Carnets de notes - Chroniques et récits

François (+ 1725) : de Buzenol à Dampicourt

Récits St Mard : du côté de François St Mard (+ 1715) et sa descendance

Informations généalogiques :

François SAINT MARD voit le jour avant 1673 à Buzenol.
Il est le fils de Pierre l’aîné SAINT MARD et de Marie MAILLET.
Le dimanche 27 avril 1692 à Dampicourt, il épouse Anne THIRY.
François SAINT MARD est décédé le jeudi 23 mai 1715 à Dampicourt.

Nous ne connaissons pas l’année de naissance de François Saint Mard. Les registres paroissiaux de cette époque n’ont pas été conservés. Nous estimons qu’il vient au monde avant 1673 à Buzenol, village rural du duché de Luxembourg à la lisère nord de la forêt gaumaise, bâti presque dans une clairière, surplombant un vallon dans lequel ont été élevé des forges. Jusqu’en 1602, le duc de Bar y avait des droits.

Les traités conclus par le royaume de France avec ses ennemis pour mettre fin aux guerres sont imprécis, ce qui permet à la Chambre de réunion de Metz de rattacher à la France la ville, terre et seigneurie de Virton, et le comté de Chiny. En octobre 1682, le roi d’Espagne déclare la guerre à la France. Au printemps 1684, Luxembourg est prise par le maréchal de Créqui. Le duché de Luxembourg est français. La guerre des Réunions est terminée.

Faits et méfaits à Buzenol

Fin janvier 1688 [1], les fermiers du grand vivier et étang d’Étalle organisent une pêche. C’est l’hiver, il fait froid, l’eau est gelée en certains endroits. Plusieurs villageois ont été engagés pour ladite pêche, mais certains larrons en profitent pour se servir. Nicolas Marequis, échevin de la justice de Buzenol, voit Jean Thiry fils de Jean Thiry et François Saint Mard, fils de Pierre Saint Mard, tous les deux de Buzenol, prendre respectivement chacun dix ou douze brochetons.

François Dropsy, fils de Andrÿ Dropsy, Nicolas Poncelet, François Mathieux, et Henry Gérard, fils de Louis Gérard, Jean Hardy, tous de Buzenol, le fils d’Ingelbert Collet de l’Enclos sont aussi accusés d’avoir volé des poissons dans l’étang. Certains de ces poissons furent vendus à Arlon.

François nie, mais le tribunal prévôtal le condamne à une amende.

François est-il impulsif ? Novembre 1689, le quinze à huit heures du matin, Pierre Saint Mard se présente devant Georges Florent du Faing écuyer, Prévôt royal des villes, et prévôté d’Étalle, pour convenir des faits dénoncés par Jean Flamion pâtre qui a été blessé par François. Au nom de son fils, Pierre se soumet tant pour les dommages, et intérêts dudit Flamion qu’à l’amende de voie de fait, et sangs répandus, néanmoins il prie « monsieur le prévôt royal dudit Étalle d’avoir bénin égard, que le pauvre Saint Mard est innocent des voies de faits commis par son fils, qui a été aussi insulté par Flamion. » Le jour précédent l’agression, sans en avoir le droit [2], le plaignant aurait fait paître ses cochons dans la glandée dudit Pierre Saint Mard [3].

Le Prévôt requiert la condamnation de Pierre à une amende de trente livres, à six florins d’or pour le sang, et voies de fait. Il devra en outre payer des dommages-intérêts, les frais de médicaments, et autres frais résultant de la procédure.


Les trois frères Saint Mard : François et Hubert s’installent à Dampicourt ; Jean à Verneuil-Petit.
Fond de carte : OpenStreetMap contributors under ODbL – Umap (https://umap.openstreetmap.fr).

Maire de Dampicourt

François quitte Buzenol. En 1692, le 27 avril, il épouse Anne Thiry à Dampicourt. C’est la première mention du patronyme dans les registres paroissiaux de Montquintin [4]. Dans l’acte de mariage, il est présenté comme venant de la paroisse d’Étalle [5].

