Carnets de notes - Une famille Saint-Mard

Jean Joseph Saint-Mard : Un officier supérieur natif de Thonne-les-Prés

Jean Joseph Saint Mard, fils de Jean (1732-1775) et de Marie Madgdelaine Joannes voit le jour le mardi 7 décembre 1773 au village de Thonne-les-Près. Dernier enfant du couple, il est représentatif d’une génération de jeune homme qui ne connaîtra que la guerre. Il survivra à tous les combats, reviendra vivre à Montmédy et s’y éteindra à l’âge de 47 ans sans avoir eu l’occasion de se marier et de fonder une famille.

Résumer sa vie en quelques pages afin d’en avoir une vision complète est une gageure. C’est une personne ordinaire emportée par la folie de l’histoire. Témoin d’une époque, c’est un destin sacrifié, mais assumé avec brio.

Août 1775, son père meurt. Rapidement sa mère se remarie.

Juin 1783, en Islande, le volcan Laki entre en éruption. Ses brumes soufrées se rabattent sur l’Europe. Un brouillard sec recouvre la région jusqu’à la fin du mois de juillet. À l’époque, personne ne comprend le phénomène, les plus bigots mobilisent les curés pour faire fuir le diable.

Quel en a été l’impact sur un enfant de dix ans ? Nous ne pouvons le savoir. Aussi spectaculaire soit-il, ce phénomène redécouvert récemment n’a laissé aucune trace dans les traditions populaires, mais a été enregistré dans les chroniques de l’époque.

Mars 1788, sa mère meurt. Le 31 du même mois, un conseil de famille se réunit pour désigner Jacques Saint Mard, laboureur à Petit-Verneuil, oncle du côté paternel, tuteurs des trois enfants mineurs Saint-Mard et Nicolas Joseph Joannes, demeurant à Manteville, oncle maternel, leur curateur [i].

Août 1789, une nouvelle histoire commence à s’écrire. En attendant, Jean Nicolas de Hontheim, évêque in partibus de Myriophite suffragant de Trêve, seigneur temporel de Montquintin, confère à son frère Jean-Baptiste « la première tonsure cléricale avec les cérémonies et solennités nécessaires selon le rite de la Sainte Église catholique apostolique Romaine. [ii] »

Juin 1791, des troupes se rassemblent à Montmédy. Louis XVIII est attendu au château de Thonnelle. Sa retraite est interrompue à Varennes. À la même époque, Jean-Baptiste termine deux années d’étude au séminaire du Saint-Esprit à Paris. L’été venu, il émigre à Trèves pour y poursuivre sa formation. Peut-être, les deux frères se voient-ils une dernière fois avant longtemps.

1792, une armée coalisée envahit la France. La région est en état de guerre. Le 30 août, le général Autrichien Clairfayt est à Marville pour reconnaître Montmédy qu’il évite et se porte sur Stenay. Défait à Valmy, cette armée se retire. Fin octobre, Clairfayt prend position à Virton où un corps d’armée républicain vient l’en déloger.

La Révolution s’emballe. Le Roi est assassiné. Les démagogues terrorisent le pays. La France envahit la Belgique. Ce n’est pas une réussite. Dumouriez traite avec les Autrichiens. Valencienne et Condé sont menacés. La patrie est en danger.

L’armée française souffrant d’un déficit permanent en homme, le gouvernement a réquisitionné 300.000 citoyens âgés de 18 à 40 ans accomplis. La rapide dégradation de la situation limite très fortement les possibilités d’éviter la conscription.

Le destin de Jean Joseph est-il lié à celui de son frère séminariste ? A-t-il dû partir à l’armée pour assurer leurs sécurités ? De manière étonnante Jean Baptiste est passé dans les mailles du filet. Il n’a jamais été inscrit comme émigré.

2e régiment de dragons

1793

Le 1er avril 1793, Jean Joseph intègre le 2e régiment de dragons [1].

Si son état de service précise qu’il fait la campagne de 1793 à l’armée du Nord défendant Valencienne, nous ne savons pas quand il a rejoint le front.

Le 28 avril, le régiment livre un combat près de Condé. Le 1er mai, lors du combat de Valencienne, le 2e R.D. poursuit l’ennemi jusque dans son camp à Esneux et y soutient un terrible affrontement durant deux heures. Dans les semaines qui suivent, les dragons combattent régulièrement. Le 8 août, au combat de Marquion, le régiment, fort de 400 dragons, charge un corps de 2.000 cavaliers. Le général Kilmaine les félicite.

Du 15 au 17 octobre, l’armée du Nord se bat à Wattignies pour forcer à lever du blocus de Maubeuge. En novembre, le régiment est signalé dans une affaire de poste en avant de Montigny.

La Belgique évacuée, le régiment est envoyé en Vendée. C’est une affaire intérieure ; ce n’est pas repris dans son état de service. Probablement, les conscrits, pas nécessairement fidèles au pouvoir révolutionnaire, sont restés aux dépôts.

1794

Fin de printemps 1794, le 2e régiment de dragons rejoint l’armée du Nord. Il intervient entre Lille et Douai, à Dechy, Pont-à-Marck notamment. À la mi-octobre, les 700 hommes franchissent la Meuse ; le 8 et 9 novembre, ils attaquent Nimègue aux Pays-Bas. En décembre, ils franchissent le Rhin, mais la « trahison » de Pichegru les oblige à repasser le fleuve.

Le régiment est mis en garnison à Douai, Saumur, Tours et Compiègne. Vers la fin de l’année, le régiment est réuni à l’armée de Sambre et Meuse (Jourdan).

1795

Le 18 février, à Bentheim, ville de Rhénanie-du-Nord-Westphalie proche des Pays-Bas, le régiment comprenant 981 dragons charge sur la grande route et sous le canon du fort. Le 22 mars, le fort est pris. Le régiment soutient différents combats et se porte vers le sud. Au mois de septembre, après une affaire près du château de Bensberg, il ne reste plus que 918 hommes. Le 7 du même mois, le 2e R.D. franchit le Rhin à Cologne.

