Carnets de notes - Une famille Saint-Mard

Le patrimoine de la communauté Jean-Baptiste Saint-Mard et Marie-Joseph Saint-Mard à Dampicourt

Identification

Jean-Baptiste Saint-Mard est né le 14 septembre 1837 à Dampicourt (Luxembourg, Belgique) et est décédé le 30 mai 1924 à Dampicourt à l’âge de 86 ans.

Il est cultivateur, propriétaire et bourgmestre à Dampicourt

Il est le fils de Louis St Mard (1806-1878) et Anne-Agathe Guillaume (1810-1863).

Marie-Joseph Saint-Mard est née le 12 août 1832 à Velosnes (Meuse, France) et est décédée le 9 avril 1924 à Dampicourt à l’âge de 91 ans.

Elle est la fille de Jean François Joseph St Mard (1803-1846) et Catherine Benoît (1799-1871).

Le couple se marie le 6 février 1866 à Dampicourt. Il s’agit d’un mariage consanguin. En effet, ils sont cousins germains, c’est-à-dire qu’ils ont des grands-parents communs : Jean-Baptiste St Mard et Anne-Marie Simon.

Le couple a six enfants :

Préambule

Les époux Saint-MardSaint-Mard sont cousins germains. Leur grand-père Jean-Baptiste Saint Mard (1767-1816) était un notable à Dampicourt (adjoint-maire). Son fils Louis, père de Jean-Baptiste (1837-1924), sera échevin de la commune de Dampicourt. Jean-Baptiste sera nommé bourgmestre de la commune de Dampicourt le 22 janvier 1888 [1] en remplacement du sieur Claude J. démissionnaire. Trois générations de notables et de « gros » agriculteurs.

Dans le cadre de cette communauté, nous avons un lot d’archives familiales bien fourni, mais incomplet comprenant une trentaine d’actes d’acquisition (partage, donation, achat…), deux échanges et une vente d’emprise. Nous n’avons aucun extrait de matrice cadastrale permettant une analyse qualitative du domaine. Nous n’avons pas les actes de liquidation de la succession de la communauté après leur décès en 1924. Le dépouillement des archives notariales de Virton (A.E.A.) n’a pas apporté d’éléments nouveaux, excepté la vente d’une emprise pour la construction d’une ligne de chemin de fer en 1877 (2 ares 61 centiares) [2].

Habitation et bâtiments

État de la ferme au début des années 1950 avant la destruction de la grande grange.
Photographie de gauche : Georges Saint-Mard (1909-1986) — mon parrain et son épouse Nelly Didier (1914-2004).

Le 5 janvier 1878 [3], le ménage achète la nue-propriété de la maison de leur oncle. Nous n’avons trouvé aucun acte mentionnant l’acquisition d’un quelconque bâtiment avant cette date.

La maison comprend un corps de logis ayant deux places basses et deux places hautes ; cave et grenier, écurie, grange, remise, et un jardin de 15 ares derrière et sur le côté. Les voisins sont Bouvier, la veuve Herbain-Dropsy, et Auguste Saint-Mard.

La vente se fait pour un prix de 3.500 francs : 3.000 francs pour la maison et 500 francs pour les meubles se trouvant dans la maison et ses dépendances. Le prix de la vente devra être payé aux héritiers de Jean-Baptiste Saint-Mard (l’oncle vendeur), un an après son décès. Chaque héritier reconnaîtra avoir reçu la somme de 250 francs. Dès la vente de la nue-propriété, l’acquéreur pourra user et disposer de l’immeuble comme bon lui semblera et il n’en jouira qu’à compter du décès du vendeur. Cet accord sous-entend une situation « d’entraide » entre les parties, comme cela s’était produit entre Jean-Baptiste l’oncle et sa mère Anne Marie Simon.

