Carnets de notes - Chroniques et récits

Joseph Alphonse (1839-1918) et Marie Catherine Stasser : remplacement de son cheval tué

Récits St Mard : du côté de Jean St Mard (+1725) et sa descendance.

Informations généalogiques :

Joseph Alphonse SAINT-MARD voit le jour le lundi 7 octobre 1839 à Dampicourt.
Il est le fils de Louis SAINT MARD, cultivateur, âgé de 33 ans et d’Anne-Agathe GUILLAUME, âgée de 28 ans.
Le mercredi 25 novembre 1868 à Dampicourt, il épouse Marie-Catherine STASSER, la fille de Nicolas STASSER et d’Anne-Catherine LAMBERT.
Joseph A. SAINT MARD est décédé le lundi 18 février 1918, à l’âge de 78 ans, à Dampicourt.

Joseph Alphonse Saint-Mard et sa femme Marie Catherine Stasser habitent à Dampicourt. Il est propriétaire d’une prairie au Pré Colas. En 1867 [1], Henri Allard, forgeron à Villers-la-Loue, un village voisin, plante une haie entre sa parcelle et celle de Joseph Alphonse, sans respecter la distance légale d’un mètre. Joseph s’en plaint auprès du Juge de paix de Virton. Il lui demande de faire condamner ledit Henri Allard à arracher la haie et à lui laisser un passage libre pour arriver à sa propriété.

Henri Allard se défend, il n’a « fait que continuer et réparer la haie qui existait entre leurs prairies et qu’il ne doit aucunement laisser un demi-mètre en terrain entre la haie et la ligne séparation des héritages ; il soutient aussi qu’il ne doit aucun passage au demandeur. »

Afin de départager les parties, « le tribunal jugeant en premier ressort ordonne que les enquête et contre-enquête se feront sur les lieux litigieux, le lundi vingt mai courant à deux heures de relevée dépens réservés. »

Un simple procès-verbal dressé par les gendarmes le vingt-neuf juin 1876 permet de mettre en évidence son statut social [2]. Dans le village de Dampicourt, les pandores constatent la présence de six chevaux en liberté qui lui appartiennent. Au 19e siècle, la possession d’un cheval s’était démocratisée, mais cela restait un animal coûteux à entretenir. En avoir six n’est pas à la portée des journaliers et des petits cultivateurs.

Illustration. Un cheval dans une praire à Verneuil-Petit.

Audience du 22 juillet 1881 [3], Joseph Alphonse, ses frères et sœurs invitent le défendeur Jean-Baptiste Noël « à comparaître devant ce tribunal à l’audience du quinze juillet courant pour s’entendre condamner à leur payer la somme de dix francs, pour valeur du foin qu’il a coupé et enlevé sur environ deux ares de prairie, en anticipant et autant sur un pré leur appartenant au lieu-dit Bannière, territoire de Dampicourt. »

Jean-Baptiste Noël « soutient que la portion de prairie qu’il a fauchée et revendiquée par les demandeurs lui appartenait. Les demandeurs prétendirent que cette prairie leur appartenait indivisément avec le défendeur, et que le foin enlevé par ce dernier devait être partagé avec eux. »

La parcelle de prairie qui fait l’objet d’un litige en propriété n’est pas suffisamment désignée. Le 12 août 1881 [4], le Juge de paix renvoie le défendeur à se pourvoir devant Juges compétents, pour faire statuer sur la question de propriété. Il déclare qu’il sera sursis à statuer sur l’action des demandeurs jusqu’après décision du tribunal compétent.

Janvier — février 1882 [5]. En un mois, Alphonse se rendra quatre fois devant le Juge de paix de Virton pour réclamer le remplacement de son cheval tué accidentellement par François Nicolas Henrion, trafiquant domicilié à Meix-devant-Virton.

Le défendeur Henrion reconnaît avoir tué le cheval, mais affirme lui en avoir proposé un en remplacement comme convenu. Alphonse Saint-Mard l’a refusé, car il « soutient que le cheval lui offert par le défendeur ne valait rien. »

Le tribunal interroge les témoins du défendeur.

