Carnets de notes - Territoire

Gouvernements des Alliés (1814-1815)

Battu en octobre 1813 à Leipzig, Napoléon rentre en France. Les troupes alliées le poursuivent. Le 18 janvier, le général russe de Wintzingerode occupe Liège. Le 25 du même mois, le général major Roeder (Armée de Silésie) bloque Luxembourg et Thionville. [i]

Dès le 21 octobre 1813 [1], les Alliés ont convenu la manière d’administré les provinces françaises occupées. Le 12 janvier 1814 à Bâle, ils constituent des gouvernements en tenant compte que les districts qui les composeront fassent partie de l’Allemagne, de la Belgique, de la Suisse ou de l’ancienne France avant l’acquisition de l’Alsace [ii]. Le gouvernement général du Haut-Rhin comprendra les départements du Haut et du Bas-Rhin ; le gouvernement général du Moyen Rhin les départements du Mont-Tonnerre, de la Sarre, du Rhin et de la Moselle ; le gouvernement général du Bas-Rhin les départements de la Roer, l’Ourthe et la Meuse inférieure… [iii]

Dès le mois de janvier, un détachement de l’armée de Silésie a envahi le département des Forêts. [iv]

Le 31 mars 1814, Paris capitule. Le 6 avril, l’empereur Napoléon Ier abdique. Le 12 avril, le général Maison et le duc de Saxe-Weimar signent un armistice. Le 23 avril, la Convention de Paris réduit la France à ses frontières d’avant le 1er janvier 1792. [v]

Le 30 mai, un traité de paix est conclu à Paris. Son article 6 prévoit que la Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d’Orange-Nassau, devra recevoir un accroissement de territoire. Cela aura une importance considérable dans la suite des évènements. Au mois de juin, à Londres [2], les souverains alliés décident de réunir sous condition audit état les provinces ayant formés les Pays-Bas espagnols avant la révolution du 16ème siècle à l’exception du duché de Luxembourg. [vi]

Administration du département de Sambre-et-Meuse (Gouvernement-général de Belgique)

Depuis le mois de janvier à 1814, le département de Sambre-et-Meuse est administré par un commissaire du Gouvernement général de la Belgique. À la mi-juin, la partie du département située sur la rive droite de la Meuse est cédée aux Prussien (Gouvernement-général du Bas-Rhin et Moyen Rhin).

Les circonscriptions judiciaires ne subissent aucun changement, le département continu à ressortir en appel à la cour de Liège (arrêté du 5 avril 1814). [vii]

Administration du département des Forêts (Gouvernement-général du Moyen-Rhin)

La convention de Bâle prévoyait que le département des Forêts ainsi que ceux de la Meuse et la Moselle devaient former le second gouvernement général de la ligne du Mi-Rhin à Paris. En conséquence, lorsque le département fut occupé, le gouverneur général du Moyen-Rhin (Juste Grüner) y envoya un commissaire. Le 28 février, monsieur Athenstaedt s’établit à Echternach en attendant que Luxembourg soit pris. Le 2 mars, il publie une proclamation par laquelle il « exigede la part de toutes les autorités et de tous les fonctionnaires, de la fidélité, […] de l’attachement pour la bonne cause des Allemands, pour les Hautes Puissances alliées et pour leurs armées…» et exige des habitants ordre, tranquillité et obéissance. [viii]

Le gouverneur général de la Belgique qui contrôle le département voisin de Sambre-et-Meuse se croit autorisé à imposer son autorité sur le département des Forêts en vertu de l’article 8 de la convention de Bâle. Il désigne un préfet provisoire. Le quartier-général ne lui donnera pas raison ; il réunit le département au gouvernement général du Moyen-Rhin. Le 7 mars, le gouverneur Grüner en informe le commissaire Athenstaedt ; le 9 mars, il proclame aux « habitants du duché de Luxembourg et du comté de Chiny [qu’ils ont] été admis au nombre des peuples allemands, [et qu’il lui] ont été confiés. » [ix]

