Carnets de notes - Chroniques et récits

Jean-Baptiste, le célibataire (1800-1890)

Récits St Mard : du côté de Jean St Mard (+1725) et sa descendance.

Informations généalogiques :

Jean Baptiste SAINT MARD voit le jour le dimanche 14 septembre 1800 à Dampicourt.
Il est le fils de Jean Baptiste SAINT MARD, laboureur, âgé de 32 ans et d’Anne Marie SIMON, âgée de 33 ans.
Jean B. SAINT MARD est décédé le jeudi 17 avril 1890, à l’âge de 89 ans, à Dampicourt.

Jean-Baptiste Saint Mard, le second fils de Jean-Baptiste Saint Mard et Anne Marie Simon sera cultivateur comme ses parents et ne se mariera pas. Après le retour d’exil en 1830-31, il remplace son père dans la gestion de l’exploitation de Dampicourt. Mais nous ne pouvons pas le considérer comme un enfant sacrifié, car il aurait pu fonder une famille sans pour autant abandonner sa mère. À la fin de sa vie, son neveu et sa nièce, époux consanguins, vivront dans sa maison. Ils seront les parents de cinq enfants tout en assurant à leur oncle le confort et la sécurité jusqu’au jour de sa mort.

Dernier domicile connu. La tombe de Jean-Baptiste Saint Mard et sa mère Anne Marie Simon.
Église Saint-Georges.

Cette situation aura pour conséquence qu’il tardera à acquérir son propre domaine agricole. En 1844, il est propriétaire d’un peu moins de quatre hectares de terre et prairie.

En septembre 1846, Anne Marie Simon donne la nue-propriété de sa ferme à ses fils. Jean Baptiste par rachat ou échange devient l’unique propriétaire. Deux opinions peuvent s’opposer ou se compléter. Premièrement, Anne Marie Simon s’organise pour remercier son fils de l’aide qu’il lui apporte. Deuxièmement, chacun de ses fils possède une maison. En toute logique, elle s’assure de son logement.

En avril 1847, Anne Marie Simon s’éteint. Ses biens sont partagés en quatre lots d’une valeur de cinq mil francs. Jean-Baptiste fils hérite de trois hectares cinquante-six ares. Début 1850, son exploitation a une superficie légèrement inférieure à sept hectares et demi, dont seulement quatre-vingt-neuf ares en prairie. Ce n’est pas énorme, mais n’oublions pas que la majorité des paysans de la vallée exploitent en propre moins de cinq hectares de terre. À cette époque, une famille à la tête d’une ferme de six à huit hectares vivait aisément. Jean-Baptiste est célibataire.

Comme beaucoup de villageois, Jean-Baptiste a de temps en temps quelques problèmes avec ses animaux. Le 16 septembre 1859, le garde champêtre de la commune de Dampicourt trouva neuf chevaux à l’abandon qui pâturent dans une luzerne [1] appartenant au Baron de Bonhomme. Le 10 novembre, Jean-Baptiste Saint-Mard, Jean-Baptiste Thenevin et Claude Hardy, propriétaires desdits chevaux, furent condamnés chacun à une amende de trois francs égale en valeur de trois journées de travail [2].

De 1873 à 1876, Jean-Baptiste a quelques soucis avec sa voisine Marie Catherine Dropsy veuve de Jean Joseph Herbain. Ils habitent le quartier de Mathon face aux Aigremonts. Le « château » d’Aigremont-la-Neuve est la demeure du Baron Félix d’Huart et son épouse, la fille du Baron de Bonhomme [3]. Quatre maisons constituent le bloc. La porte d’entrée de Madame Dropsy porte le millésime de 1789, c’est une charmante maison bi cellulaire.

Mars 1873 [4], première manche.

Marie Catherine Dropsy contre Jean-Baptiste Saint-Mard.

Elle le fit « inviter à comparaître devant ce tribunal à l’audience du quatorze mars courant, pour la voir maintenir dans sa paisible possession annale de la haie séparative de leurs jardins respectifs sis à Dampicourt, possession dans laquelle il l’a troublée en se permettant il y a moins d’un an 1° d’élaguer une partie de la haie dont s’agit, 2° d’enlever la terre et déblayer au pied de cette même haie, ce qui lui cause un préjudice notable ; s’entendre faire défense et l’y troubler à l’avenir ; se voir condamner à rétablir les lieux dans leur premier état, dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement à intervenir, à peine de cent francs de dommages-intérêts pour chaque jour de retard ; voir dire que faute de ce faire, la demanderesse sera autorisée à procéder elle-même aux frais du défendeur, lesquels sont évalués à cinquante francs se voir en double condamner à cinquante francs de dommages-intérêts et aux dépens. »

Jean-Baptiste reconnaît que la haie appartient à sa voisine, affirme avoir arrêté de l’élaguer lorsque celle-ci le lui en a défendu et nie avoir retiré de la terre.