Louis Ferot, 25 ans, cultivateur, demeurant à Meix-devant-Virton, dépose : « Le cheval que le défendeur a offert au demandeur en remplacement de celui qui avait été tué par sa faute, a été acheté par lui à mes parents. Ce cheval était bien, fort, mais il avait vingt-quatre ans accomplis. Je ne connais pas le cheval qui a été tué, je ne puis donc dire si celui présenté par Nicolas avait une valeur égale. »

Joseph Gardien, 33 ans, cultivateur demeurant à Meix-devant-Virton, dit : « C’est moi qui a été chargé par le défendeur de conduire au demandeur le cheval qu’il lui offrait en remplacement du sien. Quand je suis arrivé chez Saintmard, celui-ci a dit qu’il était trop tard, cependant il a visité le cheval. Je ne me rappelle pas s’il a dit que l’animal était trop vieux pour remplacer convenablement le sien. Le cheval dont il s’agit était encore fort, mais je sais qu’il était très vieux. »

Joseph Alphonse Saintmard propose ses témoins pour la contre-enquête.

Jean Baptiste Themelin, 54 ans, receveur communal demeurant à Dampicourt, affirme : « Je connaissais fort bien le cheval de Saintmard, qui a été tué par la faute du défendeur. Le cheval avait quinze ans et il était bon. J’ai vu aussi celui que Nicolas a fait présenter pour remplacer cet original. Je le connaissais également, car il provient des écuries du père de Saintmard, et il a au moins vingt-quatre à vingt-cinq ans. Aussi étai — il loin d’avoir la valeur du cheval tué, quoique ayant encore certaine force. À l’époque actuelle ou plutôt à la sortie de l’hiver, le cheval de Saintmard aurait pu valoir deux cent cinquante francs. »

Jean-Nicolas Evrard, 55 ans, trafiquant demeurant à Dampicourt : dépose : « Quelque temps avant que le cheval de Saintmard ait été tué, celui-ci a fait pour moi plusieurs transports de houilles et à cette occasion, j’ai pu remarquer qu’il avait trois bons chevaux, après que celui dont s’agit a été tué, il n’a plus pu continuer à faire mes transports. J’ai dit que les trois chevaux étaient bons, parce qu’il fallait qu’ils le fussent réellement pour exécuter les transports dont je chargeais Saintmard, celui-ci l’éconduisait de la station en deux fois dix mille kilos de houille. »

Jacques Hubert, 55 ans, marchand demeurant à Dampicourt, dit : « Je connaissais très bien le cheval qui a été tué par le défendeur, car Saintmard faisait pour moi des travaux de culture aussi souvent même j’ai conduit ce cheval moi-même. Il avait quinze ans, je n’ai pas vu le cheval offert par Nicolas en remplacement. Depuis que le demandeur a perdu son cheval, il est obligé pour faire mes travaux de culture d’en emprunter un autre. »

Le 11 février 1882, l’enquête se poursuit par l’interrogatoire de témoins favorable au défendeur Henrion.

Jean Baptiste Henrion, 54 ans, cultivateur demeurant à Villers-la-Loue, dépose : « J’étais présent quant à une foire à Neufchâteau qui a eu lieu il y a treize ans, le demandeur a acheté le cheval dont s’agit au procès ; il l’a payé trois cents francs. Il avait à ce moment quatre ans, sans être boiteux, il avait une certaine raideur dans une cuisse, ce qui lui enlevait de sa valeur ; sans cette infirmité il aurait valu plus que le prix que je viens d’indiquer. Le cheval du reste était de grande taille, assez fort, mais mou, et l’espèce d’infirmité que j’ai signalée plus haut ne lui permettait pas de travailler comme un cheval de cette force aurait dû le faire. Je connais également le cheval qui a été offert par Nicolas ; je sais qu’il avait vingt-quatre à vingt-cinq ans, mais il était encore bon, je n’aurais donné environ trente ou quarante francs, si j’avais eu le soin. Le cheval de Saint Mard n’avait même pas autant de valeur selon moi. »

