Carnets de notes - Documents

Recès de Francfort (1819)

Recez général de la commission territoriale rassemblée à Francfort-sur-le-Main, signé le 20 juillet 1819.

Traité

Préambule

« Au nom de la très sainte et indivisible Trinité.

L’acte du congrès de Vienne du 9 juin 1815, et le traité de Paris du 20 novembre de la même année, renfermant des dispositions qui exigeaient des négociations et des arrangements ultérieurs et définitifs, leurs majestés impériales et royales l’empereur d’Autriche roi de Hongrie et de Bohême, le roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, le roi de Prusse, l’empereur de toutes les Russies roi de Pologne, ont nommé des plénipotentiaires, pour en remplir l’objet. Voulant aujourd’hui comprendre dans une transaction commune les résultats des différentes négociations, qui ont eu lieu à cet égard, pour les revêtir des ratifications nécessaires, elles ont autorisé leurs plénipotentiaires, à réunir dans un instrument général, toutes les stipulations particulières, et à joindre à cet acte, qui portera le titre de recès-général de la commission territoriale rassemblée à Francfort, toutes les conventions qui s’y rapportent.

En conséquence, les plénipotentiaires respectifs, savoir :

De la part de sa majesté l’empereur d’Autriche, roi de Hongrie et de Bohême : le sieur Jean-Philippe baron de Wessenberg, grand-croix de l’Ordre Royal de Saint-Étienne, chevalier grand-croix de l’ordre militaire et religieux des Saints Maurice et Lazare, de l’ordre de l’Aigle rouge de Prusse, de celui de la Couronne de Bavière, de Saint-Joseph de Toscane, de l’ordre Constantinien de Parme, de la Fidélité de Bade, du Lion-d’or de Hesse, chambellan et conseiller intime actuel de sa dite majesté impériale et royale apostolique ;

De celle de sa majesté le roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande :

Le très honorable Richard le Poer Trench, comte de Clancarty, vicomte de Dunlo, baron Kilconnel, baron Trench de Garbally du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, conseiller de sa majesté britannique en son conseil privé de la Grande-Bertagne et aussi d’Irlande, membre du comité du premier pour les affaires de commerce et des colonies, colonel du régiment de milice du comté de Galway, ambassadeur extraordinaire de sa dite majesté auprès de sa majesté le roi des Pays-Bas, et chevalier grand-croix du très honorable ordre du Bain ;

De celle de sa majesté le roi de Prusse :

Le sieur Charles-Guillaume baron de Humboldt, son ministre d’état, chambellan, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près sa majesté britannique, chevalier du grand-ordre de l’Aigle rouge et de celui de la Croix de fer de Prusse de la première classe, grand-croix des ordres de Léopold d’Autriche, de Sainte Anne de Russie, du Danebrog de Danemark, du Lion-Belgique des Pays-Bas, de la Couronne de Bavière, de la Fidélité de Bade et du Faucon blanc de Saxe-Weimar ;

De celle de sa majesté l’empereur de toutes les Russies, roi de Pologne :

Le sieur Jean d’Anstett, son conseiller-privé, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près la sérénissime Confédération Germanique, chevalier de l’ordre de Saint Alexandre Newsky, grand-croix de celui de Saint Wladimir de la seconde classe, de la première de ceux de Sainte Anne, de Léopold d’Autriche, de l’Aigle rouge de Prusse, de l’Étoile polaire de Suède, de la Couronne de Bavière, de la Couronne de Wurtemberg, de la Fidélité et du Lion de Zähringen de Bade, chevalier de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem ;

Après avoir vérifié entre eux leurs pleins-pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus de recevoir dans le présent instrument général et définitif, et de munir de leurs signatures, les articles suivants : »

[…]

Article 34

« Sa majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, possédera pour lui, ses héritiers et successeurs, en pleine propriété et souveraineté, tous les districts qui, ayant fait partie en 1790 des provinces Belgiques, de l'évêché de Liège et du duché de Bouillon, oui été cédés par la France aux puissances alliée en vertu du traité conclu à Paris le 20 novembre 1815, ainsi que les territoires enclavés de Philippeville et Marienbourg, avec les places de ce nom, cédés par le même traité. Par suite de cette disposition les limites des états de sa majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, resteront telles qu'elles ont été fixées entre la France et les pays cédés aux puissances alliées par le traité de paix de Paris du 30 mai 1814, à commencer de la mer du Nord jusques vis-à-vis de Quiévrain. De Quiévrain la ligne de démarcation suivra les anciennes limites des provinces Belgiques, du ci-devant évêché de Liège et du duché de Bouillon, jusqu'à Villers près d'Orval, comme elles étaient en 1790 conformément aux stipulation de l'article 1er dudit traité de Paris du 20 novembre 1815, de sorte que tous les pays qui se trouvent à la gauche de ladite ligne de démarcation, en y comprenant les territoires enclavés de Philippeville et Marienbourg, avec les places de ce nom, le ci-devant évêché de Liège et tout le duché de Bouillon appartiennent aux Pays-Bas. »

Article 35

« L'article 3 du traité conclu à Vienne le 31 mai 1815 et l'article 67 de l'acte du congrès de Vienne ayant stipulé que la forteresse de Luxembourg serait considérée comme forteresse de la confédération germanique, cette disposition est maintenue et expressément confirmée par le présent recez.