Légion générale de polices (Paris)

Le 23 octobre 1795, Jean Joseph intègre une unité des plus particulières : la légion générale de polices chargée de faire le service des tribunaux et des prisons, de la police des ports et des quais, et de tous les services relatifs à la tranquillité publique.

Peu de temps auparavant, le général Bonaparte s’en était servie pour réprimer l’insurrection du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795).

La cavalerie de la légion de polices est organisée comme un régiment de dragons, mais avec un uniforme différent. « L’infanterie de la légion » posera de nombreux problèmes et finira par être dissoute les 9 et 10 floréal an IV (28 avril 1796).

1796

Certains indices m’incitent à penser que la cavalerie de la légion a maté les bataillons frondeurs et les a conduits à Metz pour les disperser dans différents régiments.

21e régiment de dragons — anciennement cavalerie de la légion

Le 5 floréal (24 avril), la cavalerie de la légion et des dragons de la Manche forment le 21e régiment de dragons.

Le régiment stationne au camp de Grenelle [2], en dehors de Paris. Dans la nuit du 9 au 10 septembre, plusieurs centaines de démocrates s’y rendent croyant qu’ils sont acquis à leur cause. L’affaire tourne mal. Le régiment sabre dans la foule. Le Directoire utilise cet incident pour liquider l’opposition et condamner à mort Gracchus Babeuf, déjà emprisonné au moment des faits.

1797

Le 22 frimaire an VI (12 décembre 1797), le régiment peut-être un peu trop impliqué dans les coups d’état du Directoire est dissous. Les dragons sont dispersés dans six régiments.

11e régiment de dragons

Le 21 décembre, Jean Joseph intègre le 11e régiment de dragons. Il y fera tous ces grades.

1798

Année de paix.

1799

Seconde coalition : l’Angleterre, l’Autriche, la Russie menacent la France. Le 11e régiment de dragons est dirigé sur Colmar et intègre l’armée de Mayence sous le commandement du général Jourdan.

Le 1er mars 1799, l’armée franchit le Rhin à Kehl et Hiningue, traverse la Forêt-Noire et débouche le 6 sur le Danube. À cette date, elle prend le nom d’armée du Danube, franchit le fleuve et porte son attaque vers Stockach où elle est défaite le 27 mars. Quatre dragons du 11e sont tués à Steusslingne.

Repoussé sur le Rhin, le régiment le franchit le 5 avril à Vieux-Brissac, ville Allemande à hauteur de Colmar. Placé dans la division de réserve du général Klein, le 11e R.D. garde les passages du Rhin entre Bâle et le confluent de l’Aar. Au mois d’août, il est affecté à la division Chabran et cantonne à Lorach.

Le 23 octobre 1799, Jean Joseph obtient son premier grade, il est nommé brigadier, premier grade de sous-officier dans la cavalerie légère.

Coup d’État du 18 Brumaire. Napoléon met fin au Directoire. Le 13 décembre, Napoléon Bonaparte, Cambacérès et Lebrun sont nommés consuls.

1800

L’hiver venu, le régiment cantonne dans les Vosges. Le 31 janvier 1800, Jean Joseph est promu fournier.

Au printemps, une nouvelle attaque se porte dans la même direction. Le 3 mai 1800, le 11e régiment de dragons soutient vigoureusement l’attaque de la division Montrichard sur Stockach. Début juin, le régiment occupe Landsberg, à l’ouest de Munich. Elle remonte vers le nord, reconnaît le Danube et le 18 se porte sur le pont de Dillingen, permettant le lendemain le passage du fleuve. Avant l’armistice de Parsdorf, le régiment livre deux combats, puis cantonne sur le haut Danube. Fin août, le 11e R.D. rétrograde ; en octobre, il occupe Villingen, ville au sud-ouest du Bade-Wurtemberg.

La trêve est de courte durée. Le 1er décembre, le 11e régiment de dragons se porte sur Rosehneim. Couvrant le flanc droit et les arrières de l’armée, le régiment ne participe pas la bataille de Hohenlinden, mais le 4 est chargé de poursuivre les Autrichiens. Le 7, il arrive à Rosehneim ; le 8, il franchit l’Inn ; le 12, il charge quatre fois la cavalerie autrichienne au pont de Seebruck ; le 13, après un sanglant combat le corps Lecourbe, dont le 11e R.D. est une composante, entre dans Salzbourg. Le 20 décembre, le régiment bouscule une arrière-garde ennemie au passage de la Traun.

Nouvel armistice, le régiment est cantonné à Steyer.

1801

Mars 1801, ratification du traité de Lunéville. Le régiment rentre en France et mis en garnison à Dôle dans le Jura.

1802

Le régiment est en garnison à Lons-le-Saunier, même département.

Le 21 avril, Jean Joseph est nommé maréchal de logis ; le 9 juin, maréchal des logis-chef.

1803

Au printemps 1803, le 11e régiment de dragons quitte Lons-le-Saunier et stationne à Namur, département de Sambre-et-Meuse, puis à Nimègue (Pays-Bas).

1804

Le 6 janvier 1804, Jean Joseph devient adjudant sous-officier. Grade spécifique à la cavalerie légère, il est le premier sous-officier et fait partie de l’état-major du régiment.

Cette année-là, le régiment tient garnison à Amiens et Cambrai.

18, mais 1804 : le général Bonaparte devient empereur héréditaire sous le nom de Napoléon Ier.

1805

Napoléon concentre son armée à Boulogne en vue d’envahir l’Angleterre. Il constitue la Grande Armée. Les 10e et 11e dragons embrigadés font partie de la 2e division de dragons montés rattachée à la réserve de cavalerie commandée par Murat.

