Carnets de notes

Exemples de transmission du patrimoine

Sachant « que d’ailleurs rien n’est plus certain que la mort et plus incertain que le moment d’icelle » [1], l’être humain a toujours été conscient de sa propre fin et de la nécessité d’organiser la transmission de son patrimoine en cas de départ anticipé.

À différente étape de sa vie, il est amené à y penser et à prévoir des dispositions.

Le contrat de mariage

Le mariage est la première étape. Les époux deviennent responsables. La mort de l’un d’entre eux peut s’avérer catastrophique pour le conjoint survivant. Perte du logement, perte de revenu, pauvreté, indigence…

Si de nos jours, en l’absence de contrat de mariage, il y a communauté réduite aux acquêts, il n’en a pas toujours été le cas. Ledit contrat de mariage était le meilleur moyen de préparer la mort d’un des époux.

Une constante s’impose, nos ancêtres du 19e siècle sont terre à terre. Au travers de leurs actes, ils gèrent le patrimoine et uniquement celui-ci.

Les trois contrats recueillis sont relativement brefs. Les biens préexistants à l’union sont repris dans le premier article tout comme d’éventuelle donation des parents des époux, mais ceci ne consiste pas le cœur de l’acte. Tous les contrats comprennent une clause de donation mutuelle entre vifs et irrévocable, l’un à l’autre et au survivant des deux époux. Les biens sont meubles ou immeubles, en pleines propriétés ou en usufruits. Mais la clause de donation est toujours réduite en cas d’enfants issus du couple ou à naître.

21 octobre 1836 : Louis Saint-Mard et Anne Agathe Guillaume se font donation de la pleine propriété de tous les meubles et effets mobiliers ; et l’usufruit de tous les immeubles. S’il y a des enfants survivants au moment du décès de l’un d’entre eux, la clause sera réduite en fonction des dispositions du Code civil.

12 février 1843 : Henri Saint-Mard et Marguerite Ribonnet se font donation de la pleine propriété de leur maison et dépendance, des biens meubles ; et de l’usufruit de tous les autres immeubles. En cas d’enfant, la donation est réduite à un quart de l’usufruit et un quart de la pleine propriété sans pour autant déroger aux dispositions du Code civil.

Le contrat de 28 juin 1811 entre Pierre Saintmard et Marie Thérèse Genin est un cas particulier. La future épouse, veuve, est mère de huit enfants. Il y a mis en communauté des biens des fiancés, mais les parts appartenant aux enfants de Marguerite Ribonnet n’en font pas partie. En cas de décès de l’épouse, l’époux recevra « une part d’enfant légitime (1/8e) […] dans la généralité de tous les meubles, effets, argents, dettes actives et tout ce qui est réputé objets mobiliers. » Prévoyante, l’épouse y incorpore les dettes. Le Code civil gérera la transmission des immeubles.

Les donations

La donation avec conditions

Tant le contrat de mariage que la donation entre vifs pour cause de mort n’assure que la jouissance des biens au conjoint survivant. Dans bien des cas, une donation de ses biens avec conditions permet d’assurer la fin de ses jours.

Le Code civil impose une solidarité réciproque entre parents et enfants, mais l’obligation peut être renforcée. « Je te donne mes biens, mais tu prends soin de moi jusqu’au terme naturel de ma vie. »

Dans le cas le plus simple, le donateur désire simplement conserver l’usage de ses biens. Il donne la nue-propriété de ses biens moyennant ou non une rente. C’est le cas de Marguerite Ribonnet en 1880, elle donne la nue-propriété de sa maison à son fils Jean-Baptiste Saintmard moyennant une somme de 600 francs libérable à sa première requête. En 1845, Jean Ribonnet avait donné l’intégralité de la nue-propriété de ses biens sans demander la moindre rente. Une seule condition, il jouirait de ses biens jusqu’à sa mort.