Dampicourt est un village bâti dans la vallée du Ton bordant la côte de Moselle Nord ou cuesta bajocienne. Situé sur la rive droite de la rivière à la confluence de la Chevratte sur laquelle a été aménagé un moulin, il est protégé des inondations. La route reliant Virton à Montmédy le traverse.

D’un point de vue topographique, la localité donne l’impression d’être formé de deux quartiers séparés par des jardins, mais deux communautés distinctes qui ne semblent guères s’apprécier cohabitent l’une à côté de l’autre. Une vieille rancœur les oppose. « En 1545 […], un désaccord survient entre les habitants de Dampicourt et ceux de Mathon. La divergence de vues s’envenima et les Mathonais refusèrent de participer à une procession qui devait célébrer l’Empereur. Pour avoir manqué de respect à leur souverain, les villageois de Mathon sont condamnés à une amende de 45 florins et 2 patards. [6]»

Étrange patelin où deux communautés de bourgeois se partagent une chapelle. Leur point de rencontre. Au nord de celle-ci, c’est la seigneurie de Mathon et les Aigremont. Au sud, la seigneurie de Dampicourt.

Église Saint-Georges à Dampicourt de nos jours (2015). La chapelle du 18e siècle était plus petite.
À gauche, la rue du 8 septembre et la mairie (bâtiment avec les deux tourelles). À droite, Mathon.

L’église paroissiale se situe au sommet d’une butte-témoin, à Montquintin, à deux kilomètres au sud-ouest.

Les deux collectivités sont affranchies à la loi de Beaumont et dotées d’une justice. Chaque année, par élections indirectes, elles renouvellent leurs magistrats (maire et échevins).

François s’intègre parfaitement à la vie de la seigneurie de Dampicourt. Élu maire pour l’année 1699, il y exerce la justice, assisté des échevins Pierre Henrion, Nicolas Henry [7].

Le 20 juillet 1694 naît Anne, le premier enfant du couple. Elle a pour parrain Hubert Saint Mard, frère de François, qui épousera en 1697 Anne Brasseur, une fille du village.

Louis XIV, roi de France, restitue le duché le Luxembourg à l’Espagne par le traité de Ryswick. Le 28 janvier 1698, ses troupes l’évacuent [8].

Quelques années à Villers-la-Loue

François déménage dans un village voisin. À quel moment ? Nous ne le savons pas. Les archives ne permettent que d’effleurer sa vie. Ne nous en plaignons pas, la majorité des petites gens n’ont laissé aucune trace.

Villers-la-Loue se situe à deux kilomètres et demi au nord de Dampicourt. Un chemin secondaire traverse le village-rue.

Novembre 1700, le roi d’Espagne Charles II meurt. Il s’est choisi pour héritier Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV. Le gouverneur des Pays-Bas espagnol, Maximilien-Emmanuel de Bavière, le reconnaît. La ville de Luxembourg ouvre ses portes aux troupes françaises qui occupent au nom de Philippe V d’Espagne le duché. En 1701, la guerre de succession d’Espagne commence. [9]

En 1707, François Granjean, un laboureur demeurant à Xivry, assigne François par-devant officier et justice de Villers-la-Loue pour se voir condamner à lui payer la somme de seize patagons pour vente lui faite d’un cheval il y a environ un an [10].

Le 10 mars 1708, sa femme Anne Thiry met au monde à Villers-la-Loue un fils prénommé Henry. Sa tante Françoise Saint Mard qui épousera en 1709 Everard Pierret devient sa marraine.

Si le duché est épargné par la guerre, il en subit les conséquences : la famine en 1709. Le desservant du village écrit dans le cartulaire de l’église : « Partout les grains ayant gelés, le moyen peuple ne se nourrissait que d’herbages, étant épuisés par la durée d’une guerre très sanglante […]. Nous avons eu les années suivantes, des maladies de fièvres et des maladies fréquentes, qui ont régné dans ces contrées et plusieurs sont morts dans cette paroisse.

