Carnets de notes - Un monde de paysans

XX. Les vanniers

Livre : Un monde de paysans. La basse vallée du Ton entre Vire et Chiers : Description d’un paysage et d’une société rurale.
Remarque : Les superficies sont exprimées en mètre carré ou centiare.

Définitions du Dictionnaire de l’Académie française :

Tissage de paniers en chêne blanc.
(Virginia State Parks staff ; mai 2005 ;
Creative Commons Attribution 2.0 Generic license; Wikimedias Commons)
)

Le vannier est un artisan qui façonne des objets tressés avec des tiges et des fibres végétales. Comme outil, il utilise le coude, la serpette, la plane, le fer liant, la batte, le maillet, la serpe.

Au départ, c’était une activité annexe qui se pratiquait l’hiver.

Les articles de vanneries étaient peu renouvelés. La longévité d’un panier en osier entretenu, préservé de l’humidité et des vers, dépassait rarement la trentaine.

La vannerie ne nourrit pas son homme. Pour équilibrer son budget, l’artisan doit cultiver un lopin de terre pour récolter les pommes de terre et céréales nécessaires à sa propre consommation et à celle de ses animaux (lapins, volaille, chèvres et parfois une vache).

Le vannier vendait lui-même sa production aux cultivateurs, boulangers et quelques particuliers des environs.Ceux de Saint-Mard se rendaient aux foires et marchés de Virton, Arlon, Bastogne en Belgique ; Montmédy, Longwy et Carignan en France.

Biens immobiliers des vanniers

Nature Nombre de parcelles cadastrales % Superficie (m²) %
Terre labourable 24 50,00 % 45.681 82,11 %
Prairie 3 6,25 % 6.440 11,58 %
Jardin 10 20,83 % 2.653 4,77 %
Maison 10 20,83 % 798 1,43 %
Bâtiment 1 2,08 % 62 0,11 %
Total général 48 100,00 % 55.634 100,00 %

Dans les bulletins des propriétés, aucun bien n’est dénommé « oserai ».

L’osier

L’osier est le rejet d’une souche de saule qui pousse sur un sol humide. Chaque année, les jeunes rameaux sont coupés après la descente de la sève (mi-novembre) et trempés quelques jours dans l’eau pour les assouplir.

À défaut d’osier, on utilise du coudrier, du sorbier des oiseleurs, de la paille (seigle en général) et parfois de la bourdaine, du cornouiller, du frêne et du chêne pour les armatures.

Les oseraies — plantation d’osier — ont une durée d’exploitation de 15 à 20 ans. Au-delà, elles ne sont plus rentables.

Productions (à Saint-Mard)

Jusqu’à la fin du 19e siècle, les artisans locaux ne produisent que de la grosse vannerie : Vans à blé, et corbeilles à pain, corbeilles à anses d’une contenance variable.

Le van à blé d’une envergure de 75 centimètres, comme son nom le dit, était utilisé par les cultivateurs pour vanner le blé, pour isoler le grain.

Les corbeilles étaient classées par ordre de contenance. La corbeille à pain avait un volume utile d’environ 10 litres.

Les corbeilles à anses — de différentes contenances — étaient achetées par les meuniers, les marchands de tabac, les chamoiseurs.

Les vanniers fabriquaient en outre de larges paniers, en demi-lune, rétrécis vers le bas, avec un dos plat pour le confort du porteur et bretelles en cuir : les hottes.

Les hottes pour le portage humain avaient de nombreuses formes adaptées aux transports de matériaux variés. Elles étaient utilisées par les colporteurs, les charbonniers et dans les travaux publics pour le transport de terre, de gravier…

Mussy-la-Ville était réputé dans la région pour ses choux, poireaux et céleri. Les maraîchers mussipolitain colportaient de village en village leur production dans des hottes pouvant contenir 50 à 60 kg de choux.