Le 3 Germinal an IX soit le 13 avril 1801, Hélène Collignon veuve de Pierre Simon donne ses biens immeubles situés sur le territoire de la mairie de Dampicourt, Mathon et ses voisins à ses cinq enfants (Marie Anne, Anne Marie, Marguerite, Jean-Pierre et Marie-Joseph Simon). Les biens proviennent de son chef et de celui de son époux. Le partage est égalitaire. Comme seule condition, la donation prévoit une rente « à remettre annuellement à Hélène Collignon jusqu’à sa mort naturelle. » Les bénéficiaires devront lui remettre dans sa grange le tiers du produit de la terre et des prairies.

D’autres donateurs sont plus exigeants. Ils assurent la fin de leur vie. Jeanne Dessalles, veuve de Noël Genin fait donation de ses champs et prés à ses enfants (1836). L’un d’entre eux reçoit ses objets mobiliers évalués à 1.900 francs, mais sous la condition de loger, nourrir, chauffer et entretenir, la donatrice, « sa vie naturelle durant. » Henri Saint-Mard et son épouse Marie Jeanne Neveu sont nettement plus exigeants (1840). La donation porte sur une maison avec grange et écurie, des terres, prés et jardins. Leurs six enfants en sont les bénéficiaires, mais ceux-ci sont tenus de payer une rente annuelle et viagère de 360 francs jusqu’au « décès du dernier mourant des donateurs », cultiver les aisances des donateurs et d’en remettre le produit, de soigner et entretenir la vigne, mais aussi « de soigner les donateurs dans toutes leurs maladies, ou dans tous les accidents, qui pourraient leur survenir, de suppléer, en cas d’insuffisance de la pension viagère, à tous les besoins des donateurs ; de faire faire leurs obsèques et services funéraires, d’une manière honorable ; d’acquitter les dettes, contractées et à contracter. » Rien n’est laissé au hasard.

Le bénéficiaire de la donation n’est parfois pas le descendant du donateur. En 1893, Marguerite Saint-Mard veuve de Jean Everling, donne ses biens meubles et une parcelle de terre labourable à Pierre Joseph Bresseur époux de Jeanne Guerlot. En contrepartie, les époux Bresseur devront « loger, nourrie et soigner, en leur ménage commun la dame veuve Everling, jusqu’au jour de son décès. » Marie-Élisabeth Saint-Mard veuve de Jacques Robert a une exigence supplémentaire lorsqu’elle donne en 1891 ses deux maisons, ses terres et près, son mobilier à Jean Gustave Gillet époux de Julie Émilie Gobert. Non seulement, ils se doivent « de recevoir au regard dans leur maison d’habitation, loger convenablement et d’une maison salubre, nourrir à leur table, comme eux et leurs familles, vêtir de tout habillement généralement quelconque, entretenir, blanchir, chauffer, éclairer, soigner la Dame donatrice », mais aussi « après la mort de lui faire faire ses obsèques convenables. »

La donation des biens permet d’assurer la fin de ses jours et ses obsèques.

Deux cas particuliers : Anne Marie Simon et ses fils

Donation du 14 août 1835

Le 14 août 1835, Anne-Marie Simon veuve de Jean-Baptiste Saint-Mard donne à ses fils des biens immeubles qu’elle a acquis lors de ventes publiques. Les bénéficiaires sont deux de ses quatre fils Jean-Baptiste et Louis Saint-Mard qui demeurent avec elle à Dampicourt. Ses deux autres fils, Joseph et François Saint-Mard demeurant à Velosnes ne sont pas oubliés. Ils reçoivent chacun à titre de dots une somme de 2.350 francs.

La donation prévoit une condition fort intéressante pour les bénéficiaires : « Les donataires sont dispensés de rapporter les immeubles à leurs données, à la succession future de la donatrice. » La même condition s’applique aux deux dots. Anne-Marie Simon a-t-elle sorti une partie du patrimoine de sa future succession pour éluder les droits de succession ?

Une maison à Dampicourt (6 septembre 1846)

La ferme Saint-Mard sise rue d’Aigremont à Dampicourt comprenant un corps de logis, une grange, une écurie et un jardin a été transmis sur trois générations (par donation et vente).

Cette dernière appartenait à la communauté formée de Jean-Baptiste Saint-Mard et Anne-Marie Simon.