Il est à remarquer que, pendant le temps de cette famine, les hommes étaient à faire peur. On ne trouvait du pain presque pour de l’argent, et cependant l’argent était rare.

Le menu peuple faisait peur et ressemblait à des morts tirés de la terre. [11]»

En 1710, François achète neuf chevaux, un chariot complet et un araire [12]. Il a acquis les droits de bourgeoisie. Il est pleinement membre de la communauté des habitants. Il est électeur et éligible.

Le 30 mars de la même année, « les féodal et juges assesseurs assumés soussignés à défaut d’autre féodaux dont ladite seigneurie manque, faisant droit » le condamne à six sols d’amende à pareil valeur et restitution et « rempouillement » conformément au règlement des bois de ce lieu pour ne lui avoir été permis d’abattre du bois et forêt dudit lieu sans permission et désignation pareillement nécessaire. [13]»

Entre 1710 et 1712, le couple est de retour à Dampicourt. Il demeure à Mathon où il achète « un aventement, situé au lieu ban et finage de Dampicourt et ban voisin consistant en maison, étale, jardins, terres et prés, arables et sortables. »

Il est revenu dans le même village, mais a changé de communauté.



Notes

[1] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Justices subalternes, Prévôté d’Étalle, Rôles aux causes (1686-1696), Registre no 986, folio non numéroté

Belgique, Archives de l’État à Arlon, Justices subalternes, Prévôté d’Étalle, Procédure (1688-1696), Portefeuille no 964.

[2] Voie de fait, action de s’emparer d’une chose sur laquelle on n’a pas de droit reconnu. Centre national de ressources textuelles et lexicales ; https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/fait//2 (consulté le 23 décembre 2023).

[3] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Justices subalternes, Prévôté d’Étalle, Rôles aux causes (1686-1696), Registre no 990, folio 30 verso à 31 verso.

[4] Ceux-ci étant mieux conservés que ceux d’Étalle (Table BMS depuis 1600 et registres depuis 1612), sans crainte, nous pouvons affirmer qu’il n’y a pas de Saint-Mard avant 1690 à Dampicourt.

[5] « Le 27eme Avril 1692 le St Sacrement
de mariage at este solemnisé en la Chapelle
de Dampicourt entre Francois St Mard,
paroissien d’Estalle d’une part et Anne
Thirÿ paroissienne de Montquintin d’autre
part [..] ne sÿ est trouve aucuns
empeschemens. »
Mariage : Les archives de l’État en Belgique [https://genealogie.arch.be/] ; Luxembourg, Arrondissements Arlon et Neufchâteau ; Montquintin (Rouvroy), paroisse Saint Quentin ; Registres paroissiaux, 0846_000_00424_***, 1612-1698, 158 vues, vue 133 gauche (no 1427)

[6] JOANNES, Bernard. Et si Dampicourt et Mathon m’étaient contés… Les Éditions de la Joyeuserie, 2005, page 141.

[7] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Justice subalterne, Virton – Magistrat, Œuvres de Loi, Cote no 2717 folio 30 recto, acte du 2 avril 1699.

[8] BERTHOLET, Jean. Histoire ecclésiastique et civile du duché de Luxembourg et comté, de Chiny, quatrième partie, tome huit. Luxembourg, Chez André Chevalier, 1743, p.86.

[9] WEBER, Paul. Histoire du Grand-duché de Luxembourg. Bruxelles, Office de Publicité, 1961, p.56

[10] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Justices subalternes, Villers-la-Loue, Rôles aux causes, Registre no 2585 (deux sens de lecture), folio 23 verso.

[11] ROGER, Paul. Notices historiques sur Virton. 1932, pp.61-62 (Tandel. Communes Luxembourgeoises, tome III, p.409).

[12] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, DUPONT Jean (1710-1769), carton II, minutes no 104 et 106.

[13] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Justices subalternes, Villers-la-Loue, Rôles aux causes, Registre no 2585 (deux sens de lecture), folio 30 verso.