Gouvernement-général du Bas-Rhin et Moyen-Rhin

Le 31 mai à Paris, lendemain de la conclusion du traité mettant fin provisoirement à la guerre, les Hautes Puissances alliées remanie les gouvernements généraux et leurs circonscriptions. Ils conviennent que les gouvernements tout en agissant en leurs noms seront à l’avenir indépendants du département central dirigé par le baron de Stein. [x]

À partir du 16 juin, les Anglais et les Hollandais occupent la Belgique de la mer jusqu’à la Meuse ; les Prussiens occupent la région comprise entre la Meuse et la Moselle ; les Autrichiens et Bavarois de la Moselle « à la ci-devant Alsace. » Les gouvernements généraux du Moyen-Rhin et du Bas-Rhin sont réunis. Le nouveau gouvernement, dont le chef-lieu est Aix-la-Chapelle, sera administré par monsieur Sack, conseiller d’état privé. [xi]

Si le département des Forêts est déjà aux mains des Prussiens, le département de Sambre-et-Meuse est sous les ordres du gouvernement général de Belgique. Sa partie située sur la rive droite de la Meuse est rétrocédée aux Prussien qui eux-mêmes cèdent aux Anglais et Hollandais les parties des départements de l’Ourthe excepté la ville de Liège et de la Meuse-Inférieure situées sur la rive gauche du fleuve. [xii]

Organisation de l’administration

Sous le gouvernement-général du Moyen-Rhin

Le gouverneur Grüner ne modifie pas la structure administrative du département mais l’adapte aux circonstances et chose somme toute logique, l’épure. Par arrêté du 4 février 1814 [xiii] :

  1. Les préfets des départements de son gouvernement sont remplacés par des commissaires du Gouvernement-général.
  2. Les sous-préfets (arrondissements) restés en activité sont provisoirement maintenus dans leurs fonctions.
  3. L’allemand devient la langue administrative et judiciaire. Cette disposition ne concernera pas le département des Forêts. En effet dans sa proclamation aux habitants du duché de Luxembourg et comté de Chiny du 9 mars 1814, le gouverneur-général Juste Grüner « entend cependant que la langue française, ainsi que cela a eu lieu sous le gouvernement autrichien, ait les mêmes droits que la langue allemande dans toutes les affaires publiques. » En conséquence, le Journal officiel du département des Forêts est bilingue. [xiv]

Dans son arrêté du 3 mars 1814, le commissaire Athenstaedt qui précise qu’il n’est pas nécessaire de remplacer l’administration préfectorale car il administre le département, prévoit [xv] :

  1. Le remplacement des fonctionnaires et employés qui ont quitté leur poste par des habitants du département des Forêts (art. 6).
  2. L’assermentation des fonctionnaires « probes et éclairés » et des employés restés à leur poste (art. 1).
  3. Le remplacement des sous-préfets (arrondissement) par des hommes « habile et solide, afin de faire reprendre à l’administration le cours qui en a été interrompu. » (art. 4)

Le département conserve sa division en quatre arrondissements.

Le 8 mars, le gouverneur-général Juste Grüner prie de nommer le plus tôt possible les directeurs de cercle c’est-à-dire les sous-préfets et les receveurs de districts. [xvi]

Le 10 juin, le baron de Stein (département central) ordonne que « tous les français doivent être de suite de suite écartés des fonctions publiques qu’ils exercent dans le pays, et remplacé par des allemands. » [xvii]

Sous le gouvernement-général du Bas-Rhin et Moyen-Rhin

La répartition des zones d’occupation s’étant faites sur des frontières naturelles et non sur les divisions administratives françaises, un arrêté du 12 septembre 1814 réorganise l’administration et la justice du territoire administré par le gouvernement-général du Bas-Rhin et Moyen-Rhin. La partie du département de Sambre-et-Meuse située sur la rive droite du fleuve est divisée en deux cercles (arrondissements) : le cercle de Dinant comprenant les cantons de Dinant, Ciney, Namur-Sud, Andenne, Rochefort et Wellin ; le cercle de Marche comprenant les cantons de Marche, Laroche, Erezée, Durbuy, Havelange, Nassogne et Saint-Hubert (art. 3). [xviii]