Le 6 septembre 1846, Anne-Marie Simon donne à trois de ses fils la nue-propriété de la moitié lui appartenant. L’autre moitié de la nue-propriété appartient aux quatre frères Saint-Mard à la suite du décès de leur père en 1816. Par rachat et échange, un des fils (Jean-Baptiste) devient l’unique propriétaire de la nue-propriété de la maison.

Tous les échanges prendront effet après la mort d’Anne-Marie et les paiements devront être faits dans la huitaine de son décès.

La technique de la donation de la nue-propriété permet au bénéficiaire d’acquérir un bien à des conditions intéressantes et hors droits de succession. Elle garantit une qualité de vie à la donatrice qui continue de jouir de son bien. Dans le cas présent, Jean-Baptiste Saint-Mard prend soin de sa mère.

Donation entre vifs pour cause de mort

Si les époux n’ont pas rédigé de contrat de mariage, ils peuvent se faire donation de leurs biens. Les actes sont succincts. Le mécanisme et les clauses sont identiques au contrat de mariage, mais nécessitent deux actes. Chaque époux fait une donation à l’autre.

La première clause est la donation entre vif, réciproque et irrévocable de l’usufruit de tous les biens meubles et immeubles du donataire.

La deuxième clause est la réduction en cas d’enfant survivant issu de l’union ou d’enfant à naître. La part est réduite à un quart de la pleine propriété et un quart de l’usufruit.

Chose étonnante, les quatre actes à ma disposition ont la même formulation, la première clause porte sur un usufruit et la seconde parle de pleine propriété et d’usufruit.

Les actes :

Les ventes avec conditions

Vente du 8 avril 1800

Tout comme la donation, la vente avec conditions permet d’organiser la fin de sa vie et transmission du patrimoine.

Le 8 avril 1800, Anne Collignon veuve de Philippe Saint-Mard, demeurant à Dampicourt vend à Hélène Collignon veuve de Pierre Simon, demeurant aussi à Dampicourt, la généralité de tous ses biens immeubles situés à Dampicourt et bans voisins, et la généralité des meubles meublant lesdits biens.

Une condition prévoit que l’acquéreuse « s’oblige et s’engage pour elle et les siens de nourrir et entretenir la venderesse convenablement à son domicile, à son pain et pour sa vie durant, et ce sous l’hypothèque des biens ainsi vendus, et les autres présents et futurs de l’acquéreuse. »

Nous constatons que la vente se fait pour un prix modique (100 francs pour les immeubles et 100 francs pour les meubles). L’acquéreuse sera prise en charge (logée, nourrie et entretenue) à son domicile. Afin d’éviter tout problème, l’être humain étant ce qu’il est, Anne Collignon s’est protégée. En effet, l’obligation est garantie par l’hypothèque des biens vendus et il semble prévu que les biens acquis dans le futur par Hélène Collignon soient aussi hypothéqués.

Une maison à Dampicourt (5 janvier 1878)

La maison à Dampicourt sise rue d’Aigremont qui avait fait l’objet d’une donation en 1846 est revendue le 5 janvier 1878.

Jean-Baptiste Saint-Mard (1800-1890), l’oncle célibataire, vend la nue-propriété de la maison et ses dépendances à son neveu et sa nièce, époux consanguin, Jean-Baptiste Saint-Mard et Marie-Joseph Saint-Mard, cultivateur à Dampicourt.

La vente se fait pour un prix de 3.500 francs (3.000 pour la maison, 500 pour les meubles).

L’acte de vente prévoit comme condition que « l’acquéreur s’engage et s’oblige en engageant solidairement et indivisément ses héritiers, successeurs et ayant cause, à payer à qui de droit, un an après la mort du vendeur, sans intérêts aucun jusqu’à cette époque. » Chaque héritier recevra 250 francs.

D’un point de vue financier, grâce à cette technique, la maison ne fait plus partie de la succession et la communauté Saint-Mard–Saint-Mard acquière la maison dans laquelle ils demeurent.

Même s’il n’y a pas de trace écrite, cet acte sous-entend une prise en charge du vendeur par l’acquéreur.

