Carnets de notes - Chroniques et récits

La vie à Velosnes

Récits St Mard : du côté de Jean St Mard (+1725) et sa descendance.

Au débouché de la percée de la Chiers qui entaille depuis Longwy le plateau-revers des côtes de Moselle Nord, Velosnes est le village pendant à Torgny. Tous les deux du temps du duché de Luxembourg relevaient de la prévôté de Saint-Mard dans le comté du Chiny. Les conquêtes de Louis XIV et le traité des Limites en 1769 les ont séparés. De nos jours, le premier est Français ; le second Belge.

En arrière-plan, Velosnes et la route de Bazeilles. Au premier plan, Torgny.

Velosnes s’organise le long d’une des deux routes de Montmédy à Longuyon. En 1816, après les défaites de Napoléon Ier, Jean Baptiste Saint Mard, son épouse Anne Marie Simon et leurs quatre fils s’y étaient installés. À Dampicourt, il était propriétaire d’une exploitation de seize hectares et demie. Mais français, ancien adjoint maire, il retourna dans son canton natal. Il y mourut prématurément au mois de juillet de la même année.

Pour sa veuve, c’est un exil. En 1830, peut-être un peu avant, elle décide de revenir dans son village de naissance. En juillet 1830, son cadet, Jean-Baptiste réside à la ferme de Dampicourt. En septembre, les Bruxellois chassent de la ville les troupes hollandaises venues rétablir l’ordre. C’est la Révolution belge. Un nouvel état voit le jour. Lorsque la situation le permet, Anne Marie et son benjamin Louis, mon ancêtre, quittent Velosnes.

Toutefois, deux de ses fils ont décidé de vivre à Velosnes. Elle n’a probablement rien eu à dire. En effet, Joseph, l’aîné des frères, épouse le 22 juillet 1827 Marie Benoît qui accouche le 24 septembre d’une fille prénommée Catherine.

Jean François, le troisième frère, fait de même. Le 9 décembre 1827, il se marie avec Catherine Benoît qui enfante le 13 avril d’un garçon appelé Jean-Baptiste.

Joseph : petit cultivateur

Informations généalogiques :

Joseph SAINT MARD voit le jour le lundi 9 juillet 1798 à Dampicourt.
Il est le fils de Jean Baptiste SAINT MARD, âgé de 30 ans et d’Anne Marie SIMON, ménagère, âgée de 31 ans.
Le mercredi 1er août 1827 à Velosnes, il épouse Marie BENOIT, la fille de Jean BENOIT et de Marie Anne GILLARDIN.
Le couple aura six enfants : Catherine (1827-1828), Catherine (1829-1917), Jean (o 1831), Anne Marie (1834-1869), Françoise Agathe (1838-1891), Jean Joseph (1843-1869).
Joseph SAINT MARD est décédé le samedi 7 juin 1873, à l’âge de 74 ans, à Velosnes.

Joseph Saint-Mard exerce le même métier que ses parents, mais à la différence de son père, c’est un petit cultivateur-propriétaire. En 1865, il possède un peu moins de huit hectares de terres et prairies dans la section de Velosnes [1]. Peut-être est-il propriétaire de quelques biens dans les villages voisins, mais d’une manière générale la majorité des champs d’une exploitation se trouvent dans la bourgade où réside l’agriculteur. N’ayant pas dépouillé le notariat de Montmédy, nous ne savons si le couple en louait.

À Dampicourt, Joseph a hérité de quatre hectares six ares de terres et prairies [2]. Il ne peut les exploiter, mais doit en tirer un revenu. En l’absence de baux écrits, nous pouvons envisager qu’elles étaient cultivées par un tiers [3] moyennant un loyer.

Jean François : charron

Informations généalogiques :

Jean François Joseph SAINT MARD voit le jour le vendredi 12 août 1803 à Dampicourt.
Il est le fils de Jean Baptiste SAINT MARD, âgé de 35 ans et d’Anne Marie SIMON, ménagère, âgée de 36 ans.
Le jeudi 20 décembre 1827 à Velosnes, il épouse Catherine BENOIT, ménagère à Velosnes, la fille de Henry le Jeune BENOIT et d’Anne Catherine CLAUDE.
Le couple aura cinq enfants : Jean Baptiste (1828-1895), Marie (o 1830), Marie Joseph (1832-1924), Jean Louis (1836-1908), Marie Catherine (o 1838).
Jean F. J. SAINT MARD est décédé le samedi 3 octobre 1846, à l’âge de 43 ans, à Velosnes.

