Carnets de notes - Chroniques et récits

Henry (o 1812) époux de Marguerite Ribonnet : un artisan-maçon à Chenois

Récits St Mard : du côté d’Hubert St Mard (vers 1666-1706) et sa descendance.

Informations généalogiques :

Henry SAINT MARD voit le jour le samedi 25 avril 1812 à Torgny.
Il est le fils de Nicolas Denis SAINT MARD, maçon, âgé de 26 ans et de Jeanne Catherine BIEUVELLET.
Le mercredi 15 février 1843 à Latour, il épouse Marguerite RIBONNET, fille de Jean RIBONNET et d’Anne Marie PIERRE.
Henry SAINT MARD est décédé le mercredi 14 janvier 1891, à l’âge de 78 ans, à Chenois.

Le 12 février 1843, avant de s’unir, Henry, maçon à Torgny et Marguerite Ribonnet rédige un contrat de mariage par-devant maître Jean-Baptiste Modeste Foncin, notaire à Virton.

Par ledit contrat, « la future épouse déclare faire entrer en communauté une maison avec écurie et grangette contiguë et jardin derrière, ces biens sis audit Chenois, et lui appartenant au moyen de la donation que lui ont faits ses père et mère par acte entre-vifs ». « Les dettes ou sommes que la future épouse pourrait devoir du chef desdits biens tomberont à la charge de la communauté. » [1]

Les conjoints se donnent mutuelle, irrévocable, l’un à l’autre, et au survivant d’eux, de la pleine propriété la ferme lorraine, de l’usufruit des autres immeubles et de la pleine propriété des biens meubles. [2]

Chenois est un village-rue construit de part et d’autre de la route de Saint-Mard à Athus. Administrativement, ce n’est pas une commune. Il dépend de Latour, terre de la famille Baillet-Latour dont le château est ruiné depuis la Révolution française.

Si Henry Saint Mard est un artisan-maçon, il reste un rural. C’est un agriculteur à titre complémentaire.

Henry et Marguerite accumuleront de quelques biens immobiliers : une maison, onze parcelles de terre labourable, une prairie et un jardin chènevière pour une superficie totale deux hectares. Excepté vingt ares de terre donnés à leur fils Joseph [3] en 1880, le couple conservera l’essentiel de son patrimoine jusqu’à son trépas. Le 3 avril 1891 [4], il sera divisé entre leurs héritiers.

De nombreux litiges traités en justice de paix jalonnent leur vie.

Le 21 avril 1855 [5], Pierre Ferdinand Hayez, marchand-brasseur, se présente par-devant Jean Henri Jeanty, juge de paix du canton de Virton. Il demande au tribunal d’ordonner l’abornement d’une pièce de terre contiguë à un champ appartenant à Henry Saint Mard. Le juge ne statue pas ; il renvoie l’affaire.

Septembre 1860, à la fin d’un après-midi, le garde champêtre de Latour surprend Alexandre Saintmard, 9 ans, et Félix Lambert qui faisaient pâturer deux vaches et dix chèvres dans une parcelle de terre. Rien de particulier, cependant leurs parents n’en est pas propriétaire. Responsables des agissements de leur enfant mineur, leurs pères sont condamnés à une amende de trois francs, l’équivalent à trois journées de travail [6]. Ce n’est pas la première fois qu’Henry doit répondre de ses fils devant le tribunal de simple police. Le vingt-trois juin de la même année, à huit heures du soir, le champêtre de la commune de Virton avait surpris un fils Saintmard couché dans un champ de blé [7].

Virton, l’église Saint-Laurent et la place Nestor Outer avant réaménagement (2009).

Lorsque ce ne sont pas les fils qui commettent une bêtise, le père s’y met. Le 29 juin 1864, entre neuf et dix heures du soir, Jean-Baptiste Claisse [8] et Henry Saint Mard-Ribonnet se promènent à Virton. Coup de folie ? Les deux compères tirent des coups de fusil dans les rues. Le tribunal se montra clément ; il les condamne à un franc d’amende chacun [9].

Le 15 novembre 1867 [10], Maximilien-Joseph Habran, propriétaire domicilié à Virton, réclame à Henry le paiement d’une somme de vingt-neuf francs cinq centimes qu’il lui doit pour marchandises vendues et livrées.

Henry reconnaît devoir quatorze francs vingt-cinq centimes, mais lui ayant pourvu pour trois francs quatre-vingts centimes de légumes, il ne lui doit que dix francs quarante-cinq centimes. Néanmoins, Maximilien Habran persiste et affirme qu’elles sont dues pour fournitures faites à Adèle Saint Mard, la fille du défendeur.

