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Les fermes de Stockfontaine

Dans le bois de Guéville, à la limite des anciennes communes de Saint-Mard et Ruette, à proximité du chemin reliant Saint-Mard à Longuyon, à deux kilomètres de toutes habitations, deux fermes isolées existaient au dix-neuvième siècle. Dans les actes notariaux et les déclarations de successions, les exploitants de celle-ci sont systématiquement annoncés « cultivateur à Stockfontaine ». Néanmoins, les cartes topographiques actuelles et antérieures les situent à mi-distance entre les lieux dits « Laid Bois » territoire de Saint-Mard et Stockfontaine territoire de Ruette, pas loin du carrefour de la « Croix Valentin ».

Carte de Cassini (17e siècle).
Entouré en rouge = Stockfontaine.

Le Bois de Guéville occupe la crête de la cuesta bajocienne entre Ruette et Torgny et le replat du Pays Haut lorrain français. La forêt, vaste et giboyeuse, est constituée de hêtres, chênes, charmes, coudriers, et divers bois blancs. D’un point de vue géologique, les lieux dits Bois Laid et Stockfontaine sont situés dans la formation de Longwy avec un sol calcaire sableux orangé. Au Laid Bois, les parcelles de la ferme de Joseph Noël (1830-1891) sont de seconde classe. Le sol y est moins profond et plus granuleux que dans les bois de première catégorie. Le peuplement y est plus faible, les arbres y sont moins élevés et leur croissance plus lente. Défricher ce bois était visiblement une mauvaise idée, beaucoup d’effort pour obtenir des terres labourables de médiocre rendement.

L’exploitation agricole historique ou « ferme du baron de Landre »

L’époque de construction de la première ferme de Stokfontaine est antérieure à la guerre de Trente Ans. En 1636, les Croates venus renforcer l’armée de Ferdinand II mettent le Luxembourg roman à sang et à feu, mais « « ladite cense de Stockfontaine a été ryuné dix ans avant les guerres, et reste encore au mesme estat » en 1656.

De 1771 à 1778, l’ingénieur Ferraris dresse la carte des Pays-Bas et dessine deux bâtiments près du lieu-dit Stockfontaine.

Stocfontaine - carte 18e siècle.
Carte du Cabinet des Pays-Bas autrichiens levée en 1771-1778.

En 1766, l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche avait promulgué un règlement visant la constitution d’un « cadastre » (dénombrement des ressources) pour répartir de manière plus équitable l’impôt. Les Comtes de Briey, Seigneur de Ruette-la-Grande, dont l’aîné est au service de France et les trois cadets à celui de Sa Majesté l’Impératrice d’Autriche et Reine Douairière apostolique de Hongrie et de Bohème, sont propriétaires de 325 hectares 50 aresde terres labourables, jardins, vergers, prairies, enclos et bois à Ruette-la-Grande, Ruette-la-Petite et Grandcourt, d’un château, un moulin, un four et une maison de ferme avec grange, écurie et une petite cour occupée par le fermier de Stockfontaine.

Le dernier affermataire de la métairie de Stockfontaine est Nicolas Joseph Jonette. Il est connu notamment par le demande d’indemnisation introduite en vain en 1795 par « Fortuné-Marie de Briey, résidant à Ruette-la-Grande, tant pour lui que pour autant que de besoins, comme fondé de plein pouvoir de son frère François Auguste de Briey Colonel d’infanterie au service d’Autriche et comme curateur aux enfants mineurs de feu son frère Louis-Gérand de Briey de Laclaireau expose qu’il lui appartient par indivis pour un tiers, contre son frère et ses neveux ci-dessus, la ferme ou métairie de Stockfontaine à l’extrémité du Ban dudit Ruette contre le Ban de Lamalmaison, France. » [1]

Le 5 avril 1794, « la maison, grange et écuries et les bâtiments quelconques de la ferme de Stockfontaine, […] ont été brûlés et incendiés à coup de canon par les troupes de la République française cantonnées pour lors audit Lamalmaison et dans les environs […] que depuis lors le fermier a dû se retirer ici (Ruette-la-Grande) faute de logement, qu’éloigné d’environ une demi-lieue des terres de cette ferme, et ayant une longue montagne pour s’y rendre, il ne peut, sans des dépenses et des peines considérables y voiturer les fumiers pour continuer l’exploitation de ces mêmes terres, et qu’enfin nous n’avons jamais ouï dire que ledit fermier ait donné lieu à l’accident de cet incendie par sa conduite que nous avons toujours reconnu prudente et modérée, mais bien par des raisons toutes différentes et qui lui sont étrangères comme aux autres individus de cette juridiction. » [2]

Dans son procès-verbal du 26 fructidor an III, le 4e bureau de la Commission des secours publics refuse l’octroi d’une indemnisation considérant « qu’au mois d’avril 1794 v. s. Époque à laquelle le pétitionnaire fait remonter l’incendie de la ferme, le pays de Luxembourg n’était pas soumis à la république que les troupes françaises n’avaient pas encore pénétrée à Ruette, pour que le pétitionnaire n’a aucune indemnité à prétendre contre la République.