Jean-Baptiste Saint-Mard comme sa maman Anne-Marie Simon transmet le flambeau à un membre de la famille et s’assure d’être aidé jusqu’à la fin de sa vie.

Avant la mort

Les testaments

Différentes possibilités existent du vivant d’une personne pour imposer ses dernières volontés. Le testament les enregistre. S’il organise la transmission du patrimoine après la mort, il ne permet pas d’organiser la fin de sa vie. Lorsqu’il est passé devant notaire, c’est un acte formaliste.

Le formulaire

Le formulaire est relativement rigide, mais varie légèrement d’un notaire à l’autre.

Le notaire :

La première phrase du testament se présente le notaire. Dans neuf cas, nous trouvons l’introduction suivante : « Par devant Maître…, notaire, résidant à Virton ». Le dixième testament présent une variante : « Fut présent, monsieur …, ainsi qu’il est apparu à moi notaire et aux témoins … »

Les quatre témoins :

La rédaction du testament se fait en présence de quatre témoins soit en l’étude, soit chez le testateur. Les prénoms, noms, professions et résidences des témoins sont mentionnés dans l’acte. La position dans le testament des témoins suit la première mention concernant le notaire, mais dans trois cas, cette liste est reléguée à la fin de l’acte.

État de santé physique et mental du testateur :

Le notaire précisera toujours avant les dispositions testamentaires l’état de santé du testateur et précisera qu’il ou elle lui dicte ledit testament. Il est à signaler l’absence de l’état de santé pour trois des dix testaments.

Les notaires Jean-Baptiste Modeste Foncin et Édouard Fontaine utilisent les expressions « sain de corps et d’esprit » et « malade de corps, mais sain d’esprit ». Dans un testament, le notaire Fontaine omet de préciser l’état de santé du testateur, il se limite à un « sain d’esprit. »

Les notaires Jean-Baptiste François (fils) et Joseph Marson omettent de préciser l’état de santé physique et mental du testateur.

Bien entendu tous les testateurs sont sains d’esprit.

La lecture du testament :

Le testament se termine toujours par une dernière formalité. Le notaire lie à haute voix le testament et le testateur déclare persister dans ses dernières volontés. Deux variantes se présentent, le testateur affirme comprendre la lecture ou affirme qu’il s’agit « de l’expression de ses dernières volontés. »

Chaque notaire à sa formule :

Les dispositions testimoniales

Les bénéficiaires :

Époux/épouse 1er degré civil Frère/sœur 2e degré civil Beau-frère/belle-sœur 2e degré civil par alliance Autre Réduction en cas d’enfant
1 x x
2 x x
3 x x x
4 x x x
5 x
6 x
7 x
8 x x
9 x x
10 x x

Le bénéficiaire est soit le conjoint (premier degré civil) soit un frère, une sœur, un beau-frère ou une belle-sœur (2e degré civil), mais dans un seul cas, il s’agit d’une personne n’ayant pas de lien familial avec la testatrice, veuve, qui vit avec cette personne sans pour autant y être mariée.

Deuxième règle importante, lorsqu’il y a enfant issu du testateur (testatrice), la disposition principale est réduite pour être confirmée au Code civil. Cette règle est systématiquement présente dans les testaments des personnes mariées.

L’objet :

Contrairement au discours d’une certaine littérature généalogique, tous les testaments que j’ai analysés n’ont pour objet que la transmission d’objets mobiliers et immobiliers, en aucun cas, il est question de dispositions religieuses.

Six testaments portent sur des biens mobiliers et immobiliers, un sur des biens mobiliers et trois ne précisent pas la nature de biens. Cependant dans tous les cas, les biens ne sont pas décrits, il n’y a pas d’inventaire.

Les testaments réciproques :

Huit des dix testaments sont des testaments « réciproques », ils sont rédigés en même temps et sont le résultat d’un accord entre les testateurs et les bénéficiaires.

