Carnets de notes - Un monde de paysans

XXI. Les aubergistes et cabaretiers

Livre : Un monde de paysans. La basse vallée du Ton entre Vire et Chiers : Description d’un paysage et d’une société rurale.
Remarque : Les superficies sont exprimées en mètre carré ou centiare.

Aubergistes

Biens immobiliers des aubergistes

Nature Nombre de parcelles cadastrales % Superficie (m²) %
Terre labourable 120 72,29 % 187.735 79,84 %
Prairie 26 15,66 % 40.510 17,23 %
Jardin 8 4,82 % 3.925 1,67 %
Vaine 2 1,20 % 1.250 0,53 %
Maison 6 3,61 % 1.161 0,49 %
Verger 1 0,60 % 370 0,16 %
Bâtiment 3 1,81 % 198 0,08 %
Total général 166 100,00 % 235.149 100,00 %

Cabaretier

« Celui qui tient un cabaret. » ; « Sorte d’auberge d’un rang inférieur où l’on vend du vin en détail et où l’on donne aussi à manger. » [i] (Littré, 1873)

Biens immobiliers des cabaretiers

Nature Nombre de parcelles cadastrales % Superficie (m²) %
Terre labourable 78 69,03 % 159.454 74,48 %
Prairie 19 16,81 % 50.059 23,38 %
Jardin 8 7,08 % 2.491 1,16 %
Maison 7 6,19 % 1.320 0,62 %
Pâture 1 0,88 % 780 0,36 %
Total général 113 100,00 % 214.104 100,00 %

Une profession déconsidérée

Si pour la gent masculine, les débits de boissons sont des lieux de rencontres où elle peut se détendre après une journée de labeur, le cabaret a très mauvaise presse auprès des autorités. L’avis donné en 1810 par la commission consultative de Lyon dans le cadre du projet de code rural est révélateur de cette opinion : « La plupart des villages, même ceux qui ne sont pas traversés par des routes de passage, fourmillent de cabarets qui regorgent, surtout les dimanches et la nuit, de gens domiciliés dans la commune, et qui ne sont fréquentés que par les domiciliés et leurs proches voisins. La fréquentation de ces cabarets est une source de dérangement et de ruine pour les familles, de désunion entre les époux, de débauche et de perte pour la jeunesse, de rixes, de querelles, quelquefois de meurtres et d’autres crimes graves. L’ivresse excite au tapage, au trouble de la tranquillité publique et aux entreprises criminelles.[ii] »

Un discours du gouverneur de la province de Luxembourg, prononcé en la séance du conseil provinciale du 4 juillet 1871, dénonce un nombre trop important de cabarets : « Messieurs, au temps où nous vivons, il est un besoin irrésistible que tous les autres : c’est l’instruction du peuple. […]

Citons le grand vice dénoncé par l’hygiène morale : l’ivrognerie. Ce vice est répandu partout, le nombre des cabarets est effrayant ; les chiffres vont le démontrer.

Au 1er janvier 1870, on comptait dans le Luxembourg 3.797 cabarets ou débits de boissons ; au 1er janvier 1867, ce nombre était de 3.169 ; c’est, en trois années, une augmentation de 628 cabarets ! Si le mets le chiffre des débits de boissons en rapport avec la population, je constaté qu’il y a un cabaret sur 53 habitants.

Mais les femmes et les enfants au-dessous de 16 ans ne fréquentent pas ou fréquentent rarement les cabarets. Or, les femmes et les enfants forment ensemble environ les deux tiers de la population totale. En calculant d’après cette base, je trouve qu’en moyenne il y a un cabaret sur 17 habitants du sexe masculin et ayant plus de 16 ans. Dans les villes chefs-lieux, cette moyenne va à 12 habitants : dans l’une de ces villes, elle est de 8. Dans les arrondissements ruraux, la situation, dans son ensemble, est presque aussi mauvaise que dans les villes chefs-lieux : l’arrondissement de Marche compte un cabaret sur 15 habitants ; celui de Neufchâteau, un sur 18 ; celui de Bastogne un sur 19 ; celui de Virton, un sur 20 ; celui d’Arlon, un sur 34. Il y a telle petite ville où l’on constate l’existence d’un cabaret sur 5 habitants mâles au-dessus de 16 ans ; il y a trente villages comptant un cabaret sur 10 habitants. 

[…] Ces faits, dont la triste réalité n’est pas contestable, mettent à nu toute la profondeur du mal. […] Personne n’ignore quels sont les ravages de l’ivrognerie sur la santé et la moralité des populations qui s’y adonnent.[iii] » Pour lui, seule l’instruction permettrait de régler le problème : des écoles et bibliothèques et non des cabarets.

Annexe

Archives consultées

Archives de l’État à Arlon (Belgique)

  1. Archives des Institutions de droit public (époque contemporaine), Cadastre du Royaume des Pays-Bas, Grand-Duché de Luxembourg, Bulletins des propriétés — 1822 : Saint-Mard et Vieux-Virton.

Bibliographie

  1. Le Moniteur belge, Journal officiel, Année 1871, troisième trimestre, 1er juillet au 30 septembre.Bruxelles, Imprimerie du Moniteur belge, 1871.
  2. LITTRÉ, Émile. Dictionnaire de la langue française, tome premier, A-C. Librairie Hachette, Paris, 1873 ; https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5406710m
  3. VERNEILH (de), Joseph. Observations des commissions consultatives sur le Projet de code rural, tome premier.Paris, Imprimerie Impériale, 1810.

Références

[i] Littré, 1873, t1, p. 445

[ii] Verneuilh, 1810, p. 430

[iii] Moniteur belge, no 194, jeudi 13 juillet 1871, Conseils provinciaux — Luxembourg, pp. 159-160-161