Considérant que le pétitionnaire s’il était infortuné n’aurait que la voie de réclamer des secours, enfin que sa fortune lui ferme cette voie. »

L’avis de l’inspecteur particulier des bois et forêts, monsieur Partenlier, est nettement moins nuancé. « L’inspecteur des Bois et Forêts, considérant qu’au mois d’avril 1794 (V.S.) époque à laquelle le pétitionnaire fait remonter l’incendie de sa ferme, le Pays de Luxembourg n’était pas soumis à la République, que cet accident est très ordinaire sur un territoire ennemi, que les Troupes de la République l’ont quitté depuis et n’y sont revenues qu’après avoir chassé les hordes de leur tyran, considérant que le pétitionnaire ne se serait pas adressé à la République, si la victoire et la raison n’eussent fait triompher la cause de la Liberté, considérant enfin que le pétitionnaire appartient à une caste qui n’est plus reconnue sur le sol de la république, qu’il est riche et en état de réparer sa ferme, et enfin qu’il n’a lieu de s’en rapporte à lui pour cette réparation, sans y concourir en rien. Le 10 fructidor 3e année républicaine. »

Nicolas Joseph Jonette ne semble pas avoir été indemnisé. En 1801, il en est toujours le locataire, mais ne renouvelle pas le bail et s’installe à Tellancourt, gros village à moins de sept kilomètres sur la route de Longuyon à Longwy (Meurthe-et-Moselle).

En 1802 [3], la famille Chenet en devient propriétaire et restaure les bâtiments. Le plan cadastral de 1807 et la carte topographique de 1880 situent de manière incontestable la première exploitation de Stockfontaine. En 1822, Noël Chenet cultivateur-propriétaire est à la tête d’un domaine de 19 hectares 87 ares 72 centiares dont 94 % de la superficie est composée de terre labourable. La ferme consiste en deux maisons contiguës avec grange, écuries, chambre à faire, un jardin, un verger et une chènevière [4].


Carte topographique de 1830.
La parcelle de terres défichées entre La Cambuse et Stockfontaine est le Laid Bois.
(c) Le patrimoine cartographique de Wallonie.

Plan cadastral — Ruette.
1807.

En 1830, les quatre enfants de feu Noël Chenet se partagent la demi-nue-propriété des biens immeubles. Leur mère conjointe survivante en reçoit l’usufruit viager conformément à la coutume de Luxembourg, « régulatrice de leur association conjugale ». Marie-Odile Arquin veuve Chenet décède le 12 janvier 1840. Le domaine de Stockfontaine a une superficie de 24 hectares 69 ares 2 centiares (95 % de terre labourable). La défunte possédait en sus une pièce de prairie sise dans la commune de Bleid, d’une contenance de 1 hectare 30 ares.

Dès 1844, les deux maisons seront occupées par le ménage de Jean-Pierre Chenet et pour l’autre par celui de Jacques Chenet. Jacques est le plus nanti, il a fort probablement racheté la part héritée par sa sœur. Il détient 18 hectares 11 ares 52 centiares, dont une habitation avec place cadastrée au no 785. Jean-Pierre qui vit dans celle cadastrée au no 786 d’une plus petite contenance, est propriétaire de 6 hectares 58 ares 42 centiares.

En 1847, Jacques Chenet cède son domicile à Pierre Ridelle. En 1851, Pierre Ridelle est remplacé par Dieudonné Jonette et Marie Odile Chenet qui avait vendu à son frère Jean-Pierre sa part d’héritage. Leur fils Noël Jonette sera fermier de Stockfontaine de 1851 à 1859. Vers 1870, les deux maisons sont habitées par les enfants de Jean-Pierre Chenet, décédé en 1867.

