Carnets de notes - Territoire

Le Pays gaumais (Gaume)

Région culturelle

« La Gaume traduit dans son modelé, l’influence fondamentale de la structure et de la composition de son sous-sol, fait de couches alternativement tendres et dures, inclinées faiblement vers le sud, et où l’érosion a dégagé une série de cuestas. » (R. Monteney) [i]

La Gaume est une microrégion culturelle dans la Lorraine belge qui se définit avant tout par un critère linguistique. Anciennement, les habitants y parlaient des dialectes romans (Lorrain-Gaumais et Champenois) à la différence du Pays d’Arlon où l’on y parlait un dialecte germanique.

La Gaume est un territoire restreint d’une superficie de 754 km². « On peut l’arpenter dans tous les sens, 50 km de l’est à l’ouest, 25 km du nord au sud [1], en voiture, à cheval ou mieux à pied [ou à vélo], et se familiariser avec tous ses aspects. [ii]»

Le pays Gaumais est délimité au nord par la bordure de la forêt ardennaise, à l’est par la frontière linguistique romano-germanique, au sud et à l’ouest par la France. Son climat est un peu plus doux qu’en Ardenne (plus chaude de 1 à 2° de moyenne) et plus sec.

Edmond Fouss, le conservateur fondateur du Musée Gaumais a écrit : Les Gaumais et les Virtonais sont dits un tantinet hâbleurs et vantards. À Habay, un dicton dit « Il a plus dit que fait. » [iii]

Langues romanes

Le Gaumais est une langue régionale romane, un dialecte de Lorrain très proche du patois du nord du département de la Meuse et du canton de Carignan.

Au nord-ouest, dans un triangle formé par les villages de Muno, Sainte-Cécile, Chassepierre, les Gaumais parlaient le Champenois sous l’influence du diocèse de Reims qui s’étendait jusque-là.

La limite linguistique entre les dialectes romans et germaniques s’est décalée vers l’est jusqu’au milieu du 16e siècle époque où quelques villages affranchis dans le pays d’Arlon se sont « affirmés d’expression française [iv] ». Nous en retrouvons le souvenir dans le nom de Meix-le-Tige (thiois, germanique).

Différences culturelles et politiques entre les Pays Gaumais et le Pays d’Arlon

Au Moyen-Âge, les territoires formant l’actuelle Lorraine belge étaient formés de deux entités politiques distinctes qui ne partagent rien de commun hormis leur intégration dans le duché de Luxembourg.

Dans le comté de Chiny qui s’étendait du nord des départements de la Meuse et des Ardennes (France) à Neufchâteau (plateau ardennais, Belgique), les langues vernaculaires étaient romanes. La majeure partie du Pays Gaumais en faisait partie et la langue de ses habitants était un dialecte lorrain.

Le comté de Chiny était dans la zone d’influence du duché de Bar (Maison de Lorraine) et de la Champage. Il a été marqué par un important mouvement d’affranchissement. Les seigneurs ont accordé des libertés aux habitants des bourgs et villages en se référant largement au droit de Beaumont-en-Argonne (Ardennes, France).

Le marquisat d’Arlon où l’on parlait une langue alémanique, le Francique, est resté indifférent au mouvement d’émancipation. Politiquement, culturellement, il était tourné vers le Luxembourg et la Moselle.

Limite Gaume — Ardenne

Le territoire des villages du nord du Pays gaumais déborde sur l’Ardenne. Il appartient à deux régions naturelles. De Muno à l’ouest à Habay à l’est, la bordure sud de la forêt ardennaise est la propriété de communes gaumaises.

Leurs territoires se divisent en deux :

Les villages sont bâtis sur les sols lorrains, à l’exception de Chiny construit sur un sol ardennais dans un méandre de la Semois, mais dont le bâti est de typologie lorraine avec utilisation de matériaux lorrains et ardennais.

Origine de l’appellation gaumais

« Le curé Welter caractérisait le facteur humain de notre région en citant l’argument des Ardennais, lesquels dans leur langue (donc distincte de la nôtre), désignent cette partie du quartier wallon comme étant le pays des “Gaumois” habitant les vallées de la Semois et de la Chiers. [v] »

La dénomination aurait pour origine le nom d’une famille Gaumain vivant au 17e siècle à Habay. De nombreux Gaumain et leurs variantes orthographiques sont collationnés dans les registres paroissiaux ce qui accrédite l’hypothèse.

Anciennement, de nombreux entrepreneurs d’Habay transportaient les gueuses de fonte produites par la sidérurgie locale jusqu’à Barvaux où elles étaient embarquées sur l’Ourthe pour gagner Liège. Le nom de leur firme « Gaumé, Gaumain, Gaumais ou Gaumet » était peint sur leurs lourds chariots. « Ils devinrent vite connus de tous par leurs déplacements à travers l’Ardenne. [vi]» Les Ardennais qui ne connaissaient pas le nom des voituriers leur ont appliqué le nom de leur firme et par assimilation ont appelé de même tous les gens venant du sud du massif forestier de l’Ardenne. [vii]

Deux étages

Le pays se divise en deux étages d’altitude différente séparés par une barrière forestière d’est en ouest, la forêt gaumaise.