L’empereur change d’avis et retourne son effort vers l’Autriche. Le 26 août, la division de dragons marche vers Strasbourg qu’elle atteint le 18 septembre. Le 25, elle franchit le Rhin. Remontant vers Karlsruhe au nord, elle bifurque vers Stuttgart qu’elle traverse le 1er octobre. Poursuivant vers l’est, dans la nuit du 7 au 8 octobre, elle soutient quelques légers engagements pour s’emparer des ponts du Danube entre Donauwerth et Ingolstadt. Affectée temporairement au 4e corps de Soult, la division se porte sur Augsbourg qu’elle traverse le 11 octobre ensuite bivouaque en vue de Munich qui capitule le 12. La division de dragons du général Walther est envoyée sur Ulm. La capitulation de Trochtelfingen met fin à la première partie de la campagne.

De retour à Munich, la division reprend sa place dans la réserve. La trêve est de courte durée, l’empereur fait marcher la Grande Armée sur Vienne. Le 2 novembre, plusieurs dragons du 11e régiment traversent la Traun à la nage pour faire le coup de feu sur l’autre rive et protéger les travailleurs qui réparent le pont d’Ebelsberg. Le 11 novembre, la division surprend aux portes de Vienne des bateaux chargés d’effets militaires. Le 13, Murat s’empare des ponts de la ville. La division la traverse rapidement, passe de Danube et bivouaque à Kornenbourg.

La Grande Armée remonte vers le Nord. Le 16 novembre, à Hollabrün, la cavalerie de Murat charge l’arrière-garde russe et entame la poursuite de cette armée. Le 20, elle arrive sous les murs de Brünn, actuelle Brno en République tchèque. Le même jour, le 11e régiment de dragons prend part à un combat de cavalerie près de Bellawitz. La division de dragons se porte sur Vischau (Vyškov) plus au nord, mais doit l’évacuer la nuit du 28 au 29 novembre. Elle rétrograde.

Le 2 décembre, à Slavkov u Brna, la Grande Armée, et bien entendu le 11e régiment de dragons réduit à 196 hommes, livre la bataille d’Austerlitz. La gauche de l’armée française, composée de la réserve de cavalerie de Murat et du corps de Lannes, repousse avec difficulté le corps de Bagration.

La victoire est complète. Du 3 au 5 décembre, la division reconnaît les positions et la direction prise par l’ennemi qui se retire. Les dragons sont cantonnés près de Brno.

1806

La paix signée, la division retourne en Allemagne. Du 7 juillet au 27 septembre, les dragons cantonnent à Fribourg-en-Brisgau.

Le 14 mars, Jean Joseph est nommé chevalier de la Légion d’honneur. Le 21 avril, il a été promu officier subalterne. Le voilà sous-lieutenant.

Octobre 1806, la guerre est déclarée entre la France et l’Allemagne. La 2e division sous les ordres de Grouchy, est rattachée au 6e corps et dirigée vers Ulm. Bien en arrière des lignes, la division ne participe pas aux batailles d’Iéna et Auerstordt. Elle rejoint la réserve de cavalerie et remplace la 1re division dans la poursuite du prince de Hohenlohe. Elle remonte loin au nord, livre quelques combats, dépasse Leipzig, Potsdam, Berlin et rejoint ledit prince à Penzlau (Brandebourg). Profitant du désordre provoqué par l’artillerie, la cavalerie française culbute l’ennemi dans les faubourgs. Le capitaine Barthelemey du 11e R.D. s’empare d’un drapeau. Le prince capitule.

La division entame un grand mouvement circulaire vers l’ouest. Le 6 novembre, la 2e division de dragons, avant-garde de la cavalerie de Murat, contribue fortement à la prise de Lübeck, ville hanséatique (Schleswig-Holstein) au nord de l’Allemagne.

Le 7, encerclé, Blücher capitule.

La division ne reste pas dans la région. Le 22 novembre, elle est passée en revue par Napoléon à Berlin. Elle prend la direction de l’actuelle Pologne, atteint Poznan le 3 décembre, franchit la Vistule à Thorn (Toruń) le 16 et se porte sur Bieżuń.

1807

La Grande Armée poursuit son avancée vers le nord. Continuellement, la division de dragon soutient de combat contre les arrière-gardes russes.

Le 8 février 1807, à la bataille de Preuss-Eylau, « un grand nombre de dragons et de chevaux ont été tués par la mitraille. L’attitude de la division sous ce feu meurtrier a été ferme et fière, et elle n’a pas été ébranlée un instant. » (Rapport de Grouchy à Murat) Le 11e R.D. est cruellement éprouvé. [iii]

Du 8 au 13, la division Grouchy cantonne dans les faubourgs d’Eylau (Bagrationovsk, Russie, enclave de Kaliningrad). Au mois de février, la division placée momentanément sous les ordres du maréchal Ney est chargée de débarrasser le pays des Cosaques. Elle occupe différentes vallées et livre d’incessants combats. Le 3 mars, « les chasseurs du 10e et les dragons du général Grouchy ont fait sur les hauteurs d’Altkirch (Praslity) une belle charge dans laquelle un grand nombre de Cosaques a été pris. » [iv]

Le 29 mars, très affaiblie, la division est dirigée sur Starsbourg en Pologne (Brodnica).

Le 26 mai, Napoléon passe en revue la division et lui accorde de nombreuses récompenses. Jean Joseph est promu lieutenant [3].

Le 4 juin, la division se remet en campagne et entame une remontée vers le nord. Le 9, elle soutient la charge de Joachim Murat à Guttstadt.

Le 14 juin, jour anniversaire de Marengo, Napoléon livre une importante bataille à Friedland (Pravdinsk, Russie, enclave de Kaliningrad). Grouchy loue l’attitude du 10e et 11e régiment de dragons qui « ont fait preuve d’une admirable fermeté dans un moment où presque tous les autres corps avaient été ramenés par l’ennemi. Seuls sont restés inébranlables au milieu de la plaine ; quoiqu’environnés de toutes parts, ils n’ont pas fait un pas rétrograde, et par leur énergique attitude, ils m’ont donné le temps de rallier 2 régiments de cuirassiers et de ramener la victoire de notre côté. » [v]

La division de dragons prend part à la poursuite de l’armée russe. Le traité de Tilsit met fin à la guerre. Le 21 juillet, la division entame un mouvement rétrograde. Le 11e régiment de dragons ne retourne pas en France et stationne à Neu-Settin (Szczecinek) en Poméranie.