Premier cas :

11 février 1858, vers l’heure de midi, « dans son lit en une pièce au rez-de-chaussée, dit vulgairement pèle, éclairée par une croisée au nord donnant sur un jardin et dépendant d’une maison lui appartenant en partie », Sophie Saint-Mard dicte son testament à Torgny. Sont présentes ses sœurs Marie-Jeanne et Marguerite, ainsi que Jean Everling l’époux de Marguerite.

Une heure de relevé, Marie Jeanne Saint-Mard dicte son testament, puis c’est le tour de Marguerite. Vers trois heures de relevé, Jean Everling signe son testament. Chaque testateur et bénéficiaire des trois autres testaments (légataires universels).

Quel est le contexte ? Sophie est malade, cette maladie semble être l’origine de cette série de testaments. Le groupe a conscience qu’elle va mourir, mais elle est traitée comme éventuelle bénéficiaire de ses sœurs et beau-frère, est-ce un formalisme légal ?

La série donne l’apparence d’un déséquilibre voulu et organisé. En principe, le dernier survivant héritera de tous les biens sauf si le couple Everling-Saint-Mard a des enfants survivants. Il ne semble pas que ce fut le cas. Mais logiquement un couple devient parent d’enfants qui leur survivent. Dans le cas où le couple meurt avant l’une des sœurs, cette dernière n’héritera que d’une part réduite (code civil), mais ses les deux sœurs décèdent avant le couple, le couple hérite de tous.

Ce jeu volontairement biaisé doit être regardé sous un autre angle, il reflète certainement l’entre-aide existant entre les quatre testateurs-bénéficiaires. L’héritage est le remerciement de cette aide.

Deuxième cas :

Les couples rédigent des testaments réciproques en vue de garantir un confort matériel au survivant de l’un d’eux. Nous retrouvons la même logique exprimée dans les contrats de mariage et les donations entre vifs pour cause de mort. Comme pour ces deux derniers, l’héritage est réduit en cas d’enfant issu du couple survivant au décès du testateur (code civil).

Le 6 juin 1808, Jean-Baptiste Saint-Mard et Marguerite Dubois de Torgny « pour reconnaître l’attachement » qu’ils éprouvent l’un envers l’autre depuis leur union « et pour d’autres raisons » s’instituent réciproquement « héritier universel ». Cette reconnaissance est-elle la manifestation de l’affection qui règle dans le couple, la manifestation de sentiments ou une simple formule initiée par le notaire ? Nous ne le saurons jamais.

L’époux a acheté la maison avant son mariage, mais en a payé en partie le prix avec l’argent du ménage. Dans un article, il prévoit la restitution de 50 % de la somme payée par les deniers du ménage à son épouse.

L’épouse se rapporte à son mari pour les frais de funérailles, ce dernier ne précise rien.

Les époux annulent et révoquent tous testaments et dispositions antérieures.

Dernier cas :

Des frères et sœurs célibataires, parfois, forment des communautés. Ils vivent ensemble sous le même toit. Les testaments réciproques entre frères ou sœurs permettent d’envisager l’existence d’une telle communauté entre eux.

Testament Guillaume Watrin (24 avril 1771)

Le 24 avril 1771, Guillaume Watrin, Caporal au régiment de Saxe-Gotha à l’infanterie de la garnison de Luxembourg dicte son testament à Jean Fidem Guillaume, notaire à Luxembourg. Il va partir en campagne et « désire disposer des biens qui lui doivent échoir à la mort de sa grand-mère Nicole Mouschet, veuve de François Collignon. »

Nous constatons qu’il prend des dispositions sur un patrimoine dont il n’a pas encore hérité.

Il désire que sa tante maternelle Hélène Collignon, femme de Pierre Simon à Dampicourt entre en possession des biens lui échus s’il venait à disparaître.

« Sa dernière volonté être comme suit » :

1. À la mort de sa grand-mère, il veut et ordonne que sa tante maternelle Hélène Collignon, femme à Pierre Simon de Dampicourt entre en jouissance et possession de tous biens échus et obtenus au comparant par la [...] mort, quelconque et sans exception, qu’elle, et après elle ses descendants continueront d’en jouir jusqu’au retour du comparant et qu’il voudrait les profiter et en jouir lui-même, et en ce cas, ladite Hélène Collignon ou ses descendants ne seront tenus de lui payer que les [limelles] de trois dernières années selon l’usage du pays pour toute reconnaissance de leur jouissance et fruits perçus.

