, au mois d'avril, à leurs préfectures ou gouvernements respectifs de l'état du libre cours de la Semoy. »

[…]

Article 44

« La France cède le bois dit de la petite extrémité, les prés, les terrains vagues et les broussailles dits la Piroye, ou les bans de Sedan, situés entre le chemin de Sugny à Bouillon et la rivière de la Semoy, (art. 11, § 2 de la 6° section). »

Article 45

« La France cède sur la commune de Williers des petites portions des prairies, situées entre le ruisseau du fond de Williers et celui de la scierie, près le moulin de Williers (art. 27, § 5 de la 6e section). »

Article 46

« Les Pays-Bas renoncent pour la commune de Torgny (grand-duché de Luxembourg) au droit de parcours que cette commune prétend sur quelques prairies à la rive gauche de la Chiers, (art. 42, § 2 de la 6° section). »

Article 47

« La France cède sur la commune d’Epiez ses droits sur la partie du terrain dit champ des débats, confinant la commune de Torgny, (art. 43, § 7 de la 6° section). »

Article 48

« Les Pays-Bas accordent le passage par le chemin dit Montmédy à Longwy qui traverse le territoire de la commune de Ruette au lieu-dit le Borgne trou, afin de donner à la France une communication directe entre les communes d’Allondrelle et Tellancourt, (art. 47, & 2 de la 6° section).

Article 49

« La France accorde le passage par le chemin dit grand chemin de Virton à Luxembourg, traversant une partie du territoire de la commune de Ville-Houdlemont, afin de donner aux Pays-Bas la communication directe entre les communes du grand-duché de Luxembourg qui avoisinent la frontière, (art. 51, S 3 de la 6° section). »

Article 50

« Les Pays-Bas cèdent sur la commune de Pettange trois portions de terre appartenantes à plusieurs propriétaires pour être réunies à la commune de Sonnes, (art. 59 §§ 9,10, 12, 13 et 15 de la 6° section).

Article 51

« La France cède sur la commune de Sonnes, le jardin de la ferme d'Hersain et les terres de monsieur de Bertrange, qui y touchent à l'Est de la nouvelle limite déterminée par une ligne qui part d'une borne placée dans lesdites terres et va jusqu'à une autre borne, située au bord du chemin, de la Sauvage à la ferme d'Hersain, à la pointe la plus à l'Est du bois domanial français, dit Hérioque, (art. 59, § 15 de la 6° section).

Article 52

« La France cède l'écurie, le magasin à charbon, des terres, jardins et une partie de l’étang de la forge de la Sauvage sur la commune de Sonnes, (art. 60, §§ 3, 4, 5 et 6 de la 6° section). »

Article 53

« Les Pays-Bas cèdent sur la commune de Differdange pour être réunie à celle d’Hussigny, une terre à Jean Pierre Clocheret, (art. 61, § 8 de la 6° section). »

Article 54

« Les Pays-Bas cèdent sur la commune d’Esch-sur-Alzette deux petites pièces de terre appartenantes à J. Beaugis et à François Gobeler, (art. 65, § 8 de la 6° section). »

Article 55

« La France cède sur la commune d’Ottange vingt hectares environ, de bois de Billert contigu au bois de Schifflange, et appartenant à monsieur le comte d’Hunoldstein, (art. 68, § 1 de la 6° section). »

Article 56

« Les Pays-Bas accordent le libre passage sur le chemin de voiture qui longe la lisière du bois de Billert et qui donne la communication directe entre la commune d'Audin-le-Tiche et celle d'Ottange, (art. 68, § 3 de la 6° section). »

Article 57

« Les Pays-Bas cèdent l'usine du Haut Tettange appartenante à monsieur le comte d'Hunoldstein et la maison dite Nicolas au même propriétaire, ainsi que le terrain nécessaire pour lier cette usine au territoire de la commune d'Ottange, (art 68, § 11 et art. 69, §§ 1 et 2). »

[…]

Dispositions générales

Article 65

« À l’égard des passages accordés et mentionnés dans les articles 39, 48, 49, 56 et 58 du présent traité, il est convenu que chaque habitant français ou des Pays-Bas usant des passages accordés, ne pourra pas se dévier de son chemin, ni s’y arrêter pour charger ou décharger sous peine d’encourir confiscation des marchandises, et de se voir infliger les autres punitions voulues par le règlements des douanes et les lois du royaume qu’il traverse, à moins qu’il n’ait fait à son entrée une déclaration des objets transportés et dans ce cas, il demeurera soumis aux lois et ordonnances des douanes en tout ce qui concerne l’entrée et la sortie des marchandises dans le royaume qu’il traverse.

