Carnets de notes - Documents

Royaume des Pays-Bas, 31 mai 1815 : traité de limites entre les Pays-Bas et l’Autriche conclu à Vienne

« La Haye, le 31 mai 1815.

Au nom de la très-sainte et indivisible Trinité.

Sa majesté le roi des Pays-Bas et sa majesté l'empereur d'Autriche [1], désirant de mettre en exécution et de compléter les dispositions du traité de paix, conclu à Paris le 30 mai 1814, qui, afin d'établir un juste équilibre en Europe et de constituer les Provinces-unies dans les proportions qui les mettent à même de soutenir leur indépendance par leurs propres moyens, leur assure les pays compris entre la mer, les frontières de la France et la Meuse, mais qui ne détermine point encore leurs limites sur la rive droite de ce fleuve ; et leurs dites majestés ayant résolu de conclure pour cet effet un traité particulier conforme aux stipulations du congrès de Vienne, elles ont nommé des plénipotentiaires pour concerter, arrêter et signer tout ce qui est relatif à cet objet, savoir :

Sa majesté l’empereur d’Autriche, roi de Hongrie et de Bohême, le sieur Clément-Venceslas-Lothaire prince de Metternich-Winnebourg-Ochsenhausen […], son premier plénipotentiaire au Congrès ; et

Le sieur Jean Philippe baron de Wessenberg, chevalier grand’croix de l’ordre militaire et religieux des Saints Maurice et Lazare, chambellan et conseiller intime actuel de sa majesté impériale et royale apostolique, son second plénipotentiaire au Congrés ;

Et sa majesté le roi des Pays-Bas, le sieur Gerhard Charles baron de Spaen de Woorstonden, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de sa majesté le roi des Pays-Bas, […] et

Le sieur Hans Christophe Erneste baron de Gagern, plénipotentiaire de sa dite majesté au Congrès de Vienne ;

Lesquels après avoir échangé leurs pleins-pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants : »

Article 1er

« Les anciennes Provinces-Unies des Pays-Bas et les ci-devant provinces Belgiques , les unes et les autres dans les limites fixées par l'article suivant, formeront, conjointement avec les pays et territoires désignés dans le même article, sous la souveraineté de son altesse royale le prince d'Orange-Nassau, souverain des Pays-Bas, le royaume des Pays-Bas, héréditaire dans l'ordre de succession, déjà établi par l'acte de constitution desdites Provinces-Unies. Sa majesté impériale et royale apostolique reconnaît le titre et les prérogatives de la dignité royale dans la maison d'Orange-Nassau. »

Article 2

« La ligne comprenant les territoires qui composent le royaume des Pays-Bas est déterminée de la manière suivante :

Elle part de la mer et s'étend le long des frontières de la France du côté des Pays-Bas, telles qu'elles ont été rectifiées et fixées par l'article 3 du traité de Paris, du 30 mai 1814, jusqu'à la Meuse et ensuite le long des mêmes frontières jusqu'aux anciennes limites du duché de Luxembourg, de là elle suit la direction des limites entre ce duché et l'ancien évêché de Liège jusqu'à ce qu'elle rencontre (au midi de Deiffeld) les limites occidentales de ce canton et de celui de Malmédy, jusqu'au point où cette dernière atteint les limites entre les anciens départements de l'Ourthe et de la Roër ; elle longe ensuite ces limites jusqu'à ce qu'elles touchent à celles du canton ci-devant français d'Eupen, dans le duché de Limbourg, et en suivant la limite occidentale de ce canton dans la direction du nord, laissant à droite une petite partie du ci-devant canton français d'Aubel, se joint au point de contact des trois anciens départements de l'Ourthe, de la Meuse-Inférieure et de la Roër. En partant de ce point, ladite ligne suit celle qui sépare ces deux derniers départements jusque-là où elle touche à la Worm (rivière ayant son embouchure dans la Roër) et longe cette rivière jusqu'au point où elle atteint de nouveau la limite de ces deux départements, poursuit cette limite jusqu'au midi de Stillenberg, (ancien département de la Roër) remonte de là vers le nord, laissant Stillenberg à droite et coupant le canton de Sittard en deux parties à peu près égales, de manière que Sittard et Susteren restent à gauche ; arrivée à l'ancien territoire hollandais, puis laissant ce territoire à gauche, elle en suit la frontière orientale jusqu'au point où celle-ci touche à l'ancienne principauté autrichienne de Gueldre, du côté de Ruremonde, et se dirigeant vers le point le plus oriental du territoire hollandais au nord de Swalmen, continue à embrasser ce territoire. Enfin elle va joindre, en partant du point le plus oriental, cette autre partie du territoire hollandais où se trouve Venloo, elle renfermera cette ville et son territoire. De là jusqu'à l'ancienne frontière hollandaise près de Mook, située au-dessous de Gennep, elle suivra le cours de la Meuse à une distance de la rive droite, telle que tous les endroits qui ne sont pas éloignés de cette rive de plus de mille perches d'Allemagne, dont 1970 équivalent à la quinzième partie d'un degré du méridien, appartiendront avec leurs banlieues au royaume des Pays-Bas ; bien entendu toutefois, quant à la réciprocité de ce principe, qu'aucun point de la rive de la Meuse ne fasse partie du territoire prussien qui ne pourra en approcher de 800 perches d'Allemagne.