Lors de la visite du jardin, le juge de paix constate les dégâts minimes causés à la haie. Une ligne de terre rejetée certains endroits en effaceraient complètement la trace. Jugeant en premier ressort, il maintient « la demanderesse en sa possession exclusive de la haie plantée à l’extrême limite de sa propriété fait défendre au défendeur de l’y troubler à l’avenir et pour l’avoir fait ce en taillant une certaine partie et en en découvrant trop le pied à certains endroits ; le condamne à remettre de la terre aux places trop dégarnies. »

Mars 1876 [5], deuxième manche.

Jean Baptiste Saintmard contre Marie Catherine Dropsy veuve Herbain.

Il « fit inviter la défenderesse à comparaître devant ce tribunal pour se voir condamner à combler un trou ou ouverture inutile à pratiquée dans son jardin le long et joignant le mur de la grange du demandeur et dont les eaux s’infiltrent dans ce mur et le bâtiment du demandeur ce qui lui cause un grave préjudice ; se voir condamné à remettre les eaux dans leur état primitif, dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement à intervenir ; à quinze francs de dommages-intérêts et à faire arracher deux arbres fruitiers longeant sa propriété et qui ne se trouvent pas à la distance voulue et aux dépens. »

Marie Catherine Dropsy « veut bien reboucher le trou qu’elle a fait et couper les arbres croissant dans la haie mitoyenne joignant la propriété du demandeur ». Elle reconnaît « également que les deux arbres fruitiers dont il s’agit dans l’invitation ne sont pas plantés à la distance voulue par la loi. »

Le tribunal la condamne à faire disparaître convenablement l’excavation qu’elle a pratiquée contre le mur du demandeur et à abattre les deux arbres fruitiers plantés à une distance insuffisante du jardin du demandeur. »

Juillet 1877 [6], troisième manche.

Jean Baptiste Saintmard contre Catherine Dropsy.

Jean Baptiste Saintmard « fit inviter la défenderesse à comparaître devant ce tribunal à l’audience du treize juillet dernier, pour se voir condamner à lui payer la somme de cinq cents francs à titre de dommages-intérêts pour s’être permis de dire publiquement et en présence de témoins que le demandeur était d’une race d’assassin, et autres propos injurient, et aux dépens. »

Catherine Dropsy reconnaît avoir tenu dans un moment d’emportement les paroles insultantes. Elle le regrette. Elle est condamnée à payer au demandeur la somme de 50 francs à titre de dommages et intérêts.

Le 5 janvier 1878 [7], Jean-Baptiste se sépare de la nue-propriété de sa maison et ses dépendances, au profit de Jean-Baptiste et Marie-Joseph Saint-Mard, ses neveu et nièce, époux consanguins. La propriété est composée d’un corps de logis ayant deux places basses et deux places hautes, cave et grenier, une écurie, une grange et une remise, et un jardin d’une contenance approximative de 15 ares. Le prix de la vente est 3.000 francs pour la maison et 500 francs pour le mobilier se trouvant dans celle-ci. Les acquéreurs devront payer ladite somme aux héritiers de Jean-Baptiste un an après la mort de ce dernier sans aucun intérêt jusqu’au terme. Ils peuvent user et disposer de l’immeuble à compter de la vente comme bon leur semblera, mais n’en jouiront qu’à compter du décès du vendeur.

Tout comme Jean-Baptiste fils avait exploité avec sa mère le domaine familial, le couple Jean-Baptiste et Marie-Joseph Saint-Mard exploite probablement les terres de leur oncle Jean-Baptiste âgé de 78 ans, en attendant de constituer leur propre exploitation. À cette époque, le domaine a atteint sa taille maximale de dix hectares 75 ares.

Pour la seconde fois, Jean-Baptiste est condamné à une amende d’un franc pour vagabondage d’animaux. Le 21 octobre 1889, le garde champêtre Noël trouve deux chevaux de Jean-Baptiste abandonnés dans un champ ensemencé en trèfle qui appartient à la veuve Georges-Simonet [8]. Jean-Baptiste, âgé de 88 ans, reconnaît les faits [9].

Âgé de 89 ans, Jean-Baptiste s’éteint le jeudi 17 avril 1890. Excepté la nue-propriété de sa maison, il a conservé la quasi-totalité de son patrimoine jusqu’au dernier jour de sa vie. La succession doit être partagée entre ses neveux et nièces. Une solution plus simple est mise en œuvre. Une vente publique réalise les biens immobiliers. Au cours de celle-ci, ses héritiers achètent presque soixante-deux pour cent des terres et prés.



Notes

[1] Luzerne située à lieu-dit La Ronde Table.

[2] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Tribunal de simple police du canton de Virton, jugement no 225 du 10 novembre 1859.

[3] JOANNES, Bernard ; Et si Dampicourt et Mathon m’étaient contés… Les Éditions de la Joyeuserie, 2005, pages 43-44.

[4] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 102, minute no 126, 29 mars 1873.

[5] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 108, minute no 103, 31 mars 1876.

[6] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 109, minute no 275, 20 juillet 1877.

[7] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, FONTAINE Édouard (1872-1900), minute no 1290.

[8] Marguerite Virginie SIMONET épouse de Jean Joseph GEORGES. Marguerite V. SIMONET est décédée le mercredi 14 mars 1894.

[9] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Tribunal de simple police du canton de Virton, jugement no 319 du 9 novembre 1889.