Afin de trancher le conflit, le juge de paix reçoit le serment de ladite Adèle : « Je jure ainsi Dieux me soit en aide, en ce lieu qu’elle ne doit rien au demandeur. » En dernier ressort, le tribunal condamne le défendeur à payer au demandeur la somme de dix francs quarante-cinq centimes et déboute le demandeur pour le surplus.

Henry, artisan, doit de temps en temps entamer une action devant le juge pour recouvrer les montants pour ouvrage réalisé. Ainsi, le 6 décembre 1867 [11], le tribunal de paix condamne Claude Joseph Demanet à lui payer un somme dû de cent quatre-vingts francs. À sa demande, Henry lui accorde un délai de deux mois pour apurer sa dette.

Pierre Ribonnet, propriétaire domicilié à Virton réclame Henry Saint Mard et son épouse Marguerite Ribonnet cent dix-sept francs, somme qu’ils lui devraient du chef d’avances d’argent. Le 11 mars 1870 [12], le juge le déboute.

Le couple a hébergé à deux reprises Nicolas Saintmard, maçon à Torgny, son frère ou son cousin. Pour prix de pension, logement, lavage, et entretien, Henry lui réclame la somme de deux cent quarante francs. Nicolas Saintmard reconnaît devoir cette somme, mais affirme qu’Henry Saint Mard lui doit 48 francs pour prix d’ouvrage, et 500 francs qu’il lui a pris dans ses effets d’habillements. Le juge de Paix Philippe André Adolphe Rousseau ne parvient pas à débrouiller ce conflit familial. Le 24 novembre 1871 [13], il renvoie l’affaire plaidée devant juridiction compétente.

Comme nous le verrons un peu plus loin, Henry dispose des tas de fagots, débris, et voliges à différent endroit du village. C’est une contrainte liée à sa profession, mais qui n’est pas nécessairement bien perçue par le voisinage ? Le trois juin 1872, le champêtre Lafontaine dresse procès-verbal. Au village de Chenois, il constate qu’Henry Saint Mard, 60 ans, a entreposé des fagots sur la place communale. Au tribunal, le prévenu affirme que ledit dépôt est établi sur un terrain communal et non sur la voie publique. Après inspection, le tribunal lui donne raison. Il n’entrave pas la voie publique [14].

Deux procédures nous donnent un aperçu de la qualité des rapports que le couple entretenait avec ses voisins.

Thomas Lambert, garçon meunier domicilié à Chenois, reproche à Henry la présence d’un tas de décombres et voliges quelconques qu’il a en dépôt sur la voie publique, qui l’empêche de circuler librement pour arriver à sa demeure. Henri répond « qu’il envisage comme trouble à sa possession plus qu’annale d’occuper le terrain dont s’agit, par un dépôt de pierre nécessaire à son métier de maçon et de bois. » Le tribunal décide le 6 septembre 1872 [15] de se rendre sur les lieux.

Le 11 septembre 1872 [16], Philippe André Adolphe Rousseau, Juge de paix du canton de Virton, se rend en la section du Chenois. Il constate : « En arrivant de Virton à Chenois par la route provinciale de cette ville à Aubange, la première maison que l’on rencontre à droite est celle du défendeur vis-à-vis de laquelle, à gauche, se trouve celle appartenant au nommé Depiesse, laquelle coude immédiatement ladite route provinciale et immédiatement aussi après cette maison vient le terrain litigieux, celui-ci s’étend aussi le long de la route, qui elle par suite de sa construction en déblai en cet endroit, se trouve en contre bas. Ce terrain peu étendu forme un angle rentrant entre le pignon de ladite maison Depiesse, et la ligne prolongée des maisons sises au-delà qui elles sont bâties un peu en retrait de la route ; la première de ces environs est celle du demandeur.

Celui-ci fait remarquer qu’il a fait, il y a trois ans, démolir une grange qui dépendait de sa maison et s’étendait de celle-ci jusqu’à la ligne indiquée par le prolongement du pignon de la maison Depiesse de telle sorte que cette construction occupait alors tout le fond de la parcelle en litige. Que devant cette grange, s’y appuyant, ainsi que contre le pignon Depiesse, existait en même temps un autre petit bâtiment tenant d’écurie, qu’il a fait également disparaître ; que c’est sur l’emplacement même de ce bâtiment, dont les fondements existent encore, que se trouve actuellement son fumier ; que c’est entre ce fumier et la route que le demandeur a établi son dépôt de fagots, s’adossant au pignon de la maison Depiesse et qu’au-devant de ce tas de fagots le même dépose des pierres de fortes dimensions destinées à être taillées occupant ainsi une très notable partie du terrain litigieux, lequel cependant devait servir d’accès aux anciens bâtiments et doit servir actuellement au même usage pour le jardin et la fosse à fumier qui les remplacent ; enfin il devrait servir pour la nouvelle construction, que lui demandeur pourrait faire élever.