Du point où la ligne qui vient d'être décrite atteint l'ancienne frontière hollandaise jusqu'au Rhin, cette frontière restera pour l'essentiel telle qu'elle était en 1795 entre Clèves et les Provinces-Unies ; elle sera examinée par la commission nommée incessamment par les deux gouvernements, pour procéder à la détermination exacte des limites, tant du royaume des Pays-Bas que du grand-duché de Luxembourg, désignées dans l'article 4 ; et cette commission réglera, à l'aide d'experts, tout ce qui concerne les constructions hydrauliques et autres points, suivant l'avantage mutuel des hautes parties contractantes, et de la manière la plus équitable et la plus convenable. Cette même disposition s'étend à la fixation des limites dans les districts de Kyfwaerd, Lobith, et de tout le territoire jusqu'à Kekerdom. Les enclaves Huyssen, Malburg, le Lymers avec la ville de Sévenaer et la seigneurie de Weel feront partie du royaume des Pays-Bas, et sa majesté prussienne y renonce à perpétuité, pour elle et tous ses descendants et successeurs. »

Article 3

« La partie de l'ancien duché de Luxembourg, comprise dans les limites spécifiées par l'article suivant, est également cédée au prince souverain des Provinces-Unies, aujourd'hui roi des Pays-Bas, pour être possédée à perpétuité par lui et ses successeurs, en toute propriété et souveraineté. Le souverain des Pays-Bas ajoutera à ses titres celui de grand-duc de Luxembourg, et la faculté est réservée à sa majesté de faire, relativement à la succession dans le grand-duché de Luxembourg, tel arrangement de famille entre les princes ses fils qu'elle jugera conforme aux intérêts de sa monarchie et à ses intentions paternelles.

Le grand-duché de Luxembourg, servant de compensation pour les principautés de Nassau-Dillenbourg, Siegen, Hadamar et Dietz, formera un des États de la confédération germanique, et le prince, roi des Pays-Bas, entrera dans le système de cette confédération comme grand-duc de Luxembourg, avec toutes les prérogatives et privilèges dont jouiront les autres princes allemands.

La ville de Luxembourg sera considérée, sous le rapport militaire, comme forteresse de la confédération ; le grand-duc aura toutefois le droit de nommer le gouverneur et commandant militaire de cette forteresse, sauf l'approbation du pouvoir exécutif de la confédération, et sous telles autres conditions qu'il sera jugé convenable et nécessaire d'établir en conformité de la constitution future de ladite confédération. »

Article 4

« Le grand-duché de Luxembourg se composera de tout le territoire situé entre le royaume des Pays-Bas, tel qu'il a été désigné par l'article 2, la France, la Moselle, jusqu'à l'embouchure de la Sure, le cours de la Sure jusqu'au confluent de l'Our, et le cours de cette dernière jusqu'aux limites du ci-devant canton français de Saint-Vith, qui n'appartiendra pas au grand-duché de Luxembourg.