N’ayant pas eu l’opportunité de consulter les registres de population de la commune de Dampicourt [4], nous ne savons quand Marie-Joseph Saint Mard s’est installée au village. Avant son mariage, il est fort probable qu’elle habitait chez son oncle. Le 11 octobre 1863 [5] lors d’une vente à Dampicourt, Jean-Baptiste Saint-Mard la représente néanmoins l’acte ne précise pas le domicile de cette dernière. Elle a trente et un ans. Le 21 janvier 1866 [6], soit deux semaines avant son mariage, lors d’une vente publique son oncle la représente à nouveau.

Nous pouvons envisager le scénario suivant : Jean-Baptiste l’oncle vit avec sa maman Anne Marie Simon jusqu’à son décès le 30 avril 1847. En 1846, Jean-Baptiste l’oncle devient propriétaire de la nue-propriété de la maison. Un an plus tard, Anne Marie Simon décède. Après son mariage, Jean-Baptiste le neveu vient vivre dans la maison de sa grand-mère Anne-Marie Simon.

Dans un premier temps, Jean-Baptiste l’oncle a pris le rôle de son père dans la gestion de l’exploitation puis en 1836, Jean-Baptiste le neveu vient en « renfort ». Ce scénario a l’avantage d’expliquer comment Jean-Baptiste l’oncle et le couple Saint-Mard ont pu vivre dans un premier temps avec peu de terre.

Reprenons la description de la ferme. En 1878, elle a conservé son aspect primitif de 1813. En dessous de la cuisine à front de rue, une cave voûtée à laquelle on y accède par un escalier droit face à la porte d’entrée. Le rez-de-chaussée du corps de logis comprend deux pièces : la cuisine précitée et le pèle ou belle pièce côté jardin. La cuisine est équipée d’une cheminée adossée au mur central formant séparation avec le pèle. À l’opposé de la pièce, sous la fenêtre du mur gouttereau de la façade, un évier et sa pompe dont les eaux usées sont évacuées par un tuyau de plomb traversant ledit mur comme nous pouvons le voir sur une photographie prise à la fin des années 1940 ou au début des années 50.

La cuisine est le carrefour des flux de circulations de la ferme. Elle est isolée de la porte d’entrée par un sas fermé départ de l’escalier descendant dans la cave. Superposé dans la même cage, un second escalier fermé opposé permet de monter à l’étage. En 1878, une porte donne accès au pèle et une seconde à l’ancienne écurie.

À l’étage, deux chambres de même dimension que les pièces du rez-de-chaussée.

Le ménage agrandit la demeure familiale par l’ajout d’une nouvelle grange bicellulaire comprenant une écurie à chevaux et une grange à proprement parler. Après extension, la façade de la ferme est longue de près de vingt-cinq mètres.

Les actes de mutations immobilières ne nous permettent pas de dater la construction de la grande grange. Dès 1875, les locaux agricoles sont trop petits pour la taille cumulée des exploitations de leur oncle Jean Baptiste et de Jean-Baptiste et Marie-Joseph (18 hectares 46 ares). La présence d’un jardin sur le côté de la maison autorise une extension. L’acte de vente de la nue-propriété du bâtiment en 1878 décrit une ferme tricellulaire. Les travaux se sont peut-être faits du vivant de leur oncle. Rien ne l’interdit. Nous devons en toute certitude les dater du dernier quart du 19e siècle. Le dépôt des archives de l’ancienne commune de Dampicourt aux Archives de l’État à Arlon devrait nous permettre de trouver dans les registres du Collège communal la délibération autorisant la construction.

Après transformation, dans la cuisine, une troisième porte donne accès à la nouvelle écurie.

Dans un dernier temps, Jean-Baptiste et Marie-Joseph font construire une deuxième maison en front de l’actuelle rue du 8 Septembre face au débouché du chemin du Baron. La caisse d’archives familiales sera transférée dans cette demeure qui reviendra à la leur fille Augusta. Cela explique pourquoi la famille Noël est devenue la gardienne de la mémoire familiale.