À Chiny, les hottes étaient utilisées pour transporter de la paille, des feuilles sèches, de l’herbe, de genêts pour litière, du fourrage, du fumier, des ardoises, des provisions de bois…

Sur la Semois, les lavandières utilisaient des hottes pour le transport du linge.

Vannerie à Saint-Mard

À Saint-Mard, la famille Saussus a fait de la vannerie une véritable profession, une industrie. En 1766, deux Saint-Mardois pratiquent le métier. Ils sont sept en 1792 et dix-huit en 1847, tous appartenant à la même famille. En 1856, ils sont vingt dont petite nouveauté deux qui ne pas des Saussus.

La décennie 1880-1890 est celle des changements. Trois vanniers français originaires de Vrizy, village du département des Ardennes situé à quelques kilomètres de Vouziers s’établissent à Saint-Mard pour y développer une production de vannerie fine, leur spécialité.

Une révolution se met en place. Un artisan de grosse vannerie arrêté son métier. François Joseph Piessevaux devient marchand en gros de vannerie. Les conditions de travail changent fondamentalement. Piessevaux stocke et vend en gros la production de ses collèges qui ne doivent plus démarcher les clients. Les vanniers qui se sont engagés à lui fournir leurs productions pour la plupart d’entre eux continuent de travailler à domicile, mais pour les nouveaux artisans, il met à disposition un local.

Une grande partie de la production est exportée en France, ce qui déplaît aux artisans de Vouziers qui obtiennent de leur gouvernement des mesures protectionnistes facilement contournées par les Saint-Mardois. Les vanniers déplacent leur activité six kilomètres plus au sud, à Lamalmaison, village français du département de la Meurthe-et-Moselle. Ils y louent des boutiques et y travaillent plusieurs mois.

François Piessevaux trouve de nouveaux débouchés pour les productions en Belgique, au Grand-Duché de Luxembourg et en Angleterre. Il a le sens des affaires. Pour l’anecdote, à Saint-Mard, on fabriquait des paniers à orange pour les Gilles de Binche.

La profession se porte bien. Le nombre de vanniers augmente. Ils sont 56 en 1910, auxquels il faut ajouter les vanniers occasionnels. En 1921, François Piessevauxse retire.Louis Ridremont-Bonbled [1] reprend la boutique des vanniers de Vichaurue.

En 1930, la crise économique est fatale pour l’activité. Quelques-uns survivent. Le dernier vannier met fin à son activité en 1961.

Annexe

Archives consultées

Archives de l’État à Arlon (Belgique)

  1. Archives des Institutions de droit public (époque contemporaine), Cadastre du Royaume des Pays-Bas, Grand-Duché de Luxembourg, Bulletins des propriétés — 1822 : Dampicourt ; Montquintin et Couvreux ; Saint-Mard et Vieux-Virton.
  2. Archives des Institutions de droit public (époque contemporaine), Administration du cadastre, Royaume de Belgique, Bulletins des propriétés — 1844 : Commune de Lamorteau (Lamorteau, Harnoncourt, Rouvroy et Torgny).

Bibliographie

  1. BAILLIEUX, Fannette. La vannerie inspirée de Gaume et d’ailleurs. S.I. Virton — Maison du tourisme de Gaume, 2015.
  2. GLOIRE, Laure ; FONTAINE, Justine. Bûcherons, sabotiers et Cie. Les métiers du bois. Weyrich édition, 2015. [pp.199-202]
  3. SAUSSUS, Raymond. L’artisanat de la vannerie à Saint-Mard. In Le Pays gaumais. La terre et les hommes. Revue régionale. Virton, Édition du Musée gaumais, 1981-1982. [pp.109-156]

Notes

[1] Louis RIDREMONT, né le vendredi 26 juillet 1872 à Saint-Mard, fils d’Henri Joseph RIDREMONT de Marie-Virginie VAUDOIS. Le lundi 10 février 1896 à Saint-Mard, il épouse Marie Mélanie BONBLED, la fille de Jean Baptiste BONBLED et de Marie-Anne Joséphine LEJEUNE.