Parcours atypique. Jean François Joseph Saint-Mard exerce une profession que ni ses parents ni ses ancêtres n’ont pratiquée : il est charron. Cela lui réussit fort bien, le couple est propriétaire d’une maison relativement importante, d’une emprise au sol de onze ares trois centiares. Sa boutique-atelier est un peu plus grande (12 ares 3 centiares) [4].

De leur union naissent cinq enfants :

Jean François s’éteint dans l’après-midi du samedi 3 octobre 1846, à l’âge de 43 ans.

Les enfants de Joseph et François

Les deux fils de Jean-François, Jean-Baptiste (1828/1895) et Jean-Louis (1836/1908) pratiqueront le même métier. Ils sont charrons. Jean-Baptiste, comme son grand-père, son oncle et son cousin, s’impliquera dans la vie communale. Il sera adjoint au Maire (1868,1875) et officier de l’état civil (1875).

Catherine Saint-Mard (1829/1917) et Anne Marie Saint-Mard (1834/1869) filles de Joseph et Marie Benoît deviennent religieuses à Nancy. Ceci est plutôt rare dans la branche Saint-Mard issue de Dampicourt.

Catherine est infirmière en 1859 à Champigneule. Elle prend l’habit chez les Sœurs de la Doctrine chrétienne le 28 août 1860 et déclare sa profession de foi en 1863. Elle reçoit comme nom en religion Sœur Cyrénie. Elle poursuivra une carrière de soignante à Nancy.

Nous ne connaissons que le nom de religion d’Anne Marie : Sœur Onésime.

Le mardi 6 février 1866 à Dampicourt, Marie Joseph fille de François s’unit à Jean-Baptiste Saint-Mard, son cousin germain. Elle habitait depuis quelques années chez son oncle Jean-Baptiste à Dampicourt.

Le 15 janvier 1868 à Velosnes, Jean-Baptiste, le fils de Jean-François, épouse Marie Demantin veuve de Philippe Chenet. C’est une alliance inhabituelle. Onze années séparent les conjoints (39 ans/48 ans). Elle est mère de famille. Il n’est pas père. Elle est propriétaire de plus de biens immobiliers que lui [5]. À leurs décès, la succession sera réglée par voie judiciaire.

Le couple offrira à l’église du village la station numéro douze du chemin de croix [6].

Église de Velosnes. 12e station du chemin de croix.

En 1870 [7], la guerre surprend Velosnes. Le 15 juillet, les négociations entre la France de Napoléons III et la Prusse de Bismarck sont rompues. Le 2 et 3 septembre, un parlementaire prussien somme la place de Montmédy de se rendre et essuie un refus. Le 3 septembre, Napoléons III est défait à Sedan. Dans la soirée du 4, les villages de Thonne-le-Thil et Thonnelle sont occupés. Le 5, la ville haute est bombardée, mais pas les murailles. À la tombée du jour, furieux de leur perte et de l’échec de la manœuvre, les Prussiens se retirent, mais la ville haute est à moitié ruinée. Thonnelle est dévasté. Des contre-attaques partent de la citadelle, mais la région est soumise à un blocus.

Une route relie Velosnes à Torgny. La rivière la Chiers forme la frontière franco-belge. Un pont l’enjambe. Une pile dans chaque pays. Des soldats prussiens veulent le détruire. Un chef de détachement belge s’y oppose et réussit à le sauver. « Cette farouche attitude de l’officier belge fut récompensée par une décoration. Bien plus tard, cet officier devint le Général Jacobi. » [8]

La France perd beaucoup de villes. Le 12 décembre, la citadelle subit un second bombardement et capitule le 14 après 92 jours de blocus. Plus de deux mille Prussiens pillent et saccagent l’agglomération. L’Allemagne annexe l’Alsace et la moitié de la Lorraine.