1808

L’empereur a ouvert un nouveau front au sud de la France. Il a attaqué l’Espagne. Deux régiments provisoires de dragons constitués par prélèvement sur les dépôts des 11e, 14e, 18e et 19e sont massacrés par les Espagnols le 19 juillet 1808 à Baylen en Andalousie. Les survivants sont prisonniers.

Le 10 octobre, la 2e division de dragons (3e, 6e, 10e et 11e RD) commandée provisoirement par le général Millet, reçoit l’ordre de se rendre en Espagne. Via Erfuth, Fulda, Mayence, elle rejoint la France. Le 28 novembre, elle traverse Orléans ; le 26 décembre, elle est à Bayonne.

1809

Le 7 janvier 1809, la division de dragons arrive à Burgos où elle est mise sous le commandement du général Kellermann. Le 10e et le 11e forment la brigade Carrié.

Les dragons sillonnent le pays en colonnes mobiles pour y maintenir la sûreté des communications menacées par des partis de troupes régulières et des bandes d’insurgés. Fin avril, la division concourt à une expédition combinée avec le maréchal Ney ayant pour résultat l’évacuation d’Oviédo par La Romaña. À la fin du mois de juin, le 11e R.D. quitte Palencia pour la province du Léon où commence à s’étendre l’insurrection.

La lutte contre la guérilla épuise les régiments de dragons. En novembre, le général Kellermann à la tête de la division de dragons, se porte sur les traces du duc del Parque qui se retire dans la direction de Cuidad-Rodrigo. Le 28 novembre, il rejoint l’avant-garde ennemie à Alba de Tormes. Sans attendre l’arrivée de renfort, Kellermann donne ordre à la brigade Millet d’attaquer sur leur flanc droit ; lui-même les aborde de front avec les 10e et 11e RD. Pour permettre aux régiments de se rallier après les premières charges, le général engage le reste de sa cavalerie. Le succès est total, la ville est prise, les Espagnols évacuent la rive droite du Tormès.

Le corps du marquis del Parque s’étant disloqué, la poursuite est impossible. Les Français s’emparent de Salamanque. Le 11e R.D. reprend ses missions de contre-guérilla avec « l’ordre de nettoyer d’ennemis le cours de l’Esla et la province de Léon. » [vi]

1810

Janvier 1810, le régiment reconnaît la frontière du Portugal. Le 15 janvier, il surprend des hommes du parti Etcheverria. Cent insurgés sont tués, trois cents capturés et leurs correspondances saisies. Le 19, à la sortie de Villafrechos, 130 chevaux de la bande d’El Capucino attaquent les trente dragons du 11e qui escortent les prisonniers. Un officier est grièvement blessé. Des prisonniers s’échappent, d’autres sont repris et un plus grand nombre est tué.

Fin février, le régiment est rattaché à l’armée de Portugal sous les ordres de Masséna. Les 3e, 6e, 10e, 11e, 15e, 25e constituent la division Montbrun (3 brigades).

À cette occasion, Jean Joseph a peut-être eu l’opportunité d’apercevoir le général Loison [4], le vandale d’Orval, à la tête de sa division d’infanterie.

Durant le siège de Cuidad-Rodrigo, les dragons ont « pour mission d’arrêter La Romaña et Wellington, s’ils tentent de débloquer Cuidad-Rodrigo, de défendre le passage de l’Azava, d’empêcher toute communication avec la place et de s’opposer, de ce côté, à toute sortie des assiégés. » [vii]

Le 9 juillet, la ville tombe. Le 11, Jean Joseph est capitaine, grade le plus élevé des officiers subalternes.

L’effort de guerre se porte sur la forteresse d’Almeida au Portugal qui se rend le 27 août. Wellington fait rétrograder les troupes anglo-portugaises. Le 15 septembre, Masséna envahit le Portugal, mais le 27, sa progression est arrêtée près de Buçaco. L’attaque française échoue néanmoins les dragons de Montbrun ont reconnus une route permettant de tourner les positions de la sierra de Cima. La nuit venue, l’armée française s’engage dans ce chemin. Apercevant la manœuvre, les Anglais se retirent vers Lisbonne.

Le 10 octobre, Masséna bute sur les lignes de défense de Torrès-Vedras. Il n’ira pas plus loin.

1811

Masséna n’entreprend aucune attaque pour sortir de cette impasse. Le 4 mars, les Français se retirent. La division Montbrun est placée à l’arrière-garde avec les troupes du maréchal Ney et soutient plusieurs combats. Wellington assiège Almeida et menace Cuidad-Rodrigo. Pour le forcer à lever le siège, le 3 mai, Masséna attaque l’armée portugaise à Fuentes de Oñoro. Dans la soirée, le 6e corps attaque le village, mais ne l’occupe que partiellement. Le lendemain, le combat ne reprend pas ; la cavalerie reconnaît les positions.

Le 5 mai, les belligérants se livrent à la plus importante bataille de la campagne. Les dragons de la division Montbrun mettent « hors de combat le partisan don Julian, puis, s’étendant sur la gauche, il charge la cavalerie qui s’enfuit et il enfonce enfin deux carrées de grenadiers royaux, la meilleure infanterie anglaise ; ces carrés sont sabrés, mais le feu de l’artillerie empêche le général Montbrun de ramener ses 1.200 prisonniers. » [viii]

Plusieurs dragons sont tués ; Jean Joseph Saint Mard est grièvement blessé. Le résultat est indécis. Masséna est relevé de son commandement et remplacé par le maréchal Marmont qui passe en revue, le 7, les dragons sur le champ de bataille. Il met l’armée en cantonnement autour de Salamanque. Wellington a gagné la partie.