Le fondé de pouvoir du défendeur reconnaît qu’il est exact que le demandeur a fait démolir les bâtiments dont il vous a été parlé, mais il soutient qu’alors même que ceux-ci existaient, il déposait ses fagots et ses pierres, là où ils se trouvent aujourd’hui, ajoutant qu’il a, comme tout habitant, droit à une part d’aisance et qu’il ne peut avoir celle-ci contre sa propre maison ; cette maison étant aussi qu’il le fait remarquer construite tout à fait sur le bord de la route ; qu’enfin il est en possession plus qu’annale de cette place et entend s’y maintenir. »

La cause fut continuée à l’audience du vingt septembre.

L’affaire traitée à partir du 8 octobre 1880 [17] m’a beaucoup fait rire.

Étienne Wagner, débitant domicilié à Chenois, voisin d’Henry Saint Mard demande que ce dernier soit condamné à enlever et supprimer les lieux d’aisances qu’il a établis contre le mur de soutènement de son jardin. À Monsieur Philippe André Adolphe Rousseau, juge de paix, Marguerite Ribonnet qui représente son mari reconnaît être propriétaire des latrines disposées contre le mur. Elle déclare qu’elles existent depuis plus de trente ans.

Le juge et son greffier se transportent sur place et constatent :

« 1° que les parties sont respectivement propriétaires des maisons séparées entre elles par un terrain cultivé en jardin, terrain, qui à la moitié environ de sa longueur est séparée par un mur délimitant la portion déférente à chaque maison,

2° que ce mur qui, du côté du défendeur, ne s’élève pas au-dessus du sol, sert à maintenir les terres du jardin de celui-ci et relativement auquel l’autre est en contre bas, par suite d’un nivellement en déblai effectué par le demandeur ;

3° que c’est tout contre ce mur et à peu près à distance égale de l’une et de l’autre maison (plusieurs mètres), qu’est situé le lieu d’aisance dont s’agit en procès ;

4° que ce lui consiste en un abri fort peu garnit et en une fosse simplement creusée dans la terre et dont le mur lui-même forme un des côtés, sans être muni à cet endroit d’aucune espèce de revêtement qui puisse empêcher les infiltrations (qualifiées de très incommodes et nuisibles dans les attendus du jugement). »

Le tribunal ne pouvant légalement exiger la suppression des lieux d’aisances du défendeur, il ordonne que ce dernier « fasse le nécessaire pour empêcher toute infiltration des matières fécales dans le mur qui lui appartient, soit en laissant entre ce mur et la fosse un intervalle de un mètre de terre, soit établissant contre mur d’une épaisseur de trente centimètres et construit à la chaux, et ce dans les huit jours de la signification du présent jugement, sous peine de cinquante centimes, par chaque jour de retard. »

En 1880, Marguerite Ribonnet donne à son fils Jean-Baptiste une « maison d’habitation consistant en corps de logis, écurie, grangette avec jardin derrière y attenant, le tout d’un immeuble d’une superficie d’environ 17 ares sis à Chenoiscommune de Latour entre François François et la Veuve Clausse. [18] » Est-ce la maison du couple « entrée en communauté » par contrat de mariage ?

La dernière procédure concerne le paiement d’une somme pour des travaux qu’il a exécuté avec l’aide de Joseph Saintmard pour de compte d’un dénommé Denis. Le 22 avril 1881, l’affaire est renvoyée devant juges compétents.



Notes

[1] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, FONCIN Jean Baptiste Modeste, carton no 790, 12 février 1843. Contrat de mariage.

[2] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, FONCIN Jean Baptiste Modeste, carton no 790, 12 février 1843. Contrat de mariage.

[3] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, Octave FONCIN (1872-1911), actes de donation du 2 août 1880, minute no 1929.

[4] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, Édouard FONTAINE (1872-1900), minute no 4690.

[5] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 74, minute no 93.

[6] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Tribunal de simple police du canton de Virton, jugement no 130 du 15 novembre 1860.

[7] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Tribunal de simple police du canton de Virton, jugement no 70 du 19 juillet 1860.

[8] Conducteur de voiture.

[9] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Tribunal de simple police du canton de Virton, jugement no 136 du 14 juillet 1864.

[10] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 91, minute no 356.

[11] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 91, minute no 382.

[12] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 96, minute no 67.

[13] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 99, minute no 801.

[14] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Tribunal de simple police du canton de Virton, jugement no 116 du 12 juillet 1872.

[15] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 101, minute no 296.

[16] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 101, minute no 298.

[17] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 112, minute no 439 15 Belgique, Archives de l’État à Arlon, Archives des institutions de droit public (époque contemporaine), Tribunaux, Justice de Paix, Virton, Carton no 92, minute no 172.

[18] Belgique, Archives de l’État à Arlon, Notariat de Virton, Octave FONCIN (1872-1911), minute no 1970.