Évolution dans le temps du patrimoine

Années Terre Prairie Autres Total
1870 1 h. 52 a. 80 c.

1 h. 52 a. 80 c.
1875 5 h. 96 a. 56,66 c. 92 a. 88 c.
6 h. 89 a. 44,66 c.
1880 6 h. 7 a. 95,66 c. 92 a. 88 c. 15 c. 7 h. 98,66 c.
1885 12 h. 80 a. 16,66 c. 1 h. 5 a. 18 c. 15 c. 13 h. 85 a. 49,66 c.
1890 14 h. 93 a. 51,66 c. 2 h. 54 a. 18 c. 15 c. 17 h. 47 a. 84,66 c.
1895 15 h. 35 a. 59,16 c. 2 h. 54 a. 18 c. 15 c. 17 h. 89 a. 92,16 c.
1900 15 h. 63 a. 89,16 c. 2 h. 54 a. 18 c. 15 c. 18 h. 18 a. 22,16 c.
1905 15 h. 98 a. 24,16 c. 2 h. 54 a. 18 c. 15 c. 18 h. 52 a. 57,16 c.
1910 17 h. 51 a. 90,16 c. 2 h. 62 a. 6 c. 8 a. 3 c. 20 h. 21 a. 99,16 c.
1915 17 h. 51 a. 90,16 c. 2 h. 62 a. 6 c. 8 a. 3 c. 20 h. 21 a. 99,16 c.
1920 17 h .66 a. 40,16 c. 2 h. 62 a. 6 c. 8 a. 3 c. 20 h. 36 a. 49,16 c.

Dès leur première année de mariage, le ménage Saint-MardSaint-Mard achète régulièrement de petites superficies de terres labourables. Entre 1870 et 1875, leur patrimoine s’accroît de manière spectaculaire. La taille de l’exploitation est multipliée par quatre et demi. Si chacun des époux reçoit en partage ou donation des biens de leurs parents (Marie Joseph84 ares 65 centiares en 1871, Jean-Baptiste 1 hectare 38 ares 46 centiares en 1875), le couple achète pour plus de deux hectares et demi de terres et prairies. Dès le premier trimestre 1875, le ménage est largement autonome et peut être qualifié de cultivateur aisé. Les époux âgés de 38 et 43 ans sont parents de quatre enfants, dont un qui n’a pas vécu plus de deux ans.

Entre 1876 et 1882, la superficie totale du domaine évolue de manière très marginale (+ 11 ares 54). Le ménage n’a pas besoin de s’agrandir. Comme nous le verrons ci-dessous, ils exploitent avec leur oncle vieillissant une ferme de presque 20 hectares.

Nous constatons une deuxième période de fort accroissement en 1883 et 1884. Le couple saisit plusieurs opportunités d’achat. Tant en vente de gré à gré qu’en vente publique, ils achètent à leurs frères, sœurs et cousins 6 hectares 38 ares 60 centiares essentiellement de terres labourables.

En avril 1890, leur oncle Jean-Baptiste décède. Jean-Baptiste est âgé de 53 ans, son épouse Marie-Joseph de 58 ans. Leur ferme a une superficie de 14 hectares 77 ares. Ni sa taille respectable ni leur âge, ne les empêche de s’agrandir. Le 31 août 1890, lors de la vente publique liquidant les biens immobiliers de leur oncle, ils acquièrent 2 hectares 70 ares de terres et prairies. À cette époque, l’exploitation a atteint 89 % de sa taille maximale.

Après cette date, il n’y a plus de dynamique d’acquisition. Jusqu’en 1919, quelques achats ponctuels permettent d’agrandir la surface agricole de 1 hectare 19 ares. La dernière grosse évolution a lieu le 20 décembre 1908 lorsque les biens de leur cousin célibataire Jean Louis Saint-Mard, charron à Velosnes, sont partagés entre ses héritiers. Marie-Joseph reçoit 1 hectare 69 ares de biens sis à Velosnes et Bazeilles-sur-Othain. Mais, le ménage ne peut les exploiter, car situer trop loin de leur ferme. Dans le fonds d’archives familiales, nous n’avons aucun acte nous permettant de savoir s’ils ont été mis en fermage ou vendus.