2. En cas que ladite tante ou ses descendants reçoivent des nouvelles positives et des témoignages certains de la mort du comparant comme extrait mortuaire, il veut et ordonne qu’en ce cas tous lesdits biens lui échus et obtenus appartiennent prioritairement et héréditairement à ladite Hélène Collignon et après elle à ses descendants à l’exclusion de tout le monde, aux fins d’en jouir comme de ses ou leurs autres biens propres.

3. Il veut et ordonne finalement que la présente sa dernière volonté sorte ses pleins et entiers effets soit comme testament, codicille ou donation à cause de morts ou de telle autre manière que de droit faire se pourra, révoquent et captant tous actes antérieurs, renonçant de même à tout ce qui pourrait être contraire au présent acte.

Après la mort

Les archives familiales nous donnent un aperçu de la procédure de succession. Tous commencent par l’inventaire des biens du défunt.

Inventaire du 11 novembre 1816

Le lundi 11 novembre 1816, à 9 heures du matin, Jean-Baptiste Prothain, manœuvre à Velosnes, nommé par la justice et assermenté procède à l’inventaire des biens de Jean-Baptiste Saint-Mard décédé le 17 juillet de la même année. Il est supervisé par maître Joseph Antoine Auspice Thiebault, notaire royal à Montmédy.

Dans la maison appartenant à madame de Marche, Anne-Marie Simon veuve Saint-Mard vit avec ses quatre fils (Antoine François Joseph, Jean-Baptiste, Jean-François et Louis Saint-Mard).

Jean-Joseph Saint-Mard, militaire en non-activité, subrogé tuteur des enfants mineurs Saint-Mard est requérant, tout comme la veuve.

Le notaire et son expert visitent les différentes pièces de la maison et demande à Anne-Marie Simon « de rendre compte au curateur lors du battage et l’emploi » du nombre de gerbes de blé, avoine, orge et foin, car ils n’ont pu en établir le nombre.

En annexe de l’inventaire, nous trouvons les comptes de la maisonnée de Velosnes établi par Jean-Joseph Saint-Mard ainsi que différents inventaires peu lisible et explicite. L’un d’entre eux est une liste de biens immeubles à Dampicourt.

Déclaration du 30 juin 1751

La déclaration de succession est la deuxième étape.

Le 30 juin 1751, Jean Jamin le père et Jean Jamin le fils, fermier à Velosnes, font « déclaration des héritages qui compose une ferme appartenant à Monsieur Pierre Jehannot, trésorier extraordinaire des guerres à résidence de Haguenau en Alsace, à cause de Marie Marguerite Charlotte Clément son épouse et provenant originairement de défunt le sieur Jean Mangin, vivant bourgeois à Marville, aïeul de Marie Marguerite Charlotte Clément. »

La déclaration est faite devant les Maire et gens de justice de Velosnes, prévôté de Saint-Mard, pour y être certifiée, comprend l’inventaire des biens immeubles d’une ferme composée d’une maison, chènevière (culture de chanvre), terre et prés situé sur le ban, finage de Velosnes.

Liste des héritiers (> 26 août 1821)

S’il est important d’établir l’inventaire des biens composant la succession, il est tout aussi important de connaître les héritiers. Dans la majorité des cas, il s’agit des enfants. En revanche, si le défunt n’en a point, les héritiers seront ses plus proches collatéraux survivants (frère, sœur, neveu, nièce).

Dans un document antidaté faisant référence à la vente à réméré du 11 novembre 1816, nous avons la liste des héritiers de Jean-Joseph Saint-Mard ainsi que leur part.

Anne-Marie Saint-Mard, veuve de François Montlibert à Thonne-la-Long et sœur germaine du défunt est héritière pour quatre huitièmes.

Joseph, Jean-Baptiste, François, Louis Saint-Mard fils de Jean-Baptiste Saint-Mard (+1816) et Anne-Marie Simon sont héritiers chacun pour un huitième.