Le département des Forêts conserve son administration et ses quatre cercles (arrondissements). Unique changement, douze mairies au-delà de la Moselle en sont détachées (art. 13). [xix]

Organisation des communes

La première décision prise en cette matière est symbolique, le 14 février, « il est permis [aux villes et communes] de reprendre leurs anciennes armoiries et de les rétablir là où elles existaient autrefois. » Mais rapidement, un contrôle est mis en place. Le 17 février, le gouverneur Grüner décide de nommer une commission spéciale par département pour y examiner avec sévérité les griefs adressés contre les maires. Si ces derniers sont reconnus coupable, ils perdront leur emploi. [xx]

L’arrêté du 17 décembre 1814 du gouverneur-général du Bas-Rhin et Moyen Rhin concernant la nomination des bourgmestres au commencement de l’an 1815, rappel aux commissaires de veiller « à ce que les bourgmestres, qui […] doivent abdiquer, aient leur démission, et ceux qui sont appelés à les remplacer, leurs lettres patentes au 31 décembre pour tout délai. » [xxi]

Contrôle des étrangers

Le contrôle des étrangers à savoir très certainement les Français et autres ressortissants européens restés fidèles à l’Empereur semble être une priorité. Le 14 février, une police des étrangers est créée et un arrêté sur les passeports promulgué. Le commissaire-général du département est chargé de délivrer des passeports pour l’étranger « c’est-à-dire, pour tous les pays qui ne font pas partie du Gouvernement-général du Moyen-Rhin », des passeports pour l’intérieur « c’est-à-dire, pour les pays dépendant du Gouvernement-général », et des passeports gratis « aux déserteurs qui retournent dans leurs foyers, ainsi qu’à d’autres personnes qui peuvent prouver qu’elles sont hors d’état de payer les droits. » [xxii]

Organisation judiciaire

Sous le gouvernement-général du Moyen-Rhin

Sous le gouvernement-général du Bas-Rhin et Moyen-Rhin

Royaume des Pays-Bas

Le 1er mars 1815, Napoléon Bonaparte est de retour en France avec un millier de soldat. Le 13, les puissances alliées réunies à Vienne le mettent au ban de l’Europe et forment une septième coalition.

Profitant de la situation, le 16 mars, avant la conclusion des délibérations du congrès de Vienne, Guillaume Ier, prince d’Orange-Nassau et souverain des Provinces-Unies, se proclame roi des Pays-Bas et Grand-duc de Luxembourg « sur ce qu’il était devenu urgent de constituer l’état dont la politique de l’Europe entière considérait l’exigence comme nécessaire à la tranquillité et la sûreté générale[xxx]» Son action doit plutôt être vue comme un coup de poker dans les négociations diplomatiques entre alliés divisés qui lui avaient promis les provinces Belgiques excepté le duché de Luxembourg. Il ne fait pas un coup de force. Il attend le 12 mai pour prendre possession des Pays d’Outre-Meuse. Le 31 mai, il conclut avec l’empereur d’Autriche un traité de limites décrivant les frontières du royaume des Pays-Bas et du Grand-duché de Luxembourg. Le 9 juin, le résultat du congrès de Vienne est coulé sur forme d’un traité qui confirme ses revendications. Le 18 juin, Napoléon est battu à Waterloo. Le 14 juillet, Guillaume Ier prend possession du duché de Bouillon qu’il incorpore au grand-duché. [xxxi]

En vertu de l’article 1er du second traité de Paris conclu le 20 novembre 1815, la France est ramenée dans ses frontières de 1790.