Des contestations s'étant élevées sur la propriété du duché de Bouillon, sa majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, s'engagea restituer la partie dudit duché, qui est comprise dans la démarcation ci-dessus désignée, à celle des parties dont les droits seront légitimement constatés. »

Article 5

« Sa Majesté le roi des Pays-Bas renonce à perpétuité pour lui, et ses descendants et successeurs, en faveur de sa majesté le roi de Prusse, aux possessions souveraines que la maison Nassau-Orange possédait en Allemagne, et nommément aux principautés de Dillenbourg, Dietz et Siegen, Hadamar, y compris la seigneurie de Beilstien, et telle que ces possessions ont été définitivement réglées entre les deux branches de la maison de Nassau, par le traité conclu à La Haye le 14 juillet 1814.

Sa Majesté renonce également à la principauté de Fulde, et aux autres districts et territoires, qui lui avaient été également assurés par l'article 12 du recès principal de la députation extraordinaire de l'empire du 25 février 1803. »

Article 6

«  Le droit et ordre de succession, établi entre les deux branches de la maison de Nassau, par l'acte de 1783, dit Nassauischer Erbverein, est maintenu et transféré des quatre principautés d'Orange-Nassau au grand-duché de Luxembourg.

Article 7

« Sa majesté le roi des Pays-Bas, en réunissant sous sa souveraineté les pays désignés dans les articles 2 et 4, entre dans tous les droits, et prend sur lui toutes les charges et tous les engagements stipulés relativement aux provinces et districts détachés de la France, dans le traité de paix, conclu à Paris le 30 mai 1814. »

Article 8

« Sa majesté le roi des Pays-Bas ayant reconnu et sanctionné, sous la date du 21 juillet 1814, comme base de la réunion des provinces Belgiques avec les Provinces-Unies, les huit articles renfermés dans la pièce annexée au présent traité, lesdits articles auront la même force que s'ils étaient insérés mot à mot dans la transaction actuelle. »

Article 9

« Il sera nommé incessamment par sa majesté le roi des Pays-Bas et sa majesté le roi de Prusse, une commission pour régler tout ce qui est relatif à la cession des possessions Nassauviennes de sa majesté, par rapport aux archives, dettes, excédants des caisses, et autres objets de la même nature. La partie des archives qui ne regarde point les pays cédés, mais la maison d'Orange, et tout ce qui, comme bibliothèques, collections de cartes, et autres objets pareils, appartient à la propriété particulière et personnelle de sa majesté le roi des Pays-Bas, restera à sa majesté, et lui sera aussitôt remis. Une partie des susdites possessions étant échangées contre des possessions du duc et prince de Nassau, sa majesté le roi de Prusse s'engage et sa majesté le roi des Pays-Bas consent à faire transférer l'obligation stipulée par le présent article sur leurs altesses sérénissimes les duc et prince de Nassau, pour la partie desdites possessions qui sera réunie à leurs états. »

Article 10

« Le présent traité sera ratifié et les ratifications seront échangées dans le terme de six semaines, et plus tôt si faire se pourra. »

« En foi de quoi les plénipotentiaires ci-dessus nommés l'ont signé et muni du cachet de leurs armes. Fait à Vienne, le 31 mai 1813. »

Signé : Le baron de Spaen, le baron de Gagern, le prince De Metternich, le baron De Wessenbergh.


Bibliographie

  1. RAXIS DE FLASSAN, Juan Bautista Cayetano, Histoire du congrès de Vienne : Acte général du 9 juin 1815, tome III, Paris, Treuttel et Wurtz – Libraires, 1829, pp. 233-242
  2. Recueil des circulaires, instructions et autres actes émanés du ministère de la justice ou relatifs à ce département, deuxième série (1814-1830), tome I, Années 1814-1816, Bruxelles, Imprimerie de Weissenbruch Père, imprimeur du Roi, 1849, pp. 392-398

Notes

[1] « Sa majesté l’empereur d’Autriche, roi de Hongrie et de Bohême, et sa majesté le roi des Pays-Bas désirant… » (Raxis de Flassan, 1829, p. 233)