Nous avons là une répartition logique de la succession.

Jean-Joseph Saint-Mard a eu plusieurs frères et sœurs, mais seulement deux ont atteint l’âge adulte. Lorsqu’il est décédé le 26 août 1821 à Montmédy, son frère Jean-Baptiste est mort depuis cinq ans et sa sœur vit à Thonne-la-Long.

Anne-Marie Saint-Mard reçoit sa demi-part d’héritage et l’autre moitié est partagée entre les quatre fils de Jean-Baptiste (1/8 par fils).

À ce stade de la procédure, il faut liquider la succession. Nous avons le choix entre le partage et la vente publique. Le partage sous-entend une relative bonne entente entre les héritiers, mais la vente publique n’est pas non plus synonyme de conflit ou tension. Il s’agit simplement d’un mode pratique de liquidation.

Le partage

Partage du 31 janvier 1761

Partage des biens de Jean Simon et Jeanne du Chenoit.

Les cinq lots attribués aux héritiers sont estimés par Luca Kaisters, maître maçon et Charles Hacherelle, maître charpentier.

Nous constatons des compensations financières dans l’acte, nous pouvons en déduire que les lots ne sont pas égaux.

« Ce présent lot de partage est tombé à Mathieu Simon, il lui est redû sur son lot 33 écus qu’il prendra sur le lot qui est tombé à Gerom Jacques 15 écus, de même il prendra sur le lot qui est tombé à Pierre Simon 18 écus, dont tous les deux, s’obligent de lui payer dont ils ont bien conclu, signé et marqué. » 

Le 24 avril 1761, lors d’un acte de reprise de dettes fait à Dampicourt, Guillaume Simon « s’oblige à payer à Mathieu Simon, son frère, la somme de 33 écus (...) pour annuler l’obligation ici dessus qui était à charge de Gerom Jacques et de Pierre Simon. »

Il s’oblige à payer les intérêts année par année jusqu’à « remboursement de ladite somme qui sera fait à la volonté de Mathieu Simon, son frère. »

Six partages

Les archives familiales nous donnent des renseignements sur six autres partages.

Les partages dus :

Dans les cinq premiers partages, les héritiers sont les enfants des défunts. Dans le dernier, les héritières sont les trois sœurs de Jean-Louis Saint-Mard.

Particularités des partages
5 mai 1774

Dans l’acte de partage de la succession de Jean-François Collignon et Nicole Mouchet, les biens que la communauté possédait à Sainte-Marie ne sont pas partagés. Ils restent en indivision.

17 décembre 1847

Dans l’acte de partage de la succession de Jean-Baptiste Saint-Mard (+1816) et Anne-Marie Simon (+1847), les quatre lots égaux d’une valeur de 5.000 francs sont répartis entre les quatre enfants du couple, mais l’un d’entre eux, Jean-François Saint-Mard étant décédé, sa part est divisé de manière égale entre ses cinq enfants.

29 avril 1851

La succession de Jean-Baptiste Emmanuel Guillaume et Marguerite Thérèse Collin, vivant à Dampicourt, se partage en quatre lots égaux de 5.000 francs. Les héritiers sont les enfants du couple (Marguerite, Joseph, Agathe et Anne-Virginie Guillaume).

L’acte comporte une convention organisant la gestion des biens :

15 mai 1870

C’est le premier acte concernant la succession de Jean-François Saint-Mard. Un second partage aura lieu le 8 octobre 1871.

C’est un partage à l’amiable par tirage au sort fait à Dampicourt.

8 octobre 1871

C’est le deuxième acte concernant la succession de Jean-François Saint-Mard. Il organise le partage à l’amiable des biens délaissés par Jean-François Saint-Mard (+1846). Cinq lots de valeurs égaux sont tirés au sort. Le partage est fait sans soulte ni retour avec un effet rétroactif. Les héritiers deviennent propriétaires à dater du 1er janvier 1871.