Dans le cas de simple passage, aucune déclaration ne pourra être exigée et il ne sera fait alors aucune opposition pour user des passages accordés. »

Article 66

« Si par l’effet des cessions respectives contenues dans le présent traité de limites, quelques propriétés se trouvaient morcelées, les propriétaires ou fermiers jouiront de la faculté d’y transporter les engrais nécessaires et d’emporter librement et en exemption de tous droits les récoltes provenantes des terrains concédés réciproquement. »

Article 67

« Comme pareille faculté à celle qui vient d’être indiquée dans l’article ci-dessus a été accordée à divers propriétaires ou fermier par les traités antérieurs, ces droits seront maintenus, pourvu toute fois qu’ils soient reconnus maintenant par des conventions partielles passées entre les préfets des départements du royaume de France et les gouverneurs des provinces du royaume des Pays-Bas, afin de régler de nouveau ce qui a pu être accordé par les traité antérieurs. »

Article 68

« Les chemins, dits mitoyens, sont à l’usage des deux états, sans qu’il soit attenté aux droits de propriété des particuliers à qui ces chemins mitoyens pourraient appartenir, aucun des deux royaumes ne peut exercer sur ces chemins d’acte de souveraineté, si ce n’est ceux nécessaires pour prévenir ou arrêter les délits ou crime qui nuiraient à la liberté et sûreté du passage.

Les gouverneurs des provinces et préfets des départements limitrophes veilleront au bon entretien de ces chemins. »

Article 69

« À l’avenir et pour l’intérêt des deux états aucune construction de bâtiments ou habitations quelconques ne pourra être élevée et ne sera tolérée établie à dix mètres de la ligne frontière ou à cinq mètres seulement de distance d’un chemin lorsque ce chemin est mitoyen et que son axe forme la limite. »

Article 70

« Le présent traité et les procès-verbaux de délimitation réglant le tracé de la frontière entre les deux états, ainsi que les concessions réciproques de passages qui ont été accordés, toute autre prétention ou droit que des communes voisines de la frontière voudraient élever sur les terres placées sur l’autre état est déclarée non recevable et annulée. »

Article 71

« Pour l’exécution du présent traité les sieurs Behr, colonel de l’état-major-général, chevalier de l’ordre militaire de Guillaume, pour les Pays-Bas et Decasters de l’état-major général, chevalier de l’Ordre Royal, colonel du corps royal et militaire de Saint-Louis, de l’ordre royal de la Légion d’Honneur et de l’ordre militaire de de Maximilien de Bavière, pour la France etc. tous deux membres des commissions respectives de délimitation seront chargés de faire exécuter l’abornement de la frontière conformément à ce qui a été arrêté à l’égard du matériel de l’abornement par le plan annexé au procès-verbal de la quatrième section et d’après ce qui a été indiqué à cet égard tant dans les procès-verbaux de délimitation des six sections que dans les tableaux qui y seront annexés, ils procèderont en outre en présence des délégués des préfets de départements (pour la France) et des gouverneurs de provinces (pour les Pays-Bas) à la prise des possessions des parties de terre échangées ou cédées, en même temps ils feront connaître les concessions de passages réciproquement accordés et tiendront des procès-verbaux de toutes leurs opérations, pour lesquelles ils suivront l’instruction arrêtée par les commissaires et jointe au protocole de leur dernière séance.

Ils adresseront le rapport de leurs opérations à leurs commissaires respectifs qui leur feront donner l’assistance ou les renseignements dont ils pourraient avoir besoin. »

Article 72

« Les deux états ne compteront leurs droits de souveraineté sur les parties échangées pour l’assiette des impôts qu’à partir du 1er juillet prochain.

À cette même époque les militaires qui pourraient se trouver faire partie des familles dont les habitations ont été cédées seront réciproquement rendus. »

Article 73

« Le présent traité de limites sera ratifié par les hautes parties contractantes et l’échange des ratifications se fera dans l’espace de six semaines à compter du jour de la signature ou plutôt si faire se peut. »

« En foi de quoi nous avons signé le présent traité et y avons apposé le cachet de nos armes.

Fait à Courtrai, le vingt-huitième jour du mois de Mars mil huit cent vingt. »

Le Lieutenant-général

(Signé) Baron de Constant Rebecque

(L.S.)

Le Lieutenant-général

(Signé) Baron de Maureillan

(L.S.)


Bibliographie

  1. Pasinomie ou collection complète des lois, décrets, arrêtés et règlements généraux qui peuvent être invoqués en Belgique, deuxième série, 1814-1830, tome cinquième – Monarchie constitutionnelle 1er janvier 1819-30 juin 1820, mise en ordre et annoté par A. Delebecque, Bruxelles, Société Typographie Belge, AED. Waklen et Cie, 1839, pp. 475-483
  2. Traité de limites entre leurs majestés le roi des Pays-Bas et de France conclu et signé à Courtrai le 28 mars 1820, ratifié de part et d’autre le 17 et 27 avril suivant. Dans États-généraux des Pays-Bas, 2e chambre, n° 2, 5 mars 1825, pp. 3-4 (préambule et art. 1-2), pp. 10-14 (art. 41-57), pp. 16-18 (art. 65-73)
  3. VANDERMAELEN Philippe, MEISSER François Joseph (Docteur), Dictionnaire géographique du Luxembourg, Bruxelles, À l’Établissement géographique, 1838, pp. 274-278