Bibliographie

  1. Recueil des circulaires, instructions et autres actes émanés du ministère de la justice ou relatifs à ce département, deuxième série (1814-1830), tome I, Années 1814-1816.[en ligne] Bruxelles : Imprimerie de Weissenbruch Père, imprimeur du Roi, 1849. Disponible sur : https://books.google.fr/books?id=c39CAAAAcAAJ&dq=%22d%C3%A9partement%20des%20for%C3%AAts%22&hl=fr&pg=PP7#v=onepage&q&f=false

Notes

[1] Convention de Leipzig

[2] Convention de Londres du 20 juin 1814

[3] 5 juges en matière civile.

[4] Roer, Meuse-et-Ourthe, Rhin-et-Moselle, Forêts


Références

[i] Recueil des circulaires, 1849, p. xxiv - introduction

[ii] Article 3 de la Convention de Bâle du 12 janvier 1814 : Recueil des circulaires, 1849, p. l - introduction

[iii] Article 5 de la Convention de Bâle du 12 janvier 1814 : Recueil des circulaires, 1849, p. l - introduction

[iv] Recueil des circulaires, 1849, p. xxiv - introduction

[v] Recueil des circulaires, 1849, pp. xxv-xxvi - introduction

[vi] Recueil des circulaires, 1849, pp. xxvi-xxvii - introduction

[vii] Recueil des circulaires, 1849, p. xlvii – introduction

[viii] Recueil des circulaires, 1849, p. xxxii – introduction et pp. 79-80

[ix] Recueil des circulaires, 1849, p. xxxii – introduction, p. 86 et pp. 95-96

[x] Recueil des circulaires, 1849, p. xxxi – introduction

[xi] Recueil des circulaires, 1849, pp. 109-110

[xii] Recueil des circulaires, 1849, pp. xxxi-xl – introduction

[xiii] Recueil des circulaires, 1849, pp. 66-68

[xiv] Recueil des circulaires, 1849, pp. 95-96

[xv] Recueil des circulaires, 1849, pp. 80-85

[xvi] Recueil des circulaires, 1849, p. 88

[xvii] Recueil des circulaires, 1849, p. 111

[xviii] Recueil des circulaires, 1849, pp. 139-143

[xix] Recueil des circulaires, 1849, p. 142

[xx] Recueil des circulaires, 1849, p. 71 et p. 72

[xxi] Offizielles Journal des Wälder-Departements / Journal officiel du département des Forêts, première année. Luxembourg, 1814. Bulletin n° 45 du 26 décembre 1814, pp. 1-2

[xxii] Recueil des circulaires, 1849, pp. 77-78 et pp. 78-79

[xxiii] Recueil des circulaires, 1849, pp. 79-80

[xxiv] Recueil des circulaires, 1849, pp. 96-97, p. 101, p. 107 et p. 109

[xxv] Recueil des circulaires, 1849, pp. 100-101

[xxvi] Recueil des circulaires, 1849, pp. 102-103

[xxvii] Recueil des circulaires, 1849, pp. 139-143 et pp. 143-144

[xxviii] Recueil des circulaires, 1849, pp. 139-143 et p. 148

[xxix] Recueil des circulaires, 1849, pp. 139-143, pp. 152-154 et p. 158

[xxx] Recueil des circulaires, 1849, p. xxvii – introduction

[xxxi] Discutions du Congrès National de Belgique, 1830-1831, mises en ordre et publiés par le chevalier Émile Huyttens, tome cinquième. Bruxelles : Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1845, p. 323. ; RAXIS DE FLASSAN, Juan Bautista Cayetano. Histoire du congrès de Vienne : Acte général du 9 juin 1815, tome III. Paris : Treuttel et Wurtz – Libraires, 1829, pp. 3-11 (préambule), pp. 58-66 (Pays-Bas), pp. 92-95 (dispositions finales) et pp. 233-242 (traité des limites). ; Recueil des circulaires, 1849, p. xxvii – introduction, pp. 382-384 et pp. 392-398 ; VANDERMAELEN, Philippe ; MEISSER, François Joseph (Docteur), Dictionnaire géographique du Luxembourg. Bruxelles : À l’Établissement géographique, 1838, p.166.