La cavalerie est dans un état de délabrement.

Jusqu’au mois de septembre, l’historique du 11e régiment de dragons ne renseigne plus aucune action. Le 25 septembre, la division Montbrun culbute les Anglais sur le plateau d’El Budonn concourant au ravitaillement de Cuidad-Rodrigo. Les dragons sont chargés de surveiller la frontière portugaise.

1812

Wellington s’empare de Cuidad-Rodrigo et Badajoz. Le 12 juin, il lance une offensive générale en direction de Salamanque. Marmont concentre son armée et par une série de manœuvres ramène Wellington sur le Tormès. Le 18 juillet, la 2e division de dragons sous les ordres du général Boyer, prononce plusieurs charges contre la cavalerie anglaise. Jusqu’au 22 juillet, les armées se côtoient continuellement.

Le 22, Marmont menace de couper la ligne de retraite anglo-portugaise sur Cuidad-Rodrigo. Au premier coup de canon, il est tué. Wellington profite du désordre pour culbuter les Français et gagner la bataille des Arapiles, à une dizaine de kilomètres de Salamanque.

Ce jour-là, la 2e division de dragons a appuyé la division du général Foy. Par des charges répétées, elle a secondé les efforts de l’infanterie qui parvient à dégager les autres divisions françaises. À la fin de la journée, elle a formé avec la division Foy l’arrière-garde de l’armée qui se retire par la route d’Alba de Tormés à Valladolid. En raison de son effectif restreint, le 11e régiment de dragons a été cruellement décimé.

Les Français entament une rapide retraite de plus de 360 kilomètres qui les mènent au-delà de Burgos, en Vieille-Castille.

Le 17 octobre, l’armée de Portugal et celle du Nord déclenchent une contre-attaque combinée pour faire lever le siège du château de Burgos et repousser l’ennemi au-delà du Douro. Le 23, à Villadiego, la 2e division charge vigoureusement les carrés anglais qui résistent. Le 11e régiment éprouve des pertes sérieuses.

La reconquête des territoires perdus est très rapide. Le 12 novembre, l’armée de Portugal fait jonction avec celle du Centre et du Midi à Alba de Tormès. Le 15, Wellington évacue Salamanque et se déborde dans la direction de Cuidad-Rodrigo à la faveur du brouillard.

Le 11e R.D. reprend la localité de Vitigudino occupée par des partisans. Rattaché avec le 25e R.D. à la division Foy, il remonte sur Astorga, dans la province du Léon, et capture la garnison de la ville qui s’enfuyait.

1813

Les dragons surveillent la frontière de Galice, s’opposent aux partisans, repoussent les incursions et reconnaissances ennemies. À l’occasion, ces cavaliers peuvent combattre à pied. Le 8 avril, la 2e division arrive vers midi à Valencia de Dun Juan où se trouve le 2e bataillon du régiment des Volontaires de Castille.

Elle y mène une opération commando. Quatre escadrons des 6e, 11e, 15e et 25e dragons mettent pied à terre et se précipitent dans la ville. Ils y enlèvent un fort. Quatre escadrons à cheval des mêmes régiments entourent la ville et capturent les fuyards. Trois cent vingt hommes du bataillon espagnol sont faits prisonniers, les autres tués. La 2e division a trois tués, appartenant au 11e RD et six blessés.

Au mois de mai, le général Boyer avec cinq compagnies des 6e et 11e R.D. pousse une pointe jusqu’à Léon et Astorgas pour en expulser les insurgés. À la fin du mois, toute la cavalerie de l’armée de Portugal se concentre à Valderas, à soixante kilomètres au sud de Léon.

Wellington se porte vers le nord. Les armées de Portugal, du Centre et de Midi reçoivent l’ordre de converger vers Burgos. L’armée française est talonnée par un ennemi plus entreprenant et puissant qu’elle. Le 20 juin, elle se concentre dans la cuvette de Vitoria [5] aux Pays basques. La bataille est inévitable, l’armée de Portugal est chargée de couvrir la ville, ayant sa droite à Aranguis sur la route de Bilbao.

Le 21 juin, la division de dragons seconde les efforts de l’infanterie du général Reille contre les progrès du corps anglais du général Graham. Elle contribue, à la fin de l’action, à protéger la retraite des débris de l’armée de Portugal sur Sarra et Echalar.

La journée se termine par une amère défaite marquant la fin de l’occupation française. Avant la fin du mois, le 11e régiment de dragons franchit la frontière, reçoit l’ordre de rejoindre son dépôt à Limoges, puis est dirigé sur Mayence en Allemagne. Il intègre le 5e corps bis de cavaleries regroupant les escadrons de dragons et hussards venant d’Espagne.

Le 2 septembre, le 5e corps bis de cavalerie quitte Mayence pour Wurtzbourg. Le 9, le maréchal Angereau le passe en revue. Le 11e régiment de dragons ne participe à aucun combat durant cette période. Le 12 octobre, le 5e corps bis arrive à Leipzig et établit ses vingt-six escadrons près de Liebertwolkwitz. Les 5e corps, principal et bis, sont fondus. Le 11e régiment de dragons est reconstitué avec quatre escadrons (deux venant d’Espagne et deux du dépôt).

Prémisse de la bataille des Nations, le 14 octobre, le 11e régiment est engagé à la bataille de Liebertwolkwitz. Murat charge constamment en tête de sa cavalerie, risquant plusieurs fois d’être pris.

Du 15 au 18 octobre, Napoléons se défend à Leipzig. Il est encerclé de toute part et attaqué par nombre de ses anciens alliés. Le 16, Murat à la tête du 5e corps de cavalerie et des cuirassiers de Latour-Maubourg, réunis à gauche de Wachau, charge la cavalerie et l’infanterie austro-russes et les force à reculer. Durant le combat, deux sous-lieutenants du 11e régiment de dragons sont mortellement blessés.