À la fin de leur vie, le couple Saint-MardSaint-Mard est propriétaire d’un domaine d’un peu plus de 20 hectares qui sera partagé en deux à leur mort. Après mars 1919, je n’ai plus aucun acte pour documenter la suite de l’histoire, mais en tenant compte de leur âge respectif, 82 et 87 ans, il est peu probable qu’ils aient acquis des biens.

Hypothèse d’une cogestion de l’exploitation : Superficie cumulée des domaines agricoles

Années Jean Baptiste et Marie Joseph Jean Baptiste Oncle Total
1870 1 h. 52 a. 80 c. 11 h. 18 a. 17,41 c. 12 h. 70 a. 97,41 c.
1875 6 h. 89 a. 44,66 c. 11 h. 56 a. 77,41 c. 18 h. 46 a. 22,08 c.
1880 7 h. 98,66 c. 11 h. 57 a. 77,41 c. 18 h. 58 a. 76,08 c.
1885 13 h. 85 a. 49,66 c. 11 h. 57 a. 77,41 c. 25 h. 43 a. 27,08 c.
1890 17 h. 47 a. 84,66 c. 11 h. 57 a. 77,41 c. 29 h. 5 a. 62,08 c.
1895 17 h. 89 a. 92,16 c.
17 h. 89 a. 92,16 c.
1900 18 h. 18 a. 22,16 c.
18 h. 18 a. 22,16 c.
1905 18 h. 52 a. 57,16 c.
18 h. 52 a. 57,16 c.
1910 20 h. 21 a. 99,16 c.
20 h. 21 a. 99,16 c.
1915 20 h. 21 a. 99,16 c.
20 h. 21 a. 99,16 c.
1920 20 h. 36 a. 49,16 c.
20 h. 36 a. 49,16 c.

De nombreux indices nous incitent à penser que le couple Jean-Baptiste et Marie-Joseph Saint-Mard s’est associé à leur oncle Jean Baptiste Saint-Mard. Ils ont habité sa demeure et au mieux étaient ses fermiers, au pire ses manouvriers. Aucun acte notarié ne permettra de répondre à cette question.

De leur mariage en 1866 au début de l’année 1875, le ménage n’est pas autonome. Quelle que soit la qualité de leur rapport avec leur oncle, ils ne sont inévitablement pas sur un pied d’égalité. À partir de 1875, ils ne dépendent plus de lui. À cette époque, il ne faut pas se leurrer, l’oncle Jean-Baptiste n’est plus apte à labourer ses champs. Le patron, c’est son neveu. Nous nous trouvons dans un rapport de solidarité intergénérationnel gagnant pour chaque partie. Le ménage a eu des facilités pour s’installer. Il a cogéré l’exploitation de leur oncle qui lui a pu bénéficier d’un repos mérité. Ensemble, ils ont valorisé un domaine qui à la mort dudit oncle avait une superficie totale de 29 hectares. Après l’achat en vente publique de quelques terres de leur oncle, le couple Saint-MardSaint-Mard était propriétaire d’un domaine conséquent de presque 18 hectares faisant d’eux un des plus gros agriculteurs du village.

Description du patrimoine

Nature Superficie Pourcentage
Terre 17 h. 66 a. 40,16 c. 86,74 %
Prairie 2 h. 62 a. 6 c. 12,87 %
Friche 7 a. 88 c. 0,37 %
Jardin 15 c 0,01 %
Total général 20 h. 36 a. 49,16 c. 100,00 %

Le tableau ci-dessous est partiellement trompeur. Il ne décrit pas l’exploitation agricole, mais son patrimoine total. Le domaine de Dampicourt a une superficie totale de 18 hectares 67 ares : 16 hectares 12 ares de terres labourables et 2 hectares 54 ares de prairies.