L’acte d’acquisition du 19 septembre 1878 portant sur vingt-six hectares de bois mis à blanc à lieu-dit « Laid Bois », commune de Saint-Mard, mentionne explicitement la ferme de Stockfontaine comme voisine de cette parcelle. Trois années après, la déconfiture financière de Joseph Noël, acquéreur du bois mis à blanc, provoque la vente publique forcée de tous ses biens. La propriété de vingt-six hectares, sise à lieux dits « Laid Bois » ou « Stockfontaine » et la bâtisse y construite tiennent du midi aux terres de Félix Chenet, propriétaire de l’ancienne ferme de Stockfontaine. De manière incontestable, le procès-verbal du 15 mai 1882 et ses annexes prouvent l’existence de deux domaines à Stockfontaine, l’un situé sur le territoire de Ruette et l’autre, plus récente, sur le territoire de Saint-Mard.

La suite de l’histoire est plus complexe, les sources manquent de fiabilité. Les auteurs s’emmêlent les pinceaux, ils confondent l’ancienne ferme et celle de Joseph Noël.

La nouvelle exploitation agricole ou ferme du Laid Bois

Avant 1878, il n’existait qu’une seule ferme. Mais le 19 septembre 1878, Joseph Noël époux de Marie-Jeanne Cresson achètent de gré à gré une propriété de vingt-six hectares et trente centiares de bois mis à blanc étoc à lieu-dit « Laid Bois », commune de Saint-Mard. La parcelle est située entre le bois de Saint-Mard au nord, la commune de Ruette à l’est et au sud. Elle jouxte l’ancestrale métairie de Stockfontaine, propriété de la famille Chenet.

Joseph Noël, son épouse et leurs enfants respectifs vont valoriser le domaine. Ils seront dans un premier temps domiciliés à Ruette. Peut-être loge-t-il chez leur voisin ? N’oublions pas que l’ancienne ferme comprend deux maisons. Ils construiront une maison de ferme décrite comme suit : un bâtiment de pierre et couvert en ardoise, occupant une superficie de 3 ares et comprenant un corps de logis, un fournil, une grange, des vastes écuries, des greniers, un fenil et une bergerie.

La bâtisse a été construite au centre du domaine, mais la carte topographique (20e siècle) reprise ci-dessous ne permet pas d’évaluer le travail de valorisation du couple Noël-Cresson. La situation représentée est celle des propriétaires Mortehan (1882-1919) ou Carlier (1919). La partie agricole se limite à une prairie (coupe-feu) longeant un chemin d’accès et une parcelle labourée. La forêt occupe la quasi-totalité de la propriété. La ferme historique n’existe plus.

Néanmoins, une inscription hypothécaire du 8 août 1879 nous dévoile l’étendue de l’exploitation agricole. Environ vingt hectares nouvellement défrichés ont été convertis en terre labourable.

Stockfontaine - carte topographique 20e siècle.
(c) Le patrimoine cartographique de Wallonie.

Pour des raisons qui nous sont inconnues, Joseph Noël subit des déboires financiers. Il est défaillant. La rentabilité du domaine est certainement insuffisante. Acquisition trop onéreuse, souches et racines non décomposées entravant les labours, terre de médiocre qualité ?

Le couple Noël-Cresson doit 1.086 francs à Henri Nicolas Weyland, banquier à Virton, pour achat de bestiaux en vente publique (1879). La propriété estimée à 26.000 francs est mise en vente, mais ne trouve pas acquéreur. Les curateurs de la faillite Weyland, chargés de recouvrer les sommes dues par Joseph Noël, devront demander l’autorisation au Président du tribunal de première instance d’Arlon pour annoncer la vente forcée du 15 mai 1882 dans l’Écho et la Voix du Luxembourg.

Le domaine est adjugé pour une somme de 19.500 francs à monsieur Edmond Mortehan, avoué licencié, demeurant à Arlon, agissant comme porte-fort de madame Lucie Lambinet veuve de Monsieur Aloÿs Hollenfeltz, rentière à Virton. « La “convention de porte fort” est une disposition au terme de laquelle une personne [monsieur Mortehan] s’engage envers une autre à rapporter le consentement d’un tiers [madame Lambinet] à la constitution d’un droit déterminé [acquisition de la propriété]. [5] » Par cette convention, monsieur Mortehan est tenu de satisfaire à l’engagement principal (la vente) si le tiers ne ratifie pas ladite vente. Madame Lucie Lambinet ne l’ayant point fait, monsieur Edmond Mortehan est devenu le nouveau propriétaire de la ferme et des terres. Il ne semble pas du tout intéressé par le développement d’une activité agricole et dans la suite, il fait procéder à la plantation de pins sylvestres et de bouleaux.