Le 18, dans la matinée, la cavalerie se replie derrière les corps d’armée. Les dragons du 5e corps se massent à gauche de Sotteritz. Vers quatre heures de l’après-midi, l’offensive ennemie est bloquée. Napoléons replie son armée. « Le 5e corps de cavalerie bat en retraite, traversant Leipzig et le défilé de Lindenau. [ix]»

Le 5e corps est chargé de couvrir le flanc droit du corps d’armée pendant sa marche rétrograde. « Le 30 octobre, jour de la bataille de Hanau, le Régiment [25e RD], avec le corps de Milhaud, flanque la droite de notre armée, passant par Issingheim et Brücködel. Il fait reculer les partisans russes et autrichiens. [x]» La division de dragons est donc à une dizaine de kilomètres au nord de la ville.

Le 2 novembre, la division de dragons franchit le Rhin à Mayence. Le 11e régiment ne comprend plus que 29 officiers et 315 hommes de troupe. Réorganisé, le 15 décembre, le 5e corps de cavalerie placé sous les ordres du général Milhaud quitte Mayence pour Strasbourg qu’il atteint le 20. Le corps se porte sur Sélestat et Colmar pour observer les partis de Cosaques et d’Autrichiens qui ont franchi le fleuve.

Le 24 décembre, Milhaud se porte sur Sainte-Croix au sud de Colmar. La brigade Montélégier (division Briche), composée des 2e, 6e et 11e régiments de dragons, charge vigoureusement les Autrichiens. Ce succès a peu d’effet. Le 31, l’armée de Bohême franchit le Rhin. Colmar est occupé. Le 5e corps de cavalerie se replie sur Baccarat. Le maréchal Victor abandonne l’Alsace.

1814

Le 1er janvier 1814, Jean Joseph est promu capitaine 1re classe ; simple évolution de carrière entraînant une augmentation du solde.

Le 5, la division Briche rejoint le corps du maréchal Victor à Molsheim, à une vingtaine de kilomètres de Strasbourg. Du 11 au 14, elle séjourne à Ramberville ; le 17 janvier, le 5e corps de cavalerie est cantonné à Toul. Sur la route de Ligny-en-Barrois, la division Piré s’oppose à 2.000 Cosaques à Saint-Aubin-sur-Aire. Les deux divisions de dragons de Milhauld viennent la soutenir et attaquent avec impétuosité l’ennemi [6].

Le 27, le 5e corps de cavalerie du général Milhaud surprend à Saint-Dizier la division de cavalerie russe du général Landskoy et s’empare des ponts de la Marne. La division Briche ne suit pas le mouvement général et opère une reconnaissance depuis Joinville sur Sommevoire et Doulevant. Le 30, elle rejoint le 5e corps.

Le 1er février 1814, à la Rothière, Blücher attaque Napoléon. La 5e division de cavalerie est placée au centre de la ligne de bataille avec le corps de Victor. La division de Milhaud lutte contre les corps de Sacken et charge vigoureusement l’infanterie ennemie lancée contre la Rothière et les localités voisines. Défaite, l’armée française se retire en bon ordre.

Le général Milhaud avec les divisions Briche et Lhéritier couvre le mouvement rétrograde. Attaqués dans l’obscurité sur leur flanc, les dragons du 11e R.D0 sont rejetés en désordre sur la ferme de Beugné et perdent une batterie d’artillerie attachée au 5e corps de cavalerie.

Le 3 février, la cavalerie du général Milhaud constituant l’extrême arrière-garde de l’armée charge un corps de cavalerie russe à Villers-le-Brûlé avant d’arriver à Troyes. L’armée reflue dangereusement vers Paris : le 5, le corps bat en retraite à Nogent-sur-Seine. Le 13, l’ennemi franchit la Seine. Dans la nuit du 14 au 15, Nangis est évacuée, la colonne française se dirige sur Mormant.

Le 16 février, Jean Joseph est promu chef d’escadron, premier grade d’officier supérieur. Le lendemain, 17, les divisions Piré et Briche du 5e corps de cavalerie se couvrent de gloire au combat de Mormant. Ils soutiennent deux engagements contre les uhlans autrichiens et les hussards de l’Archiduc Joseph. À la tombée de la nuit, le corps se porte sur Montereau, son point de recul ultime. Le jour venu, le 5e corps appuie l’attaque de Victor, pendant que Pajol s’empare des ponts de Montereau.

Le 5e corps de cavalerie passé sous les ordres du maréchal Macdonald se retourne et à marche forcée prend la direction de Troyes qu’elle dépasse. Le 25 février, le corps charge une arrière-garde ennemie près de Landreville et l’oblige à se retirer. La nuit du 27 au 28, les dragons de Milhaud soutenus par une partie du corps de Macdonald s’emparent de la Ferté-sur-Aube.

Nouveau recul, Macdonald ordonne la retraite à Bar-sur-Seine. Attaqué par le prince de Wurtemberg, le corps rétrograde progressivement vers Troyes et Nogent. S’en suit une petite période de calme, mais le 13, l’armée de Bohême le refoule. Macdonald marche sur Provins et entame un second mouvement vers l’est. Le 18, la cavalerie de Kellermann et les dragons de Milhaud se lancent à la poursuite des Austro-Russes. Ils se portent sur Vitry-le-François par Sommepuis. Le 22 mars, en présence de l’empereur, le corps de Ney et les dragons ne parviennent pas s’emparer de Vitry-le-François.

L’avancée prend fin à Saint-Dizier. Le 26 mars, « les dragons de Milhaud se distinguent pour la dernière fois en enlevant 18 canons au corps de Wintzingerode. » [xi]

Napoléon comprend son erreur. Ce beau succès ne ralentit pas l’avancée concentrique des armées alliées vers Paris. Toute l’armée se replie sur l’Aube, puis la Seine.

Le 3 avril 1814, Napoléon Ier abdique. Le 14, la cavalerie de Milhaul est envoyée dans l’Eure-et-Loir. À la faveur de la paix, le 11e régiment de dragons est désigné pour tenir garnison à Nancy.