20 décembre 1908

Partage de la succession de Jean-Louis Saint-Mard, charron à Velosnes. Célibataire, sans enfants, la succession revient à ses trois sœurs (Marie, Marie-Catherine, Marie-Joseph).

La vente publique

Les archives familiales comprennent huit procès-verbaux (ou extraits) de ventes publiques ayant pour origine une succession.

Cinq ventes permettent de liquider des successions avec plusieurs héritiers :

La vente du 1er décembre 1872 permet à Anne Cuvelier épouse de Fortuné André de liquider les biens issus de la succession de ses parents. Elle est l’unique vendeuse.

Deux ventes publiques concernent des curés.

Le 11 novembre 1832, Xavier Joseph Neunheuser d’Aigremont, receveur des contributions, demeurant à Dampicourt est l’exécuteur testamentaire de l’abbé Sommeillier, en son vivant curé de Dampicourt.

La vente liquide les biens situés sur le territoire de Dampicourt et Harnoncourt, au profit de Pierre-Joseph Sommeillier, manouvrier à Virton et frère du défunt.

Dans la vente de biens du 16 avril 1871, les vendeurs sont les Bourses d’Étude fondées par Henri Dumont, ancien curé de Virton.

Les Bourses d’Étude de la province de Luxembourg sont représentées par leur président Emmanuel Tesch (avocat) et leur secrétaire Émile Tandel.

Description des cinq ventes (plusieurs héritiers)

13 avril 1805

Vente publique d’un petit bien rural consistant en jardin, terres et prés, situé sur le territoire de Dampicourt et voisin.

Les biens appartiennent aux vendeurs (Pierre Antoine, Jean François, Jean-Baptiste et Marie Élisabeth Lambert) du chef de la succession de leurs auteurs.

L’entrée en jouissance de terres et prés se fera en fonction des récoltes.

31 mai 1808

Vente publique à Villers-la-Loue. Les héritiers Guillaume (Anne, Jean-Pierre, Marie-Joseph, et Odile Guillaume) vendent les biens de leurs auteurs.

Aucun des héritiers n’habite la commune (Velosnes, Tintigny et Jamoigne).

26 août 1858

Vente à Dampicourt des biens immeubles (terres et prés situés sur le territoire de Dampicourt et voisins) appartenant à feu Marie-Jeanne Eugène épouse de Jean-Philippe Lambert.

Les héritiers sont Pierre-Joseph Noël, Jeanne-Catherine Noël, Marie-Jeanne Victorine Themelin, Marie-Thérèse Noël, Marie-Joseph Paul et Marguerite Paul.

26 février 1860

Vente des biens issus des successions de Jacques Tanton et de sa première épouse Jeanne Dupuis, ainsi que de la communauté Tanton-Collignon.

Le tribunal civil de première instance séant à Arlon en date du 8 février 1860 autorise la vente.

Les héritiers sont Catherine Collignon veuve de Jacques Tanton et sa fille Clémentine Tanton ; Jean-Baptiste Baduraux ; Sébastien Tanton ; Paulin Tanton ; Guillaume Tanton.

29 octobre 1860

Vente de biens immeubles issus de la succession de Claude Collignon et Marguerite Dubois père et mère des vendeurs (Marie-Anne, Jean André, Marguerite, Odile Thérèse Collignon).

1er décembre 1872

Vente de biens immeubles à Dampicourt issu de la succession des parents d’Anne Cuvelier (vendeuse) femme de Fortuné André.

Deux autres cas

Les archives familiales nous renseignent sur deux autres cas possibles :

Conclusions

Au travers de différents contrats et actes, nous ancêtres ont organisé la fin de leur vie et la transmission de leur patrimoine. Ils sont pragmatiques et ne s’intéressent qu’à leur condition matérielle. Certains d’entre eux, lors de donations, organisent une véritable prise en charge de leur personne (rente, logement, nourriture soit et mêmes frais de funérailles).

Notes

[1] Testament du Guillaume Watrin du 24 avril 1771.


Le présent article est la fusion des articles La vieillesse, la mort et le patrimoine (Archives Noël : le rapport) du 02-08-2003 et Le terme de la vie (Notariat de Virton) du 20-08-2006.