Nous n’avons pas à notre disposition de référence statistique pour la fin du 19e siècle et le début du 20e [7]. L’arrivée du chemin de fer a désenclavé le canton de Virton. La structure de la société paysanne commence à muter. Une nouvelle classe sociale apparaît : les ouvriers qui travaillent en semaine dans les usines sidérurgiques et cultivent leurs lopins de terre le week-end. La taille des grandes exploitations augmente, celle des moyennes diminue. Les petites exploitations augmentent en nombre. Se référer à une situation vieille de 50 ans ne peut se faire qu’à titre indicatif. Sans être parfaite, elle nous permet d’évaluer le statut social du couple Saint-MardSaint-Mard.

Dans la basse vallée du Ton, au milieu du 19e siècle, presque de 82 % des cultivateurs de la basse vallée du Ton entre Saint-Mard et Torgny sont propriétaires de moins de 10 hectares. 13 % des exploitations ont une taille comprise entre 10 et 20 hectares. En qualité d’exploitant, le ménage se rattache à cette dernière catégorie d’agriculteur aisé. Incontestablement, ils sont de gros agriculteurs localement appelés « gros tas de fumier » en référence au volume du dit tas proportionnel à l’importance de la ferme stocké devant celle-ci. En qualité de propriétaire, après 1908, il se rattache à la dernière catégorie.

En 1822 à Dampicourt, la répartition terres-prairies est de 74,18 % et 25,82 %. La culture est l’activité principale du couple. Dans sa ferme, la répartition est 86,74 % de terres et 12,87 % de prairies. Les prés sont fauchés pour nourrir les chevaux de ferme et le bétail l’hiver. À la belle saison, les animaux paissent dans une partie des pâtures.

Mode d’acquisition

type surface pourcentage
1 Achat vente publique 12 h. 77 a. 7 c. 62,60 %
2 Achat de gré à gré 3 h. 70 a. 49,50 c. 18,16 %
3 Partage 2 h. 54 a. 7 c. 12,45 %
4 Donation 1 h. 38 a. 46,67 c. 6,79 %
Total général
20 h. 40 a. 10,17 c. 100,00 %

Achat en vente publique et de gré à gré

La part de leur patrimoine reçu de leurs parents est relativement faible. Elle se limite à un peu plus de 10 % des surfaces agricoles. Presque 81 % de la surface de l’exploitation a été achetée lors de vente publique ou de gré à gré. Le reste provient de l’héritage des biens délaissés par le décès d’un frère célibataire de Marie Joseph en 1908.

Deux éléments expliquent cette importance. L’importance de l’héritage dépendra du nombre d’hérités survivant ou ayant une descendance au moment du décès des parents. Le grand-père Jean-Baptiste St Mard avait quatre enfants. Louis St Mard et Anne Agathe Guillaume, parents de Jean-Baptiste Saint-Mard ont eu huit enfants, dont sept héritiers, Joseph Alphonse est décédé à l’âge de 4 ans. Jean-François Joseph Saint-Mard et Catherine Benoît, parents de Marie-Joseph Saint-Mard ont eu cinq enfants.

La taille de l’exploitation de Jean-Baptiste et Marie-Joseph étant largement supérieure à celle de leurs parents, ils ne peuvent la constituer que par achat.

De 1866 à 1919, le ménage assiste à dix-sept ventes publiques au cours desquelles il acquiert des lots pour une superficie totale comprise entre 14 et 75 ares. Deux ventes se détachent du lot. Le 28 mai 1884, il adjuge dix parcelles de terres labourables pour une superficie totale de 4 hectares 98 ares. Lors de la vente publique du 31 août 1890 organisé pour liquider la succession de leur oncle Jean-Baptiste Saint-Mard, le couple se porte acquéreur de sept parcelles de terres labourables et de deux prairies le tous pour une superficie totale de 2 hectares 70 ares.