Le 12 mai, Louis XVIII réduit le nombre des régiments de cavalerie à 57. Le 11e régiment de dragons prend le numéro 6 et le titre de « dragons de Berry. » Tous les officiers sont sur un pied d’égalité. Ils sont mis dans « un pot commun » et affecté en fonction de leur ancienneté dans leur grade. N’étant chef d’escadron que depuis trois mois, Jean Joseph est désavantagé.

2e régiment de carabiniers

Le 1er août, il passa au 2e régiment de carabiniers avec le même grade. Le même jour, il perçoit une indemnité de 268 francs pour perte d’un habit, d’une veste, d’une calotte, d’une paire de bottes, d’un manteau, d’un portemanteau, d’une paire d’épaulettes et d’une selle ; et 400 francs pour perte d’un cheval à la bataille de Vitoria.

Le 1er octobre, il « nommé officier de la légion d’honneur par Son Altesse Royale le Duc de Berry [xii]», neveu du Roi. Le 15 décembre, il est admis à la non-activité.

1815

En février 1815, il est retiré à Sedan (Ardennes). À cette époque, il a peut-être eu l’occasion de revoir son frère et sa sœur. Dampicourt et Thonne-la-Long n’étant qu’à un cinquante de kilomètres, distance insignifiante pour un cavalier qui a traversé l’Europe.

Le 1er mars, Napoléons Bonaparte débarque à Golfe-Juan. C’est le début des Cent-Jours qui se termineront par la défaite de Waterloo le 18 juin 1815. Le 23 mars, à Lille, constatant que tous les régiments et officiers qu’il avait envoyés pour l’arrêter ont trahi, Louis XVIII licencie l’armée. Le 28, Bonaparte rappelle tous les officiers et soldats qui ont quitté l’armée pour concourir à la défense de la patrie.

Mesquinerie de l’empereur, il annule toutes les promotions faites dans la Légion d’honneur depuis le 1er avril 1814.

Le 1er mai, Jean Joseph rentre au corps. Le 14 juin, neuf corps d’armée terminent de se concentrer en quatre points d’invasions. Rattachés au 3e corps sous les ordres du lieutenant-général Kellermann (fils), comte de Valmy, les deux régiments de carabiniers sont à Beaumont. Le 15 juin, l’armée française pénètre en Belgique entre Beaumont et Philippeville. La nuit venue, les carabiniers campent dans les prairies au-deçà de Charleroi. Le 16, ils ne participent pas aux combats des Quatre-Bras car ils attendent à Liberchies. Le 17, les Anglais se retirent vers Bruxelles. Défaits à Ligny, les Prussiens retraitent vers Wavre. La poursuite ayant été ordonnée trop tard, ils se regroupent et se réorganisent. Le même jour, un orage violent éclate [7]. Les terrains sont détrempés.

La nuit du 17 au 18, les soldats dorment à la belle étoile, dans la boue.

Wellington s’est arrêté sur une crête en avant de la forêt de Soigne. Il accepte le combat. Les régiments de carabiniers prennent position sur un plateau entre les chaussées de Charleroi et de Nivelles. Pour les préserver, Kellermann en milieu d’après-midi les met en réserve près d’une batterie de la Garde avec défense d’en bouger. Mais le maréchal Ney, qui n’a pas autorité sur eux, les oblige à charger la brigade du général Adam [8] près du bois d’Hougoumont [9]. C’est un désastre. La moitié de la brigade est à terre. Jean Joseph est blessé [xiii].

Après l’arrivée des Prussiens sur le champ de bataille [10], les soldats français croient qu’il s’agit de Grouchy. Ayant compris leur méprise, l’armée s’effondre. C’est le sauve-qui-peut. Seule, la Garde se bat pour l’honneur et pour sauver l’empereur.

Bonaparte retourne à Paris, abdique, s’enfuit, se livre aux Anglais croyant obtenir certaines faveurs et se retrouve à refaire le monde dans une île paumée de l’Atlantique Sud.

Le 16 septembre, pour la seconde fois, Jean Joseph est admis à la non-activité. La citadelle de Montmédy est assiégée le 9 octobre. La ville basse brûle.

1816 à 1821

Jouissant d’une demi-solde d’officier, Jean Joseph vient terminer la fin de sa vie à Montmédy. Après le décès de son frère Jean Baptiste en 1816, il devient le subrogé tuteur de ses neveux mineurs. Leur situation est délicate.

À la fin du printemps 1816, Jean Baptiste s’était installé à Velosnes [11] et n’avait pu mettre que la moitié de ses terres en location. Sa trésorerie était vide.

Sa veuve, Anne Marie Simon, doit rembourser les dettes du ménage, exploiter la ferme de madame de Marche et gérer le domaine familial de Dampicourt sans pouvoir s’y rendre.

Jean Joseph va l’aider en concluant un contrat de vente à rémérer de 1.300 francs. Il lui achète quelques terres avec possibilité de rachat moyennant le remboursement de ladite somme.

Le 15 février 1817, Jean Joseph preste le serment de fidélité au Roi à Verdun. Il conserve donc, comme de nombreux militaires, son grade dans l’Ordre royal de la Légion d’honneur.

Le 21 août 1821, il s’éteint prématurément à Montmédy sans avoir repris le service. Anne Marie Simon ne lui a pas remboursé les 1.300 francs. Mais les enfants Saint-Mard héritent de la moitié des terres « vendues » et elle rachète à sa belle-sœur l’autre moitié. Le patrimoine est reconstitué.

La Russie

Une légende familiale racontait qu’un Saint-Mard, Jean Joseph, aurait participé à la campagne de Russie. Dans une lettre, il se serait plaint du froid.

Ses états de services et l’historique de 11e régiment de dragons ont démonté l’histoire, et nous ont offert une saga bien plus intéressante même s’il ne faut pas perdre de vue que la guerre est une monstruosité.

La confusion peut s’expliquer par deux éléments :

1.En hiver, il fait très froid sur les hauts plateaux d’Espagne.