Le 4 août 1914, la Première Guerre mondiale est déclenchée. Les journées des 22, 23, et 24 août sont terribles pour les Gaumais. Batailles de frontières, crimes de guerre, massacre de civils. Deux ans plus tard, monsieur de Mortehan décide de se séparer de son bien. Le contexte ne lui facilite pas la tâche.

La mise en vente du domaine trouve-t-elle son origine dans une éventuelle contestation de propriété ou la non-ratification de la cession de 1882 par madame Lambinet ? Nous ne le saurons jamais. Cependant, monsieur Mortehan ou Maître Muller, Notaire à Arlon, estiment nécessaire de préciser dans le compromis de vente du 10 avril 1917 que « la plénitude et l’irrévocabilité du droit de propriété qu’a Monsieur Mortehan sur les immeubles sus dits résultent au surplus d’une prescription plus que trentenaire, réunissant toutes les conditions prescrites par la loi pour la prescription acquisitive. » Monsieur Charles Constant dit Constant Carlier, receveur de l’Enregistrement à Arlon, né à Ramel (Liège), le trente octobre mil huit cent septante-deux, se propose d’acheter « une propriété d’une contenance d’environ vingt-sept hectares consistant en maison de ferme, cour, jardin, verger, terres, chemin et principalement en sapinière, le tout d’un ensemble situé à lieu-dit Stockfontaine, et Laid Bois. »

Le contexte de la guerre impose les deux conditions.

Premièrement, la vente est faite sous la condition suspensive suivante. « L’acquéreur n’aura la propriété et la jouissance des biens vendus que trois mois après la conclusion de la paix, jusque-là, ils restent aux risques du vendeur. En conséquence si tout ou partie des bois venait à être réquisitionné par une autorité quelconque comme aussi en cas de destruction totale ou partielle par fait de guerre, l’acquéreur aura le choix pendant les trois mois qui suivront le traité de paix de considérer la vente comme non avenue ou de l’exécuter moyennant payement intégral des prix et des intérêts. » Néanmoins, pour pouvoir « annuler » la vente, les dégâts ou réquisitions devront s’élever au moins au dixième de la valeur totale des bois croissants. De droit, la cession n’existe pas tant que la condition suspensive n’est pas remplie, à savoir l’absence de perte de valeur de plus d’un dixième. Nonobstant le compromis, monsieur Mortehan reste le propriétaire.

Deuxièmement, le prix de la vente, cinquante mille francs, sera payable en monnaies ou billets belges moitié dans les deux mois et moitié dans les deux ans après la conclusion de la paix. La première condition, paiement en francs belges est susceptible de retarder le premier paiement et celui-ci « sera prorogé jusqu’à l’expiration des deux mois qui suivront éventuellement la loi ou l’arrêté décrétant que la monnaie étrangère n’a plus cours légal en Belgique. »

L’article 7 des conditions et charges de vente autorise l’acquéreur à élire command pour tout ou partie des biens vendus. Il pourra désigner une tierce personne qui prendra l’acquisition de bien pour son compte, mais au terme de ce même article, monsieur Constant Carlier restera solidairement obligé avec ses commands.

La guerre finie, Constant Carlier acquière définitivement le domaine et fait jouer la faculté d’élire command par-devant Maître Albert Muller, notaire à Arlon, le 17 avril 1919. La propriété est démembrée en deux. Le plus grand lot revient à monsieur Carlier, il a une superficie de 20 hectares 44 ares pour un prix de 34.751 francs 60 centimes. Celui de monsieur Nicolas Dominique Tines Meyer demeurant à Viville, Bonnert, y né le seize janvier mil huit cent quatre-vingt-sept, a une contenance de 5 hectares 96 ares 30 centiares pour un prix de 15.248 francs 40 centimes. La portion de propriété acquise par monsieur Tines sera grevée d’un droit de passage (un chemin aboutissant à la cour de la ferme). Le domaine n’a pas souffert de la fin de la guerre, la somme des prix payés par les acquéreurs est identique au prix convenu en 1917 (50.000 francs).

Le 3 juin 1920, Madame Emma Hollenfeltz veuve Mortehan et ses enfants [6] dispensent formellement Monsieur le Conservateur des hypothèques à Arlon de prendre inscription d’office à charge de messieurs Carlier et Tines.