Jules Genin, 23 ans, cultivateur à Dampicourt, dépose : « Je connaissais le cheval qui a été tué ; c’était une forte bête, elle était de grande taille, mais mou, pour le conduire il fallait de la patience […], il pouvait conduire de fortes charges ; je ne puis indiquer son âge, mais je pense qu’il était déjà vieux. Plusieurs fois, j’ai vu passer le cheval offert en échange par le défendeur, il n’était pas d’aussi forte taille que le premier, mais il marchait bien. Je ne connais pas son âge. »

Dans son jugement rendu le 17 février 1882 [6], le tribunal constate que « le défendeur n’a pas rapporté la preuve à laquelle il avait été admis et consistant à établir que le cheval qu’il a fait présenter au demandeur en remplacement de celui qu’il avait tué eut une valeur égale à celle de ce dernier. », qu’il « résulte positivement des enquêtes auxquelles les parties ont fait procéder que le cheval tué, sans être d’une grande valeur, n’était âgé que de quinze ans, était fort et que le demandeur pouvait exécuter avec lui non seulement tous les travaux de culture, mais encore des transports très pondèrent, tandis que l’animal offert pour le remplacer, tous en étant fort encore, avait vingt-quatre ou vingt-cinq ans. »

Le Juge de paix déclare le demandeur bien-fondé en son action et condamne François Nicolas Henrion à payer la somme de 100 francs représentant la valeur du cheval tué, et la somme de 50 à titre d’indemnité.

En compagnie de plusieurs personnes, Julien Saint-Mard fils mineur de Joseph Alphonse et Marie Catherine Stasser agressa Jean Baptiste Noël, un indigent [7] de 58 ans, ne vivant que des aumônes qu’on lui fait. Les violences ont produit une incapacité de travail de plusieurs semaines chez le demandeur.

À l’audience publique du 21 juillet 1894 [8], les défendeurs prétendirent ne pas avoir exercé de violences sur la personne du dit Noël, et ne pas lui avoir déchiré ses vêtements. La culpabilité ayant été établie par un jugement du tribunal de simple police du canton de Virton, en date du 24 février 1894, le Juge de paix rappelle aux parties que dans ses attendus, le tribunal constate « qu’il résulte d’un jugement rendu par le tribunal de simple police de ce siège du vingt-quatre février dernier que Themelin Auguste, Camille Ricaille, Louis Renson et Julien Saint Mard, ainsi que Eugène Berque se sont rendu coupable de violences légères sur la personne du demandeur. » Le criminel l’emportant sur le civil, il n’y a plus lieu à enquête.

Les défendeurs Themelin, Ricaille, Alphonse Saint-Mard et Joseph Berque, ces deux derniers comme civilement responsables de leurs fils mineurs, sont condamnés à payer chacun à Jean-Baptiste Noël la somme de 10 francs à titre de dommages et intérêts.

1er décembre 1894 [9], Jean-Baptiste Genin, cultivateur, domicilié à Dampicourt reproche à Alphonse Saint-Mard, de s’être « permis, au commencement du mois de septembre dernier, de passer avec chevaux et voitures sur toute la longueur d’une pièce de terre emblavée en trèfle, sise au lieu-dit “Haquet ou au-dessus des Aulnes” ban de Dampicourt, détentée par lui demandeur. » Il réclame des dommages et intérêts. Le rapport verbal d’un expert n’établit pas que le défendeur ait causé un dommage quelconque au demandeur. En conséquence, le tribunal déclare l’action de Jean-Baptiste Genin non fondée et le condamne aux dépens.



Notes

[1] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 90, minute no 155, 17 mai 1867.

[2] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Tribunal de simple police du canton de Virton, jugement no 189 du 22 juillet 1876.

[3] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 113, minute no 350.

[4] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 113, minute no 396.

[5] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 114, minute no 21 du 13 janvier 1882, no 46 du 28 janvier 1882, no 61 du 11 février 1882, no 74 du 17 février 1882.

[6] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 113, minute no 74.

[7] « L’indigence proprement dite est un état absolu, où les moyens d’existence de l’individu sont insuffisants, où l’on ne peut assurer la satisfaction des premiers besoins de la vie : la nourriture, le vêtement, le logement. » In CHEVALIER, Émile. De l’assistance dans les campagnes, indigence, prévoyance, assistance. Paris, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau, 1889, page 40.

[8] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 126, minute no 120.

[9] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 126, minute no 214.