Montmédy est occupé jusqu’au 28 juillet 1873.

Nous pouvons envisager que Catherine, infirmière à Nancy, a soigné des blessés de cette guerre. Nancy reste française, Metz change de souveraineté.

Le mercredi 19 décembre 1894, Marie Demantin — 76 ans — s’éteint. Jean-Baptiste Saint-Mard le rejoint dans la mort le mercredi 23 janvier 1895. Il est âgé de 66 ans. La succession se règle le 1er mai 1895 par-devant le tribunal de première instance de Montmédy. Une partie des ayants droit assignent les héritiers Saint-Mard, mais aussi « Marie Demantin, épouse assistée et autorisée de M. Jean Baptiste Perrin, cantonnier avec lequel elle demeure à Brouennes. » Dans le groupe des demandeurs, nous ne trouvons pas le patronyme Chenet, nom du premier mari de Marie Demantin, ni Demantin. L’environnement familial Chenet-Demantin semble donc complexe.

La partie demanderesse prétend que les immeubles sont mi-partageables en nature. Maître Gouyon requiert la liquidation de la succession par vente publique. Le prix à provenir de cette vente devra « revenir aux parties dans les proportions de leurs droits après le prélèvement par privilège des frais dont distraction au profit de maître Gouyon avoué sous l’affirmation de droit. »

Maître Vautier, avoué, pour les défendeurs déclare « s’en rapporter à prudence de justice. »

Nul n’est tenu à rester en indivision. Le tribunal ordonne la liquidation de la succession de madame Saint-Mard-Demantin et de la communauté d’entre les époux Saint-Mard. Maître Lily, notaire à Montmédy, procédera à la vente par licitation du patrimoine composant la succession.

Le juge fixe les mises à prix. Le produit de la vente devra revenir aux parties dans la proportion de leurs droits.

Dommage. Notre curiosité n’est pas satisfaite. Le tribunal ne nous donne pas la répartition de l’héritage.



Notes

[1] France, Archives départementales de la Meuse (AD-55), Archives anciennes (Série P : Finances, cadastres, postes, douanes, depuis 1800), Matrices cadastrales de Velosnes (à partir de 1850), Cote : 340 W 1459, page 143.

[2] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Administration de l’enregistrement et des domaines, Bureau de l’enregistrement de Virton, Volume 90, folio 77 verso, case 3 à 80 verso, case 2 (Volume 171 dans la numérotation des A.E.A).

[3] Je n’ai pas trouvé de baux dans les archives familiales ni dans le notariat de Virton, mais les archives du notaire Lambinet n’ont pas été déposées aux Archives de l’État à Arlon. Il faudrait donc consulter les registres de l’Enregistrement pour peu que les actes aient été passés à Dampicourt (Belgique) et non à Velosnes (France). De plus, je n’ai pas dépouillé le notariat de Montmédy (AD 55).

[4] France, Archives départementales de la Meuse (AD-55), Archives anciennes (Série P : Finances, cadastres, postes, douanes, depuis 1800), Matrices cadastrales de Velosnes (à partir de 1850), Cote : 340 W 1459, page 141.

[5] France, Archives départementales de la Meuse (AD-55), Archives anciennes (Série P : Finances, cadastres, postes, douanes, depuis 1800), Matrices cadastrales de Velosnes (à partir de 1850), Cote : 340 W 1459, page 241 = En 1870, il semble n’être propriétaire que d’un jardin de 7 ares 80 centiares.

[6] In CADY, Gérard ; TOUSSAINT, Christian. Velosnes — Promenades du patrimoine en pays de Montmédy dans la vallée de la Chiers. Éditions MICHEL Frères, B-6760 Virton, 2008, page 77.

[7] D’après ADNET, Pierre. Montmédy, citadelle de l’histoire. 1999, pages 45 à 54.

[8] In CADY, Gérard ; TOUSSAINT, Christian. Velosnes — Promenades du patrimoine en pays de Montmédy dans la vallée de la Chiers. Éditions MICHEL Frères, B-6760 Virton, 2008, page 13.