Cependant sa majesté le roi de Prusse et sa majesté le roi des Pays-Bas agissant en sa qualité de grand-duc de Luxembourg, voulant adapter le reste des dispositions desdits articles aux changements survenus par le traité de Paris du 20 novembre 1815, et pourvoir de la manière la plus efficace à la défense combinée de leurs états respectifs, leurs majestés sont convenues de tenir garnison commune dans la forteresse de Luxembourg, sans que cet arrangement, fait uniquement sous le rapport militaire, puisse altérer en rien le droit de souveraineté de sa majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, sur la ville et la forteresse de Luxembourg. »

Article 36

« Sa majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, cède à sa majesté le roi de Prusse le droit de nommer le gouverneur et le commandant de cette place, et consent à ce que la garnison en général, que chaque arme en particulier soit composée pour les trois quarts de troupes prussiennes et pour un quart de troupes des Pays-Bas, renonçant ainsi au droit de nomination que l'article 67 de l'acte du congrès de Vienne assurait à sa majesté.

Les troupes seront soldées et équipées aux frais de leurs gouvernements respectifs. Il en sera de même pour leur nourriture lorsque la forteresse ne sera pas déclarée en état de siège. Dans ce cas, la garnison se nourrira des magasins de la forteresse, et il sera suppléé à son approvisionnement d'après les principes établis dans le traité conclu entre sa majesté le roi de Prusse et sa majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg à Francfort, le 8 novembre 1815, annexé au présent recès. »

Article 37

« Le droit de souveraineté appartenant dans toute sa plénitude à sa majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, dans la ville et la forteresse de Luxembourg, comme dans tout le reste du grand-duché, l'administration de la justice, la perception des impositions et contributions de toute espèce, ainsi que toute autre branche de l'administration civile restera exclusivement entre les mains des employés de sa majesté, et le gouverneur et le commandant leur prêteront secours et assistance en cas de besoin.

De l'autre côté, le gouverneur sera nanti de tous les pouvoirs nécessaires pour lui assurer, conformément à la responsabilité qui repose sur lui, l'exercice libre et indépendant de ses fonctions, et les autorités civiles et locales lui seront subordonnées pour tout ce qui concerne la défense de la place.

Pour éviter néanmoins tout conflit entre l'autorité militaire et civile, sa majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, nommera un commissaire spécial qui servira d'intermédiaire entre le gouverneur et les autorités civiles, et recevra les directions du gouverneur dans les affaires de police, en tant qu'elles se lient aux rapports militaires et à la défense de la place.

Le gouverneur pourra pour le même objet, et toujours dans les limites qui viennent d'être énoncées, déléguer de sa part une personne de son choix, et ces deux employés formeront une commission mixte.

Mais en cas de guerre, si l'une ou l'autre des deux monarchies de Prusse ou des Pays-Bas était menacée d'une guerre, et que la forteresse fût déclarée en état de siège, les pouvoirs du gouverneur seront illimités, et n'auront d'autres bornes que la prudence, les usages et le droit des gens.

Si finalement la Diète de la Confédération Germanique venait à décider que les gouverneurs et commandants des forteresses de la ligne devront être assermentés, le gouverneur et le commandant de la forteresse de Luxembourg prêteront le serment d'après la formule qui sera adoptée par la Diète. »

[…]

Article 49

« La langue française employée dans le présent recès l’a été avec les mêmes réserves énoncés à l’article 120 de l’acte du congrès de Vienne. »

Article 50

« Le présent recès sera ratifié, et les ratifications en seront échangés à Francfort sur le Mein dans l’espace de trois mois, ou plutôt si faire se peut. Un exemplaire du même acte sera déposé à Vienne aux archives de cour et d’état de sa majesté impériale et royale apostolique, pour y être réuni à l’ensemble des actes desquels il dérive, et sur lesquels il est fondé. Les hautes parties contractantes se réservent d’ailleurs d’adopter une marche commune pour le communiquer et le proposer à l’adhésion des autres puissances et états intéressés. »

« En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs ont signé le présent recès, et y ont apposé le cachet de leurs armes.

Faits à Francfort sur le Mein, le 20 juillet de l’an de grâce 1819. »

Signé,

(L.S.) Le baron de Wessenberg

(L.S.) Clancarty

(L.S.) Le baron de Humboldt

(L.S.) J. d’Anstett


Bibliographie

  1. GUIDO von MEYER, Corpus juris confoederationis Germanicae, oder Vollständige Sammlung der Quellen des deutschen Bundesrechts…, Frankfurt am Main, 1822, pp. 272-274 (préambule), pp. 288-291 (art. 34-37) et p. 297 (art. 49-50)
  2. LESUR Charles-Louis, Annuaire historique universel pour 1819, deuxième édition, Paris, Chez A. Thoisnier-Desplaces Libraire, 1825, p. 529 (préambule), pp. 535-537 (art. 34-37) et p. 539 (art. 49-50)
  3. MARTENS (de) Georg Friedrich, Nouveau recueil de traités d’Alliances, de Paix, de Trêve, de Neutralité, de commerce, de limites, d’échange etc. et de plusieurs autres actes servant à la connaissance des relations étrangères des Puissances et états de l’Europe… depuis 1808 jusqu’à présent, Tome IV 1808-1819 inclus, Gottingue, Librairie de Dieterich, 1820, p. 604 (préambule), pp. 617-619 (art. 34-37) et p. 625 (art. 49-50)
  4. VANDERMAELEN Philippe, MEISSER François Joseph (Docteur), Dictionnaire géographique du Luxembourg, Bruxelles, À l’Établissement géographique, 1838, pp. 238-240