Tout comme monsieur Mortehan, monsieur Constant Carlier n’est pas intéressé par une activité agricole. La ferme est occupée par Joseph Béguin, couvreur en ardoise né à Saint-Vincent. Le 15 octobre 1923, monsieur Carlier vend à ce dernier et à son père monsieur Charles Béguin, cultivateur né à Gesves, la partie agricole. À savoir, une maison avec cour d’une superficie de 27 ares 20 centiares, un jardin de 31 ares 40 centiares et une terre de 59 ares 40 centiares sis à lieu-dit Laid Bois ou Lez Bois, pour le prix de 7.500 francs payé comptant par les acquéreurs.

L’acte est passé par-devant Maître Lambinet-Jeanty, notaire à Virton. En avril 1917, le plan de la propriété avait été levé par monsieur Gillet géomètre demeurant à Saint-Mard en vue de la divisée en deux (Carlier/Tine). Monsieur Grevisse, géomètre du cadastre demeurant à Saint-Mard établi un nouveau plan pour diviser en deux lots la propriété Carlier.

Au terme de la vente, les haies vives clôturant la partie vendue deviennent propriété de messiers Béguin. Ces derniers se réservent accès à leur propriété, « vers le Nord par le chemin A B partant de la cour de la maison de ferme et aboutissant au chemin de Saint-Mard et de Chenois ; vers le Sud par le chemin A B formant coupe-feu C II, étant toutefois entendu que l’assiette de ce chemin pourra être modifiée par le vendeur de manière, toutefois à conserver un accès commode à la fontaine qui se trouve à l’extrémité II de ce chemin. […] Au surplus l’accès à la propriété de l’acquéreur aura lieu également par le chemin C J et J K, aboutissant au bois de la commune de Saint-Mard. »

La description des chemins de passage concorde parfaitement avec la carte topographique reprise ci-dessus.

L’exploitation des arbres de monsieur Carlier pouvant provoquer des dommages sur les terres acquises par les Béguin, une indemnité de cinq francs par are endommagé est fixée.

La ferme prise en photographie ci-dessus est la nouvelle ferme. Elle est de type tri cellulaire et comprend de gauche à droite, un corps de logis, une écurie (étable) et une grange (grande porte). La toiture n’est pas faite de tuile, mais d’ardoise. Le bâtiment correspond à la description de la ferme de Joseph Noël lors de la vente de 1882. En revanche, la description de la ferme Chenet mentionne deux maisons comme corps de logis, ce qui n’est pas le cas ici.

René Lenoir, dans ses notes, identifie les personnages comme étant de gauche à droite : Octave Béguin, Edmond Béguin, Célestin Martin époux d’Octavie Béguin, et Joseph Béguin, les pieds dans la neige. Il est intéressant de se souvenir de l’acte de vente de 1923 qui précise que la demeure était déjà occupée avant la vente par Joseph Béguin, coacquéreur.

Le corps de ferme brûle en 1942. Mais d’après des témoignages recueillis par P. Dumont, le corps de logis existait encore en 1945. De nos jours, les bâtiments ont été arasés. La forêt a repris ses droits.

Conclusions : Deux fermes

La principale difficulté de cet article consiste à différencier les deux fermes et les événements s’y rapportant. Laquelle, des deux fermes, a brûlé durant la guerre 1914-18 ?

Fond de carte : OpenStreetMap contributors under ODbL – Umap (https://umap.openstreetmap.fr).

L’histoire des deux fermes devient de plus en plus facile à comprendre. La ferme historique de Stockfontaine située sur la commune de Ruette est fort ancienne. Elle figure à la tabelle no 1 (déclaration de propriétés) du cadastre de 1766 de la Seigneurie de Ruette-la-Grande. Nous en retrouvons la description dans les déclarations de succession de Noël Jonette en 1830 et de sa veuve Marie-Odile Arquin en 1840.

La seconde ferme de Stockfontaine est construite après 1878 au lieu-dit Laid Bois ou Stockfontaine, commune de Saint-Mard. La succession d’acte de vente entre 1878 et 1923 permet de retracer avec certitude l’histoire de cette propriété. Chaque acte de vente fait référence au précédent propriétaire et mentionne des éléments de localisation :

L’existence de deux fermes est corroborée par les cartes topographiques de 1880 et du 20e siècle qui localise les bâtiments des fermes dans deux parcelles distinctes. La confirmation provient aussi des actes de la vente forcée de 1882 grâce à cette phrase : « Une propriété formant un corps de ferme sise à lieu-dit “Laid Bois” et encore “Stockfontaine”, territoire de Saint-Mard, d’une contenance de 26 hectares 36 ares 70 centiares, tenant du midi aux terres de Félix Chenet, des trois autres côtés à la commune de Saint-Mard. »

Le cadastre permet définitivement d’entériner l’existence des deux fermes. Tant en 1822 qu’en 1844, l’ancienne ferme est rattachée au cadastre de la commune de Ruette. La maison d’habitation est numérotée 751 en 1822. La déclaration de succession de 1830 précisait que la ferme était constituée de « deux maisons contiguës », ce qui nous confirme le cadastre de 1844 où la partie de Jacques Chenet porte le numéro 785 (maison et place) et celle de son frère Jean-Pierre Chenet 786 (maison), le tout à la section A.

La nouvelle ferme à lieu-dit « Laid Bois » ou « Stockfontaine » portent le no 2138 de la section A dans cadastre de la commune de Saint-Mard.

De manière indiscutable, nous avons deux propriétés voisines, l’une sur le territoire de Ruette et l’autre sur celui de Saint-Mard, la limite entre les communes coïncidant avec celle des deux propriétés.

La dernière question à laquelle nous pouvons répondre concerne l’incendie durant la guerre 1914-1918. Lors de la vente de la nouvelle ferme en 1917, le prix de vente est de 50.000 francs. En 1919, lorsque Constant Carlier fait jouer la faculté d’élire command, il achète un peu plus de 20 hectares 44 ares pour 34.751,60 francs et monsieur Tines un peu plus de 5 hectares 90 ares pour 15.248,40 francs. Le prix total est de 50.000 francs. En conséquence, la propriété n’a pas perdu de sa valeur.

L’ancienne de Stockfontaine disparaît des cartes topographiques du 20e siècle. Il est plus que certain qu’elle a brûlé durant la Première Guerre mondiale et a été détruite après.

Dans l’état actuel de ma recherche, le doute n’est plus permis ! Il y a deux fermes, il y a deux histoires ! Des vérifications aux dépôts des Archives de l’état à Arlon permettraient de répondre aux questions ouvertes (consultation des registres de la Conservation des hypothèques, des registres de population).

Bibliographie

Archives consultées

Archives de l’état à Arlon (Belgique)

Conservation des Hypothèques d’Arlon

Cartographie

Le site « Le patrimoine cartographique de Wallonie » n’existe plus. Les cartes topographiques anciennes, dont celles du dépôt de la guerre (1865 - 1880), peuvent être consultées sur les sites Cartesius et WalOnMap (Géoportail de la Wallonie).



[1] Demande d’indemnisation introduite aux Domaines nationaux.

« Avis de l’Inspecteur des Domaines nationaux.
Luxembourg 20 Messidor an 3./.
L’inspecteur des domaines du Luxembourg considérant que la demande du pétitionnaire n’est point du ressort des employés des Domaines estime que le pétitionnaire doit se retirer près de la Commission des secours publics pour obtenir ceux d’il a besoin.
À Luxembourg ce 20 Messidor 3e année (républicaine). »

[2] Attestation des haut Maïeur et Échevins de la Seigneurie de Ruette-la-Grande du 3 juillet 1795.

[3] 10 octobre 1802.

[4] Déclaration de la succession de Noël Chenet, décédé le 27 septembre 1830 à la ferme de Stockfontaine.

[5] Serge Braudo, Conseiller honoraire à la Cour d’appel de Versailles et Alexis Baumann, avocat au Barreau de Paris, Dictionnaire du droit privé, in www.dictionnaire-juridique.com, 1996-2007.

[6] 1) Madame Emma Adélaïde Hollenfeltz rentière demeurant à Arlon, veuve de Monsieur Edmond Louis Mortehan.

2) Ses enfants : a) Monsieur André Mortehan, avocat avoué demeurant à Arlon,
b) Madame Lucy Mortehan, sans profession, épouse assistée et autorisée de Monsieur Auguste Barnich architecte avec lequel elle demeure à Esch-sur-Alzette, Grand-Duché-de-Luxembourg,
c) Monsieur Georges Mortehan, employé du Congo belge, domicilié à Arlon où il réside momentanément,
d) Madame Marguerite Mortehan, veuve de Léon Hollenfeltz, sans profession, demeurant à Arlon,
e) Madame Jeanne Mortehan, sans profession, épouse assistée et autorisée de Monsieur Lucien Philippe Quiny ingénieur, demeurant à Bruxelles, 128 boulevard Émile Jacquemain,
f) Mademoiselle Madeleine Mortehan, sans profession, demeurant à Arlon.