De 1872 à 1901, dix achats de gré à gré permettent au ménage d’agrandir le domaine. Les surfaces acquises ont une taille de 15 centiares à 81 ares excepté le 20 janvier 1883 lorsqu’au travers de trois actes notariés, le ménage achète 1 hectare 3 ares à Clémence Agathe sœur de Jean-Baptiste, Marie Catherine et Jean-Louis sœur et frère de Marie Joseph.

L’information fournie par les procès-verbaux de ventes publiques ne se limite pas à des mutations foncières. Entre les lignes, les articles de conditions, nous découvrons la vie des vendeurs.

La vente publique du 30 mai 1887 [8] est une vente forcée. Elle est provoquée par un créancier de Jean Baptiste Noël (Babisse) et d’une certaine manière met un terme à la procédure entamée dans le cadre de la construction du chemin de fer Virton-Lamorteau, et visant à définir les propriétaires du terrain. Jean-Baptiste Noël dit Babisse affirme être le seul propriétaire, mais au vu de l’acte de vente, nous pouvons constater que Jean-Baptiste est covendeur pour un huitième de la parcelle. Ce dernier la rachète.

Dans un autre registre, la vente publique du 15 octobre 1883 [9], nous montre la fragilité de la puissance. Le banquier Weyland apparaît dans différentes ventes comme le créancier du vendeur. Babisse fut un de ses « clients ». Ici, les rôles sont inversés, il est le faillit. Jean-Baptiste achète 21 ares 81 centiares lors de cette vente.

Dans les actes de ventes publiques, il est souvent prévu que l’acheteur se « soumet à toutes servitudes actives et passives dont la parcelle est sujette ». Lors de la vente publique du 4 mars 1919 [10], Jean-Baptiste achète 3 ares dans une parcelle divisée en deux. Il est expressément convenu un droit de passage pour un chariot sur le terrain de Jean-Baptiste pour établir un passage entre le chemin et le terrain acheté par Joseph Stasser-Mangin.

Dans presque toutes les ventes publiques, le vendeur n’appartient pas à la famille (97,1 % des ventes), mais pour les 2,9 % restant, il s’agit d’un cousin au couple.

Dans les ventes de gré à gré, la proportion est inversée : 94,2 % des vendeurs sont de proches parents (28,3 % frères/sœurs ; 65,9 % cousins). Contrairement aux ventes publiques, la vente de gré à gré se fait toujours au comptant.

L’achat de gré à gré permet notamment de mettre fin à une indivision. Le 16 novembre 1895 [11], Marie-Joseph Saint-Mard achète à ses frère et sœurs (Marie, Jean-Louis, Marie-Catherine) les trois quarts de 56 ares 10 centiares leur appartenant. Le quart restant est la part échue à Marie-Joseph. La vente se fait pour un prix de 615 francs.

Donation et partage

La transmission du patrimoine entre les générations s’effectue de deux manières dans le cas présent : la succession est partagée ou elle est liquidée en vente publique.

La succession de Jean-François Saint-Mard père de Marie-Joseph en 1871 et celle de Jean-Louis frère de Marie-Joseph en 1908, tous deux demeurant à Velosnes, représentent 12,45 % de la surface foncière. Le 8 octobre 1871 [12], le partage à l’amiable des biens délaissés par Jean-François Saint-Mard se fait sans soulte ni retour, cela implique un partage égal entre les héritiers. Il y a aussi effet rétroactif et les copartageants deviennent propriétaires des biens en date du 1er janvier 1871.

Par voie de donation, le 2 mars 1875, Jean-Baptiste reçoit de son père Louis sept parcelles de terres labourables et une prairie d’une superficie totale 1 hectare 38 ares (6,79 % des biens acquis par le ménage).