2.Après la défaite de Vitoria en juin 1813, les Français quittent définitivement l’Espagne. Les vieux dragons ne sont pas incorporés à l’armée des Pyrénées. Ils traversent la France et rejoignent la Grande Armée à Leipzig pour participer à la « Bataille de Nation. » Napoléon perd ladite bataille et ordonne la retraite. Les vieux dragons d’Espagne « rentrent » en France avec les rares survivants de la Grande Armée revenant de Russie.

Sources :

  1. France, Archives Nationales, Fonds de la Légion d’Honneur, dossiers nominatifs des légionnaires nommés ou promus dans l’ordre de la Légion d’honneur, Cote LH/2438/24 (Base de données Léonore) [Transcription].
  2. Archives familiales.

Bibliographie sélective

  1. AMBERT (Colonel). 2e Régiment de Dragons Ex-Dragons de Condé créé en 1635, État des services du régiment. Lyon, Imprimerie de Louis Perrin, novembre 1851.
  2. BOURQUENEY (capitaine de). Historique du 25e Régiment de Dragons 1665-1890. Tours, Imprimerie A. Mame et fils, 1890.
  3. BRUYÈRE, Paul (Chef d’Escadron au Régiment). 1635-1885 : Historique du 2e Régiment de Dragons. Chartres, Imprimerie Garnier, 1885.
  4. JOMINI, Antoine Henri (baron de, général). Précis politique et militaire de la campagne de 1815. Bruxelles-Livourne-Leipzig, Meline — Cans et compagnie, 1846.
  5. MAUDUIT (de), Hippolyte (Capitaine). Histoire des derniers jours de la grande armée, ou souvenirs, documents et correspondance inédite de Napoléon en 1814 et 1815, 2e édition, tome second. Paris, Dion-Lambert Libraire-éditeur, 1854.
  6. OLLONE (d’), Charles Alexandre Marie Céleste (Lieutenant). Historique du 10e régiment de dragons. Paris, Berger-Levrault & Cie Éditeur, 1893.
  7. SAVIN de LARCLAUSE, Arthur. Historique du 11e Régiment de Dragons depuis sa création en 1674 jusqu’en 1890. Fontenay-le-Comte, L.P. Gouraud Imprimeur-éditeur, 1891.
  8. SIBORNE, H.T. Waterloo Les lettres Anglaises – Les Britanniques racontent Waterloo, traduit de l’anglais par Ronald Billuart. Paris-Bruxelles, Jourdan Éditeur, 2009.
  9. TONDEUR, Jean-Philippe ; COURCELLE, Patrice ; PATTYN, Jean-Jacques ; MEGANK, Paul. Les Vertes Bornes – Les grandes charges de la cavalerie française, Waterloo 1815 — Les Carnets de la campagne – no 5. Bruxelles, Les Éditions de la Belle Alliance (Une collection de Tondeur Édition), 2002.


Notes

[1] Ce régiment est impliqué dans l’attaque de Virton (octobre 1792).

[2] Grenelle : ancienne commune du département de la Seine. Voisine de l’école militaire. (Paris, 15e arrondissement).

[3] Promotion en date du 25 mai 1807, veille de revue.

[4] Louis Henri Loison, né à Damvillers (Meuse) le 16 mai 1771, mort le 30 décembre 1816 à Chokier (province de Liège, Belgique). (Wikipédia) Vandale ayant détruit l’abbaye d’Orval, il ne put revenir mourir dans son « pays » natal.

[5] Vitoria-Gasteiz, Pays basques.

[6] 22 janvier

[7] Cet orage est considéré comme une des premières manifestations du dérèglement climatique survenu après l’éruption du Tombora en Indonésie (5 et 10 avril 1815).

[8] 52nd Regiment – Light Infantery, 71st Regiment – Light Infantery – Glasgow Highlanders et 95th Rifles.

[9] Environ sous l’intersection des chemins de Plancenoit et des Vertes Bornes.

[10] Bataille dite de Waterloo pour les Anglais, de Mont-Saint-Jean pour Napoléon et de Plancenoit pour les Prussiens, si vous n’avez pas compris de quelle bataille il s’agit.

[11] De nationalité française, Jean-Baptiste Saint-Mard, ancien adjoint maire, s’est exilé à Velosnes, village meusien frontalier, lorsque Dampicourt anciennement département des Forêts est devenu luxembourgeois et possession de Guillaume Ier des Pays-Bas.



Références

[i] 24 et 31 mars 1788 : Succession de défunte Magdelaine Joannes et tutelle des enfants mineurs de Jean St Mard — Archives départementales de la Meuse (AD-55), Archives anciennes (Série B : Cours et juridictions avant 1790), Prévôté de Montmédy (1650-1790), Procès-verbaux et actes divers. Cote : Bp 4342 (1787-1788).

[ii] Archives privées — collection Anaïs Noël. Diplôme en latin délivré par l’Évêché de Trèves en août 1789.

[iii] Savin, 1891, p. 145-147.

[iv] Ollogne (d’), 1893, p. 321.

[v] Ollogne (d’), 1893, p. 327 ; Savin, 1891, p. 154.

[vi] Ollogne (d’), 1893, p. 346.

[vii] Ollogne (d’), 1893, p. 349.

[viii] Ollogne (d’), 1893, p. 353.

[ix] Bourqueney, 1890, p. 228.

[x] Bourqueney, 1890, p. 229

[xi] Savin, 1891, p. 207.

[xii] Source : France, Archives Nationales, Fonds de la Légion d’Honneur, dossiers nominatifs des légionnaires nommés ou promus dans l’ordre de la Légion d’honneur, Cote LH/2438/24 (Base de données Léonore) — État des services, campagnes et blessures.

[xiii] MARTINIEN, A. Tableaux par Corps et par Batailles des Officiers Tués et Blessés pendant les Guerres de l’Empire 1805-1815, Partie supplémentaire. Paris, 1909, page 90.