Au nord, l’étage supérieur formé par le revers de la cuesta sinémurienne bordé par la vallée de la Semois. D’est en ouest, l’étage est légèrement incliné, l’altitude croit : Florenville est à 361 mètres d’altitude, Étalle 350 mètres et Arlon 400 mètres avec son point culminant — Saint-Donat — à 431 mètres. En fond de vallée de la Semois, Saint-Cécille à 310 mètres et Jamoigne est à 314 mètres.

L’étage est protégé par le massif ardennais et les forêts d’Anlier, de Rulles, de Neufchâteau, de Chiny, d’Herbeumont, et de Muno.

Au sud, l’étage inférieur comprenant la double vallée du Ton et de la Vire, butant sur la côte bajocienne. Villers-devant-Orval sur la Marche est à une altitude de 200 mètres, Virton a 220-250 mètres, et Musson sur la Batte (vallée de la Vire) est à 250 mètres.

Les rendements des cultures sont un peu moins bons dans l’étage supérieur que dans l’inférieur. La récolte se fait deux semaines plutôt à Villers-devant-Orval que sur la Semois et trois semaines plutôt à Virton que sur la Semois.

Sidérurgie

La découverte de gisement de fer de faible teneur et l’importante forêt indispensable à la fabrication du charbon de bois va permettre le développement la sidérurgie.

Dès le 16e siècle, six forges se sont développées en Gaume :

  1. Forges de Montauban-Buzenol.
  2. Forges de Berchiwé (Meix-devant-Virton).
  3. Forges d’Orval (Villers-devant-Orval).
  4. Forges de La Soye (Gérouville).
  5. Forges Le Châtelet (Habay-la-Neuve).
  6. Forges du Pont d’Oye (Habay-la-Neuve).

Dans un premier temps, le minerai de fer est exploité au sommet de la côte bajocienne. La Grande tranchée de Grandcourt, voisine de la frontière belgo-française, à mi-distance de La Malmaison et de Tellancourt, en est un bel exemple. Du 15e au 20e siècle, il est extrait au piedmont de la côte en partie dans deux mines souterraines (Halanzy et Musson).

Au 16e siècle, le fer d’un affleurement est exploité sur les hauteurs de Chiny entre les actuelles fermes de Griffaumont et de Thirifays. Au 17e siècle, il est extrait à lieu-dit « Fosse de Bar » proche des Épioux.

Le fer fort était exploité à Ruette, Latour, Dampicourt (exploitation à ciel ouvert) ; le fer fort à Athus.

La proto-industrie sidérurgique gaumais périclita au 19e siècle. D’importantes usines s’installèrent à

Musson, Halanzy et Athus (Belgique), dans le bassin de Longwy (France) et à Esch-Belval (Grand-Duché de Luxembourg). Elles subirent le même sort à partir des années 1970.

Liste des anciennes communes et villages gaumais

Bibliographie :

  1. Architecture rurale de Wallonie. Lorraine belge. Liège, Pierre Mardaga éditeur, 1983. [p.35]
  2. CHARIOT, Constantin ; PEZZIN, Myriam. Le musée de la Vie paysanne de Montquintin. 1965-2005. In : Chronique des Musées Gaumais, numéro spécial, 2e trimestre 2005. [p.7]
  3. CORNEROTTE, Jacques. La Gaume à travers champs, villages et forêts. Virton, Syndicat d’Initiative, 2007. [pp.12, 27, 39]
  4. De l’Ardenne à la Lorraine. Forêt et agriculture au Pays de la Semois entre Ardenne et Gaume. Florenville, Maison du tourisme de la Semois, 2008. [pp.2, 13, 21]
  5. De l’Ardenne à la Lorraine. Géologie et paysages du Pays de la Semois entre Ardenne et Gaume. Florenville, Maison du tourisme de la Semois, 2004. [p.4]
  6. DEFRANCE, Louis. La permanence des exploitations familiales agricoles en pays Gaumais. Virton, Mouvement de rénovation rurale en Gaume, vers 1952. [pp.15, 17]
  7. FOUSS, Edmond P. La Gaume. Quelques aspects de la terre et des hommes. Collection Wallonie, art et histoire. Paris-Gembloux, Édition Duculot, 1979. [pp.5, 7-8]
  8. MINISTÈRE DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE. La Lorraine Village/Paysage. Ensembles ruraux de Wallonie. Liège, Pierre Mardaga éditeur, 1983. [pp.19-20]

Notes

[1] 30 km du nord au sud et 40 km d’est en ouest. Forêt et agriculture, 2008, p.2


Références

[i] R. Monteney, dans A. Lombard, Géologie de la Belgique. Une introduction, dans Les naturalistes belges, XXXVIII, 1957, pp.225-233 cité In Lorraine Village/Paysage, 1983, p.14.

[ii] Fouss, 1979, p.8

[iii] Fouss, 1979, p.5

[iv] Lorraine Village/Paysage, 1983, p.20

[v] Fouss, 1979, p.7

[vi] Géologie et paysages, 2004, p.4

[vii] Fouss, 1979, p.8