La succession de leur oncle Jean-Baptiste Saint-Mard — déjà évoquée ci-dessus — se réglera par une vente publique le 31 août 1890 [13]. Jean-Baptiste et Marie-Joseph sont covendeurs pour un septième. Ils achètent 2 hectares 70 ares 15 centiares pour un prix de 3.755 francs hors frais d’enregistrement. La vente rapporte 15.960 francs hors frais de vente dont un septième leur revient (2.280 francs). Pour agrandir son exploitation, la communauté dépense plus qu’elle n’hérite. Elle a donc le moyen de financer ses acquisitions.

Mode mineur de mutation

Deux modes de mutation modifient de façon marginale la taille de l’exploitation. Deux échanges sans soulte ni retour en 1886 avec Jean-Baptiste-Auguste Saint-Mard le frère de Jean-Baptiste et en 1901 avec Jean-Baptiste Saint-Mard leur oncle réduit la superficie du domaine d’un are.

En 1902 [14], la commune de Dampicourt et Jean-Baptiste mettent fin à une indivision à l’aide d’un partage. Sur une parcelle de 43 ares 70 centiares, la communauté Saint-Mard reçoit 27 ares 30 centiares.

Propriété des biens

Au sein des lots d’archives étudiés, certains actes qui peuvent être attribués de manière spécifique à Marie-Joseph Saint-Mard. Cette dernière est propriétaire en propre de 2 hectares 83 ares 7 centiares soit 13,90 % de l’exploitation. Nous pouvons attribuer en propre 1 hectare 38 ares 46,66 centiares à Jean-Baptiste Saint-Mard représentant 6,80 % de la superficie du domaine.

En conséquence, nous pouvons considérer que le reste (79,30 %) appartient à la communauté.

Conclusion

Nous sommes en présence d’une importante exploitation agricole familiale. Les époux Saint-Mard s’inscrivent dans la même logique que les parents et grands-parents de Jean-Baptiste qui comme eux s’implique dans la gestion de la commune. À environ un hectare près, les tailles de leurs exploitations sont identiques comprise entre 18,7 et 20,36 hectares.

Ce sont les derniers gros propriétaires du rameau familial. Leur fils Auguste — mon arrière-grand-père — héritera de la moitié du domaine qu’il n’agrandira pas. Ses trois fils ne seront pas agriculteurs. Ses filles n’épouseront pas des agriculteurs.



Notes et références

[1] Archives privées, 22 janvier 1888 : Ministère de l’Intérieur (Bruxelles), Nomination au poste de bourgmestre.

[2] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, FONTAINE Édouard (1872-1900), minute n° 1157.

[3] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, FONTAINE Édouard (1872-1900), minute n° 1290.

[4] Les registres sont déposés aux Archives de l’État à Arlon et consultables. La crise sanitaire du printemps 2020 m’a empêché de m’y rendre.

[5] Archives privées, Notaire Lambinet, Virton, enregistré à Virton le 16-10-1863 (volume 141, folio 74 recto, cases 3 & suivantes).

[6] Archives privées, Notaire Lambinet, enregistré à Virton le 30-01-1866 (volume 147, folio 86 recto, case 6).

[7] Je ne désespère pas de trouver sur Google livres, Gallica et Internet Archives quelques éditions administratives intéressantes.

[8] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, FONTAINE Édouard (1872-1900), minute n° 3657.

[9] Archives privées, Notaire FONTAINE Édouard (1872-1900), Virton, enregistré à Virton, le 24-10-1883 (volume 203, folio 6).

[10] Archives privées, Notaire Lambinet-Jeanty de Virton, enregistré le 13 mars 1919 (volume 285, folio 99, case 13).

[11] Archives privées, Acte de vente sous seing privé, fait à Dampicourt, enregistré à Virton le 26 novembre 1895 (volume 78, folio 65, case 5).

[12] Archives privées, Acte de partage sous seing privé, enregistré à Virton le 22 décembre 1871.

[13] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, FONTAINE Édouard (1872-1900), minute n° 4554.

[14] Archives privées, Acte de partage sous seing privé, enregistré à Virton, le 19 juin